Anticipant l'enquête que mène dans la banlieue de Damas des agents de l'ONU, et outrepassant l'avis du Conseil de sécurité dont la réunion est prévue demain, le chef de la diplomatie britannique William Hague a estimé hier qu'il était «possible» de répondre à l'usage d'armes chimiques en Syrie «sans unité complète au Conseil de sécurité de l'ONU», tout en refusant de «détailler les options militaires» envisagées. «Est-il possible de répondre à l'usage d'armes chimiques sans unité complète au Conseil de sécurité de l'ONU? Je dirais que oui», a déclaré William Hague, dans une interview à la BBC, alors que la Russie et la Chine bloquent toute condamnation du régime syrien. Redisant sa conviction que le régime de Bachar al-Assad avait utilisé des armes chimiques lors de l'attaque du 21 août près de Damas, le ministre des Affaires étrangères a estimé qu'il était possible d'agir pour des motifs «humanitaires». «Nous avons essayé les autres méthodes, les méthodes diplomatiques, et nous continuerons à les employer, mais elles ont jusqu'ici échoué», a-t-il encore déclaré. «Nous, les Etats-Unis et d'autres pays comme la France, sommes très clairs sur le fait que nous ne pouvons pas permettre au 21e siècle que des armes chimiques soient utilisées en toute impunité mais je ne peux pas détailler les options militaires pour le moment», a-t-il dit. Interrogé sur la possibilité de frappes militaires cette semaine, le ministre s'est refusé à «spéculer là-dessus publiquement». Il a répété que les enquêteurs de l'ONU qui pourront procéder à partir de ce lundi en Syrie à des vérifications sur l'emploi d'armes chimiques arrivaient «très tard». William Hague a par ailleurs déclaré dimanche dernier, que les preuves d'une attaque chimique du régime de Damas en Syrie «pourraient avoir été détruites». «Le fait est que la plupart des preuves pourraient avoir été détruites», a dit M. Hague au cours d'une conférence de presse à Londres, quelques heures après le feu vert donné par le régime de Damas à une mission d'inspection de l'ONU dans la zone, près de la capitale syrienne, «D'autres preuves peuvent avoir été endommagées au cours des derniers jours et d'autres peuvent avoir été trafiquées», a-t-il dit. Dans le sillage de Washington, le ministre britannique a déploré que le régime syrien ait tardé à autoriser les experts de l'ONU à se rendre sur place, permettant la disparition de preuves. «Nous devons êtres réalistes sur ce que l'équipe (des experts) de l'ONU peut obtenir» maintenant, a commenté M. Hague. Il a répété être convaincu de la culpabilité du régime de Damas : «Il y a déjà beaucoup de preuves, et elles pointent toutes dans la même direction», a-t-il assuré. «Pour nous, au gouvernement britannique, il est clair que c'est le régime (du président) Assad qui a mené cette attaque chimique de grande ampleur», a ajouté M. Hague. «Les témoins disent que la zone était déjà bombardée par les forces du régime lorsque l'attaque chimique a eu lieu», a relevé le chef de la diplomatie britannique. «Si le régime croyait que quelqu'un d'autre était l'auteur de cette attaque, il aurait donné beaucoup plus tôt l'accès (à la zone) aux inspecteurs de l'Onu», a-t-il encore argumenté. Le Premier ministre britannique David Cameron et le président américain Barack Obama, qui se sont entretenus samedi par téléphone sur la situation en Syrie, «sont d'accord sur le fait qu'il doit y avoir une réponse sérieuse de la communauté internationale» à l'usage d'armes chimiques, a ajouté M. Hague. Il est clair que l'Occident ne dispose d'aucune preuve impliquant le régime syrien dans l'usage de l'arme chimique le 21 août dernier. Les propos de Hague, qui sont les mêmes que ceux de Obama et Hollande, sont de la pure spéculation et se basent sur les «témoignages» de membres de l'opposition qui font tout pour que l'Occident intervienne en Syrie et leur livre le pays sur un plateau de sang. Le bruit des bottes gronde aux portes de Damas pour sauver une rébellion préfabriquée par l'Occident et les régimes arabes croupions. Tous les prétextes sont bons pourvu que le régime de Bachar al-Assad tombe. Dans cette perspective dangereuse pour toute la région, les pays occidentaux préparent une agression avec le soutien de pays arabes et musulmans comme les monarchies du Golfe et la Turquie. Une réaction occidentale «va être arbitrée dans les jours qui viennent», a déclaré hier le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, selon lequel une décision n'est «pas encore prise». Interrogé sur la radio Europe 1 sur une possible «réaction de force» après les soupçons d'utilisation d'armes chimiques contre des civils près de Damas par le régime de Bachar al-Assad, M. Fabius a indiqué qu'une décision en ce sens «n'était pas encore» prise. «Ce qui est évident, c'est que ce massacre a pour origine le régime de Bachar