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Les jihadistes tunisiens testent leur force et la fermeté du gouvernement
La Tunisie retient son souffle et a les yeux rivés sur Kairouan
Publié dans La Tribune le 17 - 05 - 2013

Ce serait le remake du deux novembre 1982 à Alger, lorsqu'au lendemain de l'assassinat de Kamel Amzal, les islamistes algériens ont occupé la place Audin. Une démonstration de force que le pouvoir était incapable d'empêcher et qui a sonné le glas de toute perspective démocratique en Algérie.
Les islamistes radicaux tunisiens vont rééditer demain à Kairouan cette manifestation qui serait un choc psychologique pour les courants
modernistes si ce rassemblement n'est pas empêché par les forces de sécurité.
Le gouvernement a interdit ce meeting mais a-t-il les moyens de faire respecter la loi ? «Nous ne demandons pas l'autorisation du gouvernement pour prêcher la parole de Dieu et le mettons en garde contre toute intervention de la police pour empêcher la tenue du congrès», a déclaré Seifeddine Raïs, porte-parole d'Ansar Ashariaa, le groupe islamiste radical qui organise la manifestation. «Le gouvernement sera responsable de toute goutte de sang qui sera versée», a-t-il prévenu, affirmant que plus de 40 000 personnes étaient attendues à ce rassemblement annuel, le troisième depuis la révolution de 2011.
Le gouvernement tunisien a décidé d'interdire le rassemblement au motif que les organisateurs n'avaient pas obtenu d'autorisation comme l'exige la loi, selon Rached Ghannouchi, l'influent chef d'Ennahda au pouvoir.
«Les autorités doivent appliquer la loi sans distinction, nous soutenons la fermeté du gouvernement à faire appliquer la loi pour tous», a-t-il déclaré mercredi dernier. Pour sa part, le président tunisien, Moncef Marzouki, a demandé, jeudi dernier, aux chefs de la mouvance salafiste de condamner la violence armée, lors d'une réunion de «dialogue national» à l'appel du principal syndicat. «J'attends des cheikhs salafistes en Tunisie une condamnation claire du terrorisme», a-t-il déclaré, ajoutant que l'Etat était «déterminé à agir contre les dérives et à recourir à tous les moyens militaires et sécuritaires dont il dispose». «La Tunisie fait face désormais à une menace terroriste en provenance des zones d'instabilité proches et lointaines», a ajouté M. Marzouki, en référence en particulier à la Libye et au Mali. Il a appelé à «serrer les rangs face au fanatisme religieux, quelles que soient les tendances et les différences». Face au désordre et à l'anarchie qui s'installent, le ministère tunisien de l'Intérieur a soumis à autorisation préalable l'organisation de toute activité publique des partis et associations et durci le ton face à l'agitation salafiste.
Le ministre de l'Intérieur, Lotfi Ben Jeddou a aussi menacé de poursuivre «toute personne appelant au meurtre, incitant à la haine (...) ou plantant des tentes de prêche», en allusion au dispositif utilisé par les salafistes pour prêcher et diffuser leurs idées. Le chef d'Ansar Ashariaa, Saif Allah Bin Hussein (Abou Iyadh) un vétéran d'Afghanistan ayant combattu avec Al-Qaïda, a répliqué en menaçant de faire la guerre au gouvernement et a accusé Ennahda de mener une politique contraire à l'islam.

Bras de fer à risque
Hier, le gouvernement tunisien a fait une erreur tactique qui risque de faire basculer la Tunisie dans une violence inouïe. Après avoir interdit formellement le rassemblement de Kairouan, le ministre tunisien de l'Intérieur commençait hier à hésiter et faire preuve d'indécision : «cette décision définitive sera prise aujourd'hui (vendredi) ou demain (samedi)», a déclaré à la radio Kalima le ministre Lotfi Ben Jeddou, soulignant que l'Etat «n'acceptera pas les menaces de mort» au lendemain de déclarations belliqueuses du mouvement jihadiste.
