Photo : Riad Par Noureddine Khelassi Le Premier ministre algérien est peut-être un optimiste incurable ou tout simplement un homme de défi sachant tout de même de quoi il parle. A l'occasion de la récente 6ème session du Comité économique conjoint algéro-japonais, M. Ahmed Ouyahia a, en effet, affirmé la volonté de l'Algérie de maintenir le niveau de ses investissements en dépit de la baisse de ses revenus pétroliers. «Dans le monde, on parle de ralentissement ; en Algérie, le gouvernement a l'intention de continuer la dynamique des investissements, même si les experts ne seraient pas d'accord avec moi», a-t-il notamment dit. Il en est même sûr, «le crédit est rare, [alors] qu'il est disponible en Algérie». En même temps, a-t-il souligné, si «les affaires sont désormais rares [ailleurs], il y a 200 milliards de chiffres d'affaires à réaliser en Algérie». Mais, évoquer les opportunités d'investissements dans un pays prometteur est une chose. Affirmer sa volonté de ne pas revoir à la baisse les grands projets d'investissements malgré la diminution des recettes pétrolières depuis l'irruption de la crise financière mondiale, c'est tout à fait autre chose. C'est même une véritable gageure. Optimiste mais pas seulement, le Premier ministre affiche des certitudes quant aux capacités de l'Algérie à assumer malgré tout ses ambitions d'investissements dont près de 100 milliards de dollars sont prévus dans le secteur de l'énergie d'ici à 2013 (dessalement, électricité, pétrochimie). Pourtant, à l'image des experts, le Fonds monétaire international a déjà averti l'Algérie qu'elle n'aurait plus les moyens de sa politique budgétaire expansive si les prix du baril de pétrole continuaient de dégringoler, à moyen et à plus long terme. «Une diminution importante des recettes pétrolières pourrait affecter à terme la croissance par le biais d'un ralentissement du programme d'investissements publics [PIP]», a relevé à ce propos le FMI. Abdellatif Benachenhou, ancien ministre de l'Economie et actuel conseiller du président Abdelaziz Bouteflika, plaide, comme d'autres experts, pour une redéfinition des priorités d'investissements. Sans préconiser de revoir à la baisse les projets d'équipements, domaine où l'Algérie a pris un retard colossal, ce conseiller, qui ne joue pas pour autant les Cassandre, suggère une réévaluation des dépenses publiques. Selon lui, les coupes claires devraient être effectuées dans des secteurs qui ne génèrent pas de la valeur ajoutée ou qui ont un impact limité dans le domaine social. Justement, les experts dont le Premier ministre dit qu'ils ne seraient pas d'accord avec lui estiment, eux, qu'un baril de pétrole à 67 dollars est indispensable pour maintenir en l'état les ambitions d'investissements de l'Algérie. Justement encore, en fixant à 37 dollars la base d'établissement du budget de la nation, le gouvernement le fait par rapport à un prix de référence du baril de pétrole qui ne descendrait pas au-dessous du seuil de 65 dollars. A l'heure où les cours du brut pointent régulièrement à la baisse, où le gouvernement trouverait-il alors les ressources nécessaires pour assurer la dynamique des investissements enclenchée depuis 2001 ? En levant des fonds sur un marché financier en crise de confiance et de liquidités ? Pas sûr, étant donné que l'Etat algérien s'est engagé dans une logique de désendettement actif depuis une dizaine d'années. Et, surtout, que l'envie de recourir à l'emprunt sur un marché financier où l'Algérie n'est plus présente depuis quelques années n'est pas à l'ordre du jour. Et cela semble être le cas malgré des prévisions selon lesquelles le pays serait contraint de recourir de nouveau à l'emprunt, dans trois ans, si la tendance baissière des cours du pétrole se maintenait dans un contexte économique mondial récessif. Ne reste donc que le confortable bas de laine que le pays a constitué ces dernières années à la faveur de la très bonne tenue du marché pétrolier. C'est probablement de cela qu'il est question lorsque Ahmed Ouyahia souligne devant les investisseurs japonais la disponibilité du crédit en Algérie. Ce bas de laine est en fait constitué du Fonds de régulation de recettes, créé en 2001 et où sont cumulés les restes des moyens financiers du pays. Ce fonds d'épargne stratégique s'avère aujourd'hui bien utile pour financer un éventuel déficit budgétaire et faire face aux répercussions de la crise financière internationale. Mais il n'y a pas que ce Fonds public. Il y a aussi les avoirs extérieurs déclinés en dépôts rémunérés ou en souscriptions de titres publics comme celles du Trésor américain. Ces placements sont garantis, à moins d'une faillite de l'institution en question, comme le relève l'économiste Hocine Benissad, ancien ministre algérien de l'Economie. Ces avoirs externes, estimés à 136 milliards de dollars, selon des estimations bancaires algériennes, seraient placés à hauteur de 30% dans des banques de notation AAA, qui est la notation de sécurité maximale. Le reste est placé dans des titres souverains comme ceux des Trésors publics. A la lumière de la crise financière internationale, la part des placements dans les banques plus ou moins sûres serait appelée à diminuer en faveur des souscriptions en bons du Trésor. Logique. Ces titres ne seraient donc exposés qu'au risque de la volatilité des parités monétaires et des cours de change d'où découleraient des pertes. Ces pertes de change éventuelles sont prévisibles, donc gérées par les cambistes de la Banque d'Algérie qui sont en principe préparés à ce genre d'éventualité. Classique.