Au lendemain de la publication d'un calendrier électoral rejeté par les Frères musulmans, l'ancien ministre des Finances Hazem el Beblaoui a été nommé mardi Premier ministre par intérim en Egypte et le libéral Mohamed El Baradeï vice-président chargé des affaires étrangères. La constitution rapide d'un gouvernement de transition est une priorité pour l'armée afin de prévenir de nouvelles violences après la fusillade qui a fait 55 morts lundi à l'aube au Caire devant la caserne de la Garde républicaine où serait détenu le président déchu Mohamed Morsi, déposé mercredi dernier par les militaires à la suite d'imposantes manifestations. L'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis ont exprimé, avant-hier, leur soutien au pouvoir intérimaire égyptien en promettant huit milliards de dollars d'aide au total. Les salafistes d'Al Nour, deuxième parti islamiste d'Egypte après les Frères musulmans, ont annoncé qu'ils ne s'opposaient pas à la nomination de Beblaoui, un économiste libéral, comme chef du gouvernement intérimaire. Ils avaient bloqué en fin de semaine dernière la désignation d'El Baradeï à ce poste. Le parti salafiste a d'ailleurs fait savoir qu'il étudiait encore la réponse à apporter à la nomination à une vice-présidence de l'ancien patron de l'Agence internationale de l'Energie atomique (AIEA), parfois considéré comme "l'homme de Washington".
Calendrier pour la transition Pour leur part, les Frères musulmans ont rejeté le décret du chef de l'Etat par intérim, Adli Mansour, qui a fixé lundi soir un calendrier étalé sur six mois pour la réforme de la Constitution et la tenue d'élections législatives et présidentielle. Essam el Erian, numéro deux du Parti de la Liberté et de la Justice (PLJ), aile politique de la confrérie, a dénoncé un décret signé par "un homme désigné par les putschistes et qui usurpe le pouvoir législatif". Les médias officiels égyptiens rapportent cependant que des postes ministériels vont être proposés aussi bien au PLJ qu'à Al Nour. La Constitution d'inspiration islamiste adoptée en décembre dernier par référendum a été suspendue mercredi lorsque l'armée a destitué le président Morsi. Les rues du Caire étaient calmes mardi mais des milliers de sympathisants des Frères musulmans se sont rassemblés aux abords d'une mosquée du Caire où ils manifestent depuis le renversement du chef de l'Etat. Tour à tour, jusque tard dans la soirée, des orateurs se sont succédé pour réclamer le rétablissement de Mohamed Morsi. Des milliers de manifestants islamistes ont aussi marché dans les rues d'Alexandrie, la deuxième ville du pays. A la veille du début du ramadan, le chef d'état-major de l'armée, le général Abdel Fattah al Sissi, a affiché la détermination des militaires: "Aucun camp n'a le droit de s'opposer à la volonté de la nation." Pour aider à la mise en place du processus de transition alors que l'Egypte traverse aussi une grave crise économique, les Emirats arabes unis (EAU) et l'Arabie saoudite ont promis au Caire une aide financière de huit milliards de dollars. Ces deux pays s'étaient engagés à soutenir l'Egypte après le renversement d'Hosni Moubarak en février 2011 mais ils s'étaient abstenus de verser la moindre aide au gouvernement de Mohamed Morsi, élu en juin 2012, contrairement au Qatar, proche des Frères musulmans.
Visite d'un ministre des Emirats Le ministre des Affaires étrangères des Emirats arabes unis s'est en outre rendu en Egypte ce mardi. Il est le plus haut responsable étranger à se rendre dans le pays depuis la destitution de Mohamed Morsi. Les Etats-Unis, qui ont soigneusement évité de qualifier de coup d'Etat la destitution de ce dernier, ont pour leur part jugé encourageant le plan de transition présenté par Adli Mansour. Lundi soir, dans un geste d'apaisement à l'intention des islamistes, Adli Mansour a précisé que le nouveau pouvoir ne remettrait pas en question l'article 2, qui stipule depuis des décennies que la charia (loi islamique) est la principale source de législation et dont certains laïcs réclament l'abrogation. Un comité doit être formé d'ici quinze jours pour amender la Constitution, la nouvelle loi fondamentale devant ensuite être soumise à référendum dans un délai de quatre mois et demi. Dès la Constitution adoptée, des élections législatives seront organisées dans un délai de quinze jours, poursuit le décret, puis une élection présidentielle une fois que le nouveau Parlement se sera réuni. Le président intérimaire sera entre-temps habilité à émettre des lois, après consultation du gouvernement transitoire. Spécialiste reconnu de l'Egypte à l'université George Washington de la capitale fédérale américaine, Nathan Brown juge que ce programme reproduit les erreurs commises après le renversement d'Hosni Moubarak: "Il a été élaboré par un comité anonyme; il a été publié par décret; le calendrier est trop resserré; les dispositions en vue de consultations sont vagues; et il promet l'implication de tous sans définir de procédure claire."