Le bras de fer politique en Egypte, qui dure depuis le 30 juin et le coup de force de l'armée délogeant le désormais ex-président Mohamed Morsi, est toujours en cours et menace de dégénérer. La situation est telle que l'armée est aujourd'hui tenue rapidement à engager une phase de transition pour sortir de la crise. Les Frère musulmans s'estimant avoir été volés semblent ne point vouloir lâcher la contestation et redoublent d'activités exigent le retour à la «légalité». La rue est toujours le lieu du «débat» politique. Partisans et détracteurs du président déchu Mohamed Morsi appellent à de nouvelles manifestations au Caire, alors que la composition définitive du gouvernement intérimaire devrait être annoncée dans la semaine. La situation sécuritaire menace toujours de dégénérer. Le massacre commis dans la confusion aux abords de la caserne de la Garde républicaine et qui a fait plus d'une cinquantaine de morts est toujours dans les esprits, et les familles des victimes n'entendent pas tourner la page. Dans le nord de la péninsule du Sinaï les attentats et assassinats sont devenus monnaie courante. Pour probablement mettre de la tension sur Morsi et les Frères et les pousser à appeler leurs partisans au calme, les militaires redoublent de pression. L'ex-chef de l'Etat ainsi que d'autres membres des Frères, sont interrogés dans un lieu tenu secret sur les circonstances de leur évasion de la prison de Wadi Natroun durant la révolte contre Hosni Moubarak. La justice égyptienne a aussi décidé le gel des avoirs de quatorze responsables islamistes dans le cadre de l'enquête sur les violences sanglantes des deux dernières semaines. D'un autre côté les tractations pour la formation d'un gouvernement de transition avec le plus large consensus vont bon train. Le temps presse dans un pays qui ne pourrait se permettre le prolongement de la situation d'instabilité. Le nouveau Premier ministre Hazem El-Beblaoui poursuit ses discussions pour constituer au plus vite un nouveau gouvernement, afin de maintenir le cap politique fixé par le président intérimaire Adly Mansour. L'objectif premier de cet exécutif sera de mener le pays vers des élections législatives début 2014. Un scrutin qui sera suivi par des présidentielles. Le Prix Nobel de la paix Mohamed El Baradei et chef de file de la contestation anti-Morsi a prêté serment comme vice-président chargé des relations internationales. L'ancien ambassadeur à Washington, Nabil Fahmy, annonce avoir accepté le poste de ministre des Affaires étrangères. Ahmed Galal, un ancien de la Banque mondiale, devrait être ministre des Finances. Les priorités du gouvernement seraient de «restaurer la sécurité, d'assurer la fourniture des biens et services et de préparer les échéances électorales». L'évolution de la crise politique en Egypte est toujours scrutée de près à l'étranger. L'Egypte demeure un des plus importants pays dans le monde arabe, musulman et en Afrique. La posture de Washington face à la crise aura suscité l'intérêt. Le secrétaire d'Etat adjoint William Burns est arrivé au Caire pour une visite de deux jours, la première d'un haut responsable américain depuis la destitution par l'armée de Morsi le 3 juillet. La posture des Etats-Unis aura été particulièrement scrutée dans cette crise égyptienne suscitant une certaine paranoïa. Washington aura eu, comme lors de la chute de Moubarak, une attitude particulièrement ambivalente. Dernière réaction en date, Barack Obama demande au Pentagone une réévaluation des programmes d'aide américains à l'Egypte. Dans les rues du Caire, les nombreux anti-Morsi qui accusent le locataire de la Maison-Blanche de soutenir les islamistes des Frères musulmans y ont vu la confirmation de leurs soupçons. Le non usage du terme «coup d'Etat» par les responsables américains pour qualifier la destitution du président egyptien avait suscité la controverse. Obama qui, depuis l'éviction du président Morsi et sa détention dans un lieu inconnu, s'interdit de prononcer le mot. Le Congrès s'active pour contourner une loi embarrassante qui interdit toute aide militaire à un régime arrivé au pouvoir par la force. Mis à part Israël, l'Egypte est le pays qui bénéficie le plus de l'aide militaire américaine. Une aide estimée à 1,3 milliard de dollars par an, soit 80% du budget en matériel du ministère de la Défense égyptien. L'Union européenne exprime sa préoccupation depuis le début de la crise en Egypte tandis que le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, clame que Mohamed Morsi demeurait le seul chef d'Etat légitime à ses yeux. Il faut dire que le Premier ministre turc est aussi sujet à contestation dans son propre pays par une partie de la société. La grande question en suspend est comment les Egyptiens vont devoir sortir de ce guêpier politique dans lequel les différents acteurs s'arcboutent à leur posture dans à un face à face morbide. M. B.