Les islamistes algériens s'agitent ces derniers mois. Ils font feu de tout bois et semblent bien «motivés» pour occuper les devants de la scène. La crise interne qui mine le FLN, principale force politique du pays, et le blocage similaire du RND, son dauphin, ouvre la voie à la mouvance religieuse qui multiplie les rencontres et les déclarations à l'approche des élections présidentielles d'avril 2014. On doit souligner aussi que l'inconséquence et l'émiettement du camp démocratique leur facilite davantage la manœuvre dans un champ politique désert. Depuis son intronisation à la tête du MSP, Abderrezak Mokri ne cesse d'appeler ses pairs au rassemblement et au resserrement des rangs. Dans un premier temps, l'homme, bien connu pour son ton sec et ses positions tranchées, se propose de réunifier le courant «des frères musulmans» en ouvrant la porte à tous les dissidents de son mouvement. Des invites publiques viennent d'être adressées à l'endroit d'Amar Ghoul, Abdelmadjid Menasra et Mustapha Belmahdi qui ont récemment créé leurs propres formations. A défaut d'un retour, pur et simple, au bercail, Mokri ne désespère pas de les intégrer, dans un second temps, au sein de l'Alliance Verte, une espèce de coalition électorale plus large qui compte, en plus du MSP, les mouvements Nahda et Islah. Sa rhétorique rugueuse et ses accents d'opposant impénitent au système politique algérien lui ont toujours valu une certaine reconnaissance dans les cercles islamistes, toutes tendances confondues. Certains observateurs n'excluent pas sa capacité à faire adhérer le FDJ d'Abdellah Djaballah à cette «sainte alliance». Mokri a pour cela un argument massue. En partant en rangs dispersés, l'islamisme algérien avait perdu de larges pans de son électorat traditionnel lors des deux dernières consultations. Au sein des deux chambres du Parlement et dans les assemblées locales, les élus islamistes ne représentent en effet que des minorités à peine visibles. Même le parti du doyen Djaballah, qui se voit en leader de cette mouvance après la disparition de Cheikh Nahnah, a été laminé. A priori, on s'achemine vers une candidature unique à la présidentielle. A cela, on doit rajouter les conseils et les «instructions» de leurs partenaires dans les pays arabes. Les monarchies pétrolières du Golfe, principaux financiers de la mouvance islamiste dans le monde, œuvrent ouvertement au renversement des régimes nationalistes et leur remplacement par des pouvoirs islamistes, «modérés» de préférence. Grâce aux pétrodollars du Qatar et de l'Arabie saoudite, les «frères» sont déjà aux commandes en Egypte et en Tunisie. La feuille de route de Mokri, qui a recueilli la bénédiction de Cheikh Ghannouchi, le maître à penser du nouveau régime tunisien, n'échappe pas aux influences, voire aux «directives», de leurs bailleurs de fonds. Il est vrai que la partie sera serrée en Algérie où les citoyens, de manière générale, ont une opinion défavorable des islamistes de tous poils. La tragédie des années 1990, avec ses conséquences indélébiles sur le tissu social, joue en leur défaveur. L'incapacité des islamistes d'Egypte et de Tunisie à réussir la transition démocratique constitue aussi un autre facteur d'appréhension. Conscients de toutes ces réalités, les Mokri et consorts semblent déterminés à jouer cette fois leur «va tout». En face, nationalistes et démocrates, cloués par des crises internes, restent comme suspendus à l'évolution de l'état de santé du président de la République. Une attente qui risque de leur coûter cher au moment venu. L'argument de l'éthique, brandi pour justifier cette inertie, ne tient pas bien la route. K. A.