La problématique migratoire est d'une importance telle qu'elle mérite débats et questionnements. La responsabilité de lancer le débat est prise par le Comité international pour la solidarité des populations (CISP) qui poursuit les rencontres autour du sujet avec la participation des professionnels des médias. L'atelier organisé hier à Alger se voulait celui du croisement : la migration subsaharienne et les harraga. Riche en matière d'échange d'informations et d'approches, la rencontre a permis aux personnes présentes de jeter un regard lucide sur un mouvement à multiples enjeux. Sara Franzoco, coordinatrice de l'équipe de proximité du CISP, a indiqué que l'Algérie compte 12 sites identifiés où vivent des migrants subsahariens. Sur ces sites vivent 1 400 hommes, 400 femmes et 100 enfants. La même intervenante soutient que 15% des femmes rencontrées sur ces sites ont des enfants. Elle fera savoir que les enfants de Subsahariens nés en Algérie ne sont pas inscrits à l'état civil. Ce qui a généré un autre drame consistant à priver ces enfants de l'école. Sara a évoqué par la suite la question liée à l'intégration des migrants qui transitent ou qui projettent de s'installer en Algérie. Il dira à ce propos que ceux qui se rendent sur le territoire algérien dans l'objectif de s'y installer sont minoritaires et ceux qui atteignent une «provisoire et limitée intégration» sont ceux qui viennent des pays francophones. Zemmour Zine Eddine, sociologue à l'université d'Oran et chercheur au Centre de recherche anthropologique sociale et culturelle (CRASC), dira qu'il n'y a pas «de concurrence sur la misère». Mme Emmanuelle Mitte, chargée de la protection auprès de l'UNHCR, dira que le rôle de l'organisme auquel elle est affiliée est d'assurer une protection légale des migrants. Mme Mitte expliquera que la mission de l'UNHCR est de faire la distinction entre ceux qui subissent le mouvement migratoire et ceux qui migrent pour des raisons économiques. Elle révélera que 1 000 demandes d'asile en Algérie ont été déposées jusqu'à 2008. Ces demandes émanent des personnes issues de l'Afrique de l'Ouest et, à un degré moindre, de l'Afrique australe. La représentante du HCR a souligné également qu'un certificat de protection est délivré aux migrants afin de les protéger des poursuites et du refoulement des autorités policières. Elle remarquera néanmoins que «les autorités de police ignorent la portée et la validité d'un tel certificat». Pour elle, beaucoup de travail se fait en Algérie pour améliorer les conditions de vie des migrants subsahariens. Mais sans dispositions légales, arriver à cette finalité relève plutôt de la gageure. Au programme de l'atelier d'hier figuraient aussi deux projections. La première est une version courte du documentaire le Piège réalisé par le journaliste Djamel Benramdane et le photographe Djillali Kays. Pendant 6 minutes, le documentaire montre à quel point les jeunes du continent africain «sont tentés de partir ailleurs tout en sachant que c'est loin d'être du miel là où nous voulons aller», dit un jeune Subsaharien candidat à l'exil. La deuxième projection a présenté un groupe de jeunes Algériens qui passent leur temps sur la côte annabie à attendre le moment propice pour la harga. Réalisé par Meriem Achour Bouakkaz, le film intitulé Harguine Harguine révèle le drame fait par les gardes-côtes aux jeunes harraga. Le témoignage dévoile une complicité mortelle de ces gardes-côtes qui refusent de secourir des jeunes. La douleur du père du jeune Mahieddine, décédé en pleine aventure, est indescriptible. Message : qu'il transite par l'Algérie avant l'Europe ou qu'il prenne une barque de la côte à destination de la Sardaigne, le migrant n'est pas un délinquant. Il révèle plutôt les raisons du départ et affiche un désir de vivre… A. Y.