Alors que le chef du parti islamiste au pouvoir Ennahda, Rached Ghannouchi, avait affirmé cette semaine que le gouvernement avait interdit le rassemblement des salafistes qui en retour avaient appelé «40 000 partisans» à défier les autorités à se réunir pour leur congrès annuel à Kairouan, le ministre de l'intérieur tergiverse en reconnaissant qu'aucune demande d'autorisation n'avait été présentée par le principal groupe salafiste jihadiste du pays, ce dernier ne reconnaissant pas l'autorité de l'Etat. «Nous avons posé comme conditions (à Ansar chariâa) qu'il n'y ait ni violence physique ni verbale (au Congrès) et qu'ils se contentent de faire de la prédication. Jusqu'à présent nous n'avons reçu aucune demande d'autorisation», a-t-il expliqué. Ansar chariâa semble décidés de passer outre l'avis du gouvernement.
Le ministre de l'Intérieur a déclaré hier: «nous avons des forces spéciales pour protéger la Tunisie (...) On n'accepte pas les menaces de mort et l'incitation à la haine, on n'acceptera pas de se faire traiter de tyrans», a rétorqué vendredi le ministre de l'Intérieur. Il a appelé Ansar chariâa «à la sagesse, à s'intégrer à la vie politique, à accepter l'autre et à renoncer à la violence verbale et physique». «Si Dieu le veut, nous ne serons pas obligés de recourir à la violence», a relevé M. Ben Jeddou. «Nous ne voulons pas la confrontation avec eux, ce sont des Tunisiens. Nous n'avons pas fermé leurs mosquées, nous ne les avons pas empêchés de faire de la prédication. Ce sont eux qui sont passés à la surenchère», a-t-il souligné.
Rien ne justifie le report de la décision d'interdiction ou d'autorisation de la manifestation des islamistes radicaux.
A moins que le gouvernement tunisien ait opté pour une attitude attentiste redoutant une déferlante sur la ville de Kairouan qu'il ne peut maîtriser, encore moins mâter.
Manifestement, les hésitations du gouvernement seront perçues comme un recul et aveu de faiblesse face à Ansar Achariâa qui seront déterminés à tenir leur rassemblement quel qu'en soit le prix.
Le bras de fer est engagé mettant aux prises Enahda et les salafistes jihadistes décidés à en découdre avec leurs frères ennemis.
Cette brèche dans la fermeté du gouvernement, va encourager les adeptes d'Ansar Chariâa de converger en masse vers Kairouan et de mettre les autorités devant le fait accompli. D'autant plus qu' Ansar Chariâa n'ont pas seulement l'intention de faire leur messe annuelle, mais de proclamer la Khilafa à Kairouan. Si cette proclamation se veut symbolique dans une ville mythique, l'objectif stratégique étant de faire de la Tunisie un pays de Jihad et plaque tournante du Jihadisme dans la région maghrébine. L'affaiblissement d'El Qaïda en Algérie est manifeste, c'est la Tunisie qui prendra la relève pour des raisons évidentes, la force des jihadistes tunisiens, la faiblesse du régime, l'inexpérience des forces de sécurité tunisiennes dans la lutte antiterroriste et la situation socioéconomique favorable aux actions subversives. Si la matrice du terrorisme venait à prendre forme en Tunisie avec la même férocité qu'elle a connue en Algérie, c'est l'Etat tunisien qui risque de tomber et c'est la guerre civile qui risque de prendre racine dans ce pays. Les ingrédients d'un tel scénario sont réunis tant au plan interne que régional. Les terroristes en Algérie qui restent actifs dans l'extrême est du pays, notamment dans les Monts de Tébessa et à l'est des Aurès, pourraient trouver refuge et un terrain favorable en Tunisie. Les groupes armés toujours présents au nord du Mali, traqué et amoindris ne manqueront pas de rallier la Tunisie pour leur survie et pour prêter main forte à leurs acolytes tunisiens. Mais le gros risque peut venir de la Libye où l'absence d'un Etat fort, la multitude de groupes armés et la libre circulation des armes de guerre pourraient se déverser en Tunisie. Cette perspective est fort plausible d'autant plus que les Jihadistes tunisiens ont testé la puissance de feu des services de sécurité dans la région de Qasrine et El Kef où se concentrent des groupes terroristes passés à l'action. Depuis avril dernier, l'armée tunisienne tente de mettre hors d'état de nuire des groupes armés
retranchés sur les massifs ouest du pays, à la frontière de l'Algérie. Seize militaires et gendarmes ont été blessés par des mines
artisanales sur le Mont Chaambi, près de Qasrine (centre-ouest) et des renforts ont été déployés jeudi dernier dans la région du
Kef (nord-ouest) pour traquer une dizaine de jihadistes. Les affirmations du porte-parole d'Ansar Ashariaa qui a nié toute implication de son groupe et d'Al-Qaïda dans le maquis de Chaambi, ne changent rien à la réalité sur le terrain. L'assassinat par fatwa fait partie des pratiques des intégristes dont l'objectif est d'une part, de terroriser tous les opposants et d'autres part, d'obliger leurs recrues à avoir du sang sur les mains, une sorte de pacte d'allégeance et de soumission. Ainsi, ils ont assassiné un officier de police tunisien sur la base d'une fatwa de leur imam, a révélé mercredi dernier à la presse Rached Ghannouchi, chef du parti islamiste Ennahda qui dirige le gouvernement.
