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Pourquoi le Rwanda soutient-il les rebelles en RD Congo ? La reprise des affrontements dans le Nord-Kivu présage d'un nouveau foyer d'instabilité dans la région des Grands-Lacs
Un énième rapport accablant d'une commission d'enquête de l'Organisation des Nations unies démontre une nouvelle fois l'implication du Rwanda dans le drame vécu par les Congolais dans les Nord-Kivu depuis près d'un an. Les enquêteurs onusiens ont apporté des preuves sur le soutien fourni par Kigali aux rebelles du Mouvements du 23 mars (M23) pour prendre le contrôle du Nord-Kivu, cette province de l'est de la République démocratique du Congo (RDC) qui peine à retrouver sa stabilité politique et sécuritaire. D'anciens chefs rebelles avaient déjà fait état d'un contrôle direct de Kigali du M23, mouvement rebelle dirigé par des officiers-déserteurs de l'armée régulière congolaise. Ces deux anciens officiers qui ont pris le chemin du maquis avant de se repentir étaient à la tête d'un autre groupe rebelle, le Mouvement congolais pour le Changement. Sur la chaîne britannique BBC, ils avaient affirmé avoir été approchés par des responsables du gouvernement de Kigali pour ouvrir un nouveau front dans le Sud-Kivu, ce qui aurait été fatal pour Kinshasa qui avaient déjà du mal à combattre le M23 et une vingtaine d'autres groupuscules rebelles dans le Nord-Kivu. Le colonel Besftriend Ndozi et le capitaine Okra Rudahirwa, avaient en fait refusé l'offre de Kigali qui s'est toujours disculpé d'être derrière le soutien financier, matériel et humain des rebelles dans l'est de la RDC. Pour rappel, Kigali a aussi rejeté toutes les propositions des médiateurs africains et internationaux pour ramener la paix dans le Nord-Kivu et assurer une stabilité durable dans l'ensemble de la région des Grands-Lacs. Que veut Kigali à Kinshasa ? Certains analystes se sont toujours demandé pourquoi le Rwanda n'œuvre pas à aider la RDC à retrouver sa stabilité définitivement et à amorcer son développement économique et social, après des décennies de conflits armés. Il est vrai que les rapports entretenus entre le président congolais, Joseph Kabila, et son homologue rwandais, Paul Kagame, ont toujours été conflictuels, en raison de leurs constants désaccords concernant plusieurs questions d'ordre régional. Mais est-ce seulement ça ? Evidemment que non ! Le Rwanda a toujours voulu annexer le Nord-Kivu en raison de ses richesses minières, notamment le diamant, le coltan et d'autres minerais rares. «Le Rwanda constitue la plaque tournante du commerce illicite des pierres précieuses congolaises», a indiqué un rapport onusien publié il y a trois ans. En 2011, s'appuyant sur des chiffres fournis par la Banque centrale rwandaise, un rapport de l'ONG britannique Global Witness a noté que «l'exportation minière a rapporté 68 millions de dollars américains à l'Etat (rwandais), devenant ainsi la première source de rentrée de devises, dépassant pour la première fois, l'exportation du thé, qui a toujours été le premier secteur d'exportation. Car, officiellement, le Rwanda ne dispose pas des gisements à même de fournir une telle production». Et d'ajouter que «déjà dès 2009, un observateur a noté une exponentiation de création des coopératives minières. Au bas mot, plus de 300». Kigali et l'odeur de l'or noir congolais mais pendant que se multiplient les rapports accusant le Rwanda d'accaparer les richesses minières, au profit des multinationales qui fourniraient des armes aux rebelles, via des marchands clandestins, les médias congolais suivent une autre piste. Ainsi, fin 2012, une enquête du quotidien congolais Le Potentiel a révélé que Kigali a étendu son contrôle à l'or noir de la région de Rutshuru, dans la même province du Nord-Kivu, sous contrôle total du M23, lequel mouvement est directement soumis aux ordres du Rwanda. Donc, au lieu du soutien dont parlaient tous les précédents rapports, y compris celui du mois de juillet, Paul Kagame a carrément assoit son contrôle sur le M23. «L'occupation du territoire de Rutshuru par le Rwanda, agissant via les rebelles du M23 qui y ont déjà installé une administration, n'est pas le fait du hasard. Le Rwanda a flairé l'odeur de l'or noir y enfoui. Jusque-là, le pétrole ne constituait pas un enjeu majeur pour Kigali qui s'est inspiré des autres. Essentiellement de l'Ouganda qui jouit déjà des bénéfices du pétrole du lac Albert, et de l'Angola qui profite allègrement du pétrole du plateau continental au large de l'Océan Atlantique», notait le quotidien congolais. «Décidé de servir de plate-forme logistique des richesses de la RDC, le régime de Kigali trouve le prétexte dans les tergiversations de la partie congolaise, en rapport avec les contrats pétroliers conclus avec des partenaires, pour se faire lui-même l'interface», a expliqué Le Potentiel. La reprise des armes, la semaine dernière, dans le Nord-Kivu, sous prétexte que l'armée se serait attaquée à une base du M23, alors que les discussions de paix sont toujours en cours, ne serait-elle pas motivée par cette envie de Kigali de replonger la RDC dans l'instabilité totale pour profiter pleinement de l'exploitation illégale du pétrole dans le Nord-Kivu ? Toutes les pistes mènent à la conclusion qu'il n'y a que le conflit armé qui pourrait permettre à Kigali de poursuivre son entreprise d'accaparement des richesses congolaise en toute sérénité. «Au lieu d'être une opportunité de développement, l'intérêt renouvelé pour le pétrole au Congo représente une réelle menace pour la stabilité d'un pays post-conflit toujours fragile. Les prospections pétrolières en cours et à venir alimentent déjà les ressentiments de la population locale et les tensions frontalières. La confirmation des réserves de pétrole dans l'Est exacerberait la dynamique de conflits à l'œuvre aux Kivus. La reprise des combats au début de l'année 2012, notamment l'apparition d'une nouvelle rébellion au Nord Kivu et la reprise de l'expansion territoriale des groupes armés, remet en question la stabilisation de l'Est du pays qui concentre l'intérêt des compagnies pétrolières. La découverte de gisements pourrait aussi créer de nouveaux centres de pouvoirs et remettre en cause la prépondérance politique du centre économique historique qu'est la province du Katanga», a alerté une autre enquête datant de juillet 2012 de l'International Crisis Group. Autrement dit, le pire est à venir si la communauté internationale n'agit pour endiguer le phénomène de la rébellion dans le Nord-Kivu et surtout pour mettre la pression sur Kigali afin qu'il cesse sa guerre secrète contre Kinshasa. L. M.