«L'officier a été tué à coup de sabres par des membres de ce mouvement (salafiste jihadiste) sous couvert d'une fatwa prononcée par leur imam», a indiqué à la presse M. Ghannouchi, dénonçant la violence pratiquée au nom de la religion. Le cadavre d'un commissaire de police a été retrouvé début mai dans le quartier Jbel Jloud, au sud de Tunis, les autorités et les médias avaient alors évoqué un crime crapuleux.
Le ministère de l'Intérieur a condamné le meurtre et annoncé l'arrestation de deux suspects, sans préciser leur identité, ni leur appartenance idéologique. «La victime a été égorgée avec un sabre et dépouillé et ses assassins se sont cachés durant toute la nuit dans la mosquée du quartier», a précisé le chef d'Ennahda, dénonçant le silence des groupes jihadistes sur ce meurtre.
Le chef d'Ennahda a haussé le ton contre les jihadistes, les plus radicaux de la mouvance salafiste, responsables de violences en Tunisie après la révolution de 2011.
«Le dialogue n'est pas possible avec ceux qui utilisent les armes et sèment les mines», s'est indigné M. Ghannouchi en référence aux groupes jihadistes que l'armée pourchasse dans les massifs ouest du pays, à la frontière de l'Algérie. Le revirement de Ghannouchi a été perçu par les salafistes comme une trahison d'où leur réaction de déclarer la guerre au gouvernement. Le chef d'Ansar Chariâa a menacé de livrer la guerre au gouvernement dirigé par le parti islamiste Ennahda qu'il accuse de mener une politique contraire à l'islam, selon un communiqué du groupe publié sur Internet. «Aux tyrans qui se prennent pour des islamistes (...) sachez que vous êtes en train de commettre des bêtises qui vous précipitent à la guerre», a averti Saif Allah Bin Hussein, alias Abou Iyadh, recherché par la police depuis septembre. «Votre guerre n'est pas contre nos jeunes mais contre la religion», a-t-il ajouté, dans un communiqué publié sur la page officielle de son groupe Ansar chariâa (partisans de la loi islamique). Inscrit comme association non-gouvernementale, Ansar chariâa est le mouvement le plus radical dans la mouvance salafiste jihadiste en Tunisie et son chef est recherché pour implication présumée dans l'attaque contre l'ambassade des Etats-Unis qui a fait quatre morts parmi des manifestants le 14 septembre 2012. Depuis l'avènement de groupes terroristes armés dans la région de Qesrine et El Kef, les autorités ont durci le ton face aux salafistes notamment les jihadistes armés liés à Al-Qaïda. «Si vous persistez dans vos bêtises, le soutien de l'Amérique, de l'Occident, de l'Algérie, de la Turquie et du Qatar ne vous sauvera pas lorsque le bruit des sabres se fera entendre», a poursuivi Abou Iyadh. «Je vous rappelle seulement que nos jeunes héros se sont sacrifiés pour la défense de l'islam en Afghanistan, en Tchétchénie, en Bosnie, en Irak, en Somalie et en Syrie et n'hésiteront pas à se sacrifier pour leur religion à Kairouan», a-t-il menacé. Abou Iyadh a appelé ses partisans «les guerriers de Dieu ... à tenir bon devant les ennemis et les amis ... et à ne pas céder d'un pouce sur ce que nous avons si durement acquis», exhortant les dirigeants islamistes à garder raison «avant que le pacte ne soit rompu, même si j'entrevois déjà la rupture». La cellule d'Ansar chariâa à Menzel Bourguiba (Nord) a juré, dimanche dernier, de remplacer le drapeau national par la bannière noire des salafistes sur le bâtiment du ministère de l'Intérieur, selon une séquence vidéo largement relayée sur Internet. Les forces de sécurité ont dispersé samedi et dimanche derniers, des rassemblements salafistes dans des quartiers de Tunis et en province, alors qu'ils tentaient de planter des tentes sur la place publique.

Un front Maghrébin s'impose
Le caractère transnational du salafisme jihadiste a été confirmé depuis les années quatre-vingt-dix. Mais aucune stratégie opérationnelle régionale ou internationale de lutte antiterroriste n'a été mise en place, laissant le terrain libre à la propagation de l'extrémisme et de la violence terroriste qui se sont installés durablement dans le Maghreb et le Sahel. L'intervention française et des forces de coalition africaines au nord du Mali, a certes affaibli les groupes terroristes y activant, mais ne les a pas anéantis. Tant que les sources d'armement, de financement de recrutement ne sont pas taries, le terrorisme continuera à sévir et se développer dans la région du Maghreb et du Sahel. Une inflation de rencontres régionales et internationales suivies d'une série de mesures et de décisions, n'ont pas pesé efficacement sur la situation de la sécurité régionale. Au Nations unies, on continue à tourner sur la définition du terrorisme et sur les moyens de le combattre et au Maghreb ont continue à s'attaquer aux symptômes sans toucher aux causes du terrorisme.
Souvent, les conclaves réservés à ce phénomène, se perdent en conjectures et passent à côté de l'essentiel comme c'est le cas lors de la 4e conférence du Club de discussion international Valdai (Russie), un forum de discussion placé cette année sous le thème «l'islam en politique : idéologie ou pragmatisme ?» qui se tient depuis mardi à Marrakech. De cette expérience en cours en Egypte, les différents intervenants entre analystes politiques, experts et spécialistes du Proche-Orient, ont tenté de faire la comparaison avec ce qui se passe en Tunisie, en Libye et en Syrie qui connaissent le même phénomène, à savoir l'émergence de l'islam politique dans la gouvernance et dans les rapports internationaux. Ilyas El Omari, un homme politique marocain, estime que le terme islam politique est une création du poète syrien Adonis pour appuyer la révolution iranienne tout en martelant qu'il n'y a pas de différence entre les Salafiyine et les Frères musulmans en Egypte. Selon lui, il n'y a qu'un seul Islam, la religion de sa mère et de l'Andalousie et non celui qui tue l'idée et qui isole la culture. De son côté la journaliste libano-américaine, Raghida Dergham, a estimé que cet islam politique est né avec la chute du Shah d'Iran et l'exportation de la révolution iranienne au Proche-Orient en prédisant l'échec de l'expérience égyptienne du fait que celle-ci est en contradiction avec l'Etat civil, ne respecte pas les droits de l'homme, de donne pas de place à la femme et à la modernité.
De son côté l'Irakien Ali Dabbagh a rappelé que la démocratie ne se résume pas en l'organisation des élections mais à la mise sur pied d'institutions démocratiques permanentes alors que selon l'Iranien Amir Moussavi la politique fondée sur l'islam est celle qui refuse la domination et respecte la volonté des peuples lorsqu'il s'agit d'élections libres. Quant au parlementaire palestinien, Ashraf Djoumaa, il a souligné que les révolutions qui se sont produites dans les pays arabes n'étaient pas menées par des partis politiques estimant que ce qui se passe en Tunisie était «normal». Le maronite libanais, Amal Abou Zeid, s'est interrogé sur le devenir des minorités religieuses qu'on perçoit comme un «résidu des croisés» au Proche-Orient alors qu'ils étaient sur place, des siècles, bien avant la venue de
l'islam. «Quel est le rôle de l'Etat dans ces pays qui ont connu des révolutions pour protéger les minorités», s'est-il demandé ? Donnant son point de vue de journaliste égyptien et de musulman pratiquant, Hany El Sayed, pense que le nouveau pouvoir en Egypte avait un habillage islamique mais servant des intérêts interne et externe. Il a considéré que l'Egypte de Mohamed Morsi est loin d'un Etat démocratique puisqu'elle isole les compétences et entraîne, selon lui, le pays vers une «vrai catastrophe». En ouvrant les débats en plénière, Pavel Andreev, représentant de l'agence d'information russe RIA-Novosti, organisatrice du forum, a indiqué que cette rencontre servait de plateforme pour débattre de plusieurs questions politiques pertinentes intéressant le monde arabe. Cette conférence ne se contente pas de parler uniquement des partis politiques ayant fait émergence sur la scène politique arabe, mais s'intéresse davantage à l'avenir de la région du Moyen-Orient et sa place au sein du système international, notamment avec les changements en cours enregistrés dans nombre de pays de la région, a-t-il dit. Le directeur de l'Institut des études orientales relevant de l'Académie russe des sciences, Vitaly Naumkin, a fait observer que la dégradation de la situation au Proche-Orient est une question qui intéresse tout un chacun en insistant sur l'interaction entre «les anciens et les nouveaux acteurs» dans la région arabe. Aucun éclairage sur la sociologie de l'islam politique n'a été apporté. Comment peut-on alors saisir la portée de cette restructuration tant au point de vue sociologique que politique, induite par le rôle prépondérant des courants islamistes dans la région islamique.
Les bouleversements générés par les mutations des rapports de forces internationaux, ont ouvert la voie à l'émergence de l'islam politique comme alternative palliant ainsi l'échec des courants modernistes incarnés par les Etats nationaux, les courants de gauche incarnés par une opposition réprimée et une crise identitaire profonde due essentiellement à la banqueroute des Etats-nations mis en place au lendemain des indépendances.
En Tunisie et en Egypte, les Frères musulmans sont au pouvoir depuis près de deux ans et n'arrivent pas à formuler une solution aux problèmes des deux sociétés. Dans les deux pays, les constitutions peinent à prendre forme pour devenir le dénominateur commun de toute la société. En Tunisie, la Constitution constitue un enjeu électoraliste pour Enahda alors que l'esprit de tout texte fondamental doit transcender les conjonctures. Cependant, et au-delà de ces considérations partisanes qui expliquent le retard dans la promulgation de la constitution tunisienne, les menaces sur les libertés fondamentales s'expliquent aussi par la situation de crise chronique dans la quelle se débat la société. Le sentiment de persécution entretenu dans la mémoire des musulmans depuis les croisades et l'invasion des
Tatars et des Mogols, expliquent ce rejet systématique d'une société plurielles où les différences culturelles et confessionnelles sont non seulement respectées mais surtout protégées comme ce fut le cas depuis le Kalifa d'Omar jusqu'à la chute de l'empire abbasside. Pendant près de six siècles de règne et de domination du monde, l'Etat islamique a préservé les libertés de culte et de pensée, permettant un fulgurant développement des sciences et de la philosophie faisant du monde musulman le centre du rayonnement de la pensée humaine, alors que l'Occident était obscurantiste et pratiquait l'inquisition. En d'autres termes, les libertés et les droits ne peuvent être garantis que par un Etat fort, sur de lui et de ses perspectives prometteuses. Cette force et cette confiance en soi, ne peuvent être acquises que par une puissance économique et une croissance soutenue. L'ordre mondial en vigueur ne permet aucunement l'émergence d'une économie forte sans qu'elle lui soit inféodée. C'est à ce titre que les Maghrébins sont condamnés à s'entendre en tant qu'ensemble historiquement homogène pour pouvoir agir sur leur présent et leur avenir. Le Maghreb n'a pas d'autres choix que de se constituer en front commun en premier lieu pour son salut historique et en second lieu contre toutes les menaces qui compromettent sa stabilité, sa sécurité et son développement économique, social et culturel mais aussi, l'émancipation de ses sociétés.
A. G.


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