al-Assad. Alors après, il faut proportionner les réactions, mesurer, agir à la fois avec détermination et avec sang-froid et c'est cela qui va être arbitré au cours des jours qui viennent», a déclaré le ministre. «Le président de la République (François Hollande) a dit que c'était un acte inqualifiable. Moi-même j'ai dit qu'il fallait une réponse forte. A partir de cela, nous allons déterminer ce qu'il faut faire. Les options sont ouvertes. La seule option que je n'envisage pas, c'est de ne rien faire», a poursuivi le ministre français des Affaires étrangères, rappelant que la France parlait «avec les uns et les autres», citant les Etats-Unis et le Canada. «Il y a un massacre chimique qui est établi, il y a la responsabilité de Bachar al-Assad, il faut une réaction, nous en sommes là. (...) Il y a un devoir de réaction», a affirmé le ministre. Fabius a souligné que les enquêteurs de l'ONU qui pourront procéder à des vérifications sur l'emploi d'armes chimiques, travailleront «dans des conditions très limitées». «Le problème est que leur présence est tardive puisque l'attaque a eu lieu il y a cinq jours maintenant et qu'entre-temps, il y a eu des bombardements et que du coup, toute une série de signes peuvent disparaître», a-t-il dit. Et puis, a-t-il ajouté, «il faut bien comprendre qu'eux n'ont pas la mission de voir qui est à l'origine de cette attaque. Donc c'est cela qui est préoccupant». Interrogé sur la possibilité de contourner le Conseil de sécurité de l'ONU où la Russie et la Chine bloquent toute condamnation du régime syrien, le ministre a répondu: «Dans certaines circonstances, mais il faut faire très attention bien sûr parce que la légalité internationale, ça existe». Il a rappelé que la France souhaitait une modification de la taille du Conseil de sécurité en y faisant entrer d'autres pays représentatifs, pour modifier un équilibre datant de 1945. La Grande-Bretagne et la France se sont ainsi passées le mot et parlent le même langage belliqueux comme si l'agression de l'Irak et l'invasion de la Libye ne leur suffisaient pas. Les preuves de l'utilisation d'armes chimiques par le régime syrien sont détruites et les agresseurs peuvent se passer d'un mandat consensuel du Conseil de sécurité. Les dés sont jetés et la guerre est décidée.
La Turquie au service de l'Occident C'est le scénario de l'Irak qui se répète en Syrie. Une coalition internationale des va-t-en guerre se met en place et les recrues ne manquent pas en ces temps de crise économique où la guerre peut remodeler et reconfigurer les marchés. Le gouvernement islamiste turc qui a versé des larmes de crocodile sur Ghaza et pleure aujourd'hui la destitution de son allié Mohamed Morsi, se frotte les mains et se dit prêt à rejoindre une coalition internationale dirigée contre la Syrie en réaction à l'attaque chimique du 21 août, même en l'absence de consensus à l'ONU, a affirmé hier son ministre des Affaires étrangères Ahmet Davutoglu. «Si une coalition est formée contre la Syrie lors de ce processus, la Turquie en fera partie», a déclaré M. Davutoglu dans un entretien paru hier dans le quotidien Milliyet. Des experts de l'ONU ont débuté lundi une enquête sur l'attaque présumée à l'arme chimique conduite près de Damas, la capitale syrienne. «Après cette inspection, les Nations unies doivent prendre une décision sur des sanctions. Nous avons toujours privilégié une action sous couvert de l'ONU et avec la communauté internationale», a indiqué M. Davutoglu dans Milliyet. «Si une telle décision n'est pas prise, d'autres options sont sur la table.» «Depuis le début, la Turquie estime que la communauté internationale ne doit pas rester indifférente aux massacres perpétrés par le régime Assad», a insisté lundi M. Davutoglu, «ceux qui commettent des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité doivent absolument être punis». «Lorsqu'on regarde ce qui se passe en Syrie, on voit que le régime Assad utilise des méthodes qui vont bien au-delà des actes inhumains et des massacres commis en Bosnie» dans les années 1990, a conclu le ministre turc.
Moscou redoute des conséquences «extrêmement graves» Les Russes redoutent sérieusement qu'une agression contre la Syrie embrase toute la région du Moyen-Orient. La guerre civile en Syrie s'est déjà répercutée négativement sur le Liban, qui en subit les contrecoups sans que ses forces de sécurité puissent y faire face. A ce titre, la Russie a mis en garde, hier, les Etats-Unis contre les conséquences «extrêmement graves» d'une possible intervention militaire en Syrie au cours d'un entretien téléphonique entre le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov et son homologue américain, John Kerry. «M. Lavrov a attiré l'attention de son interlocuteur sur les conséquences extrêmement graves d'une possible intervention militaire pour le Proche-Orient et l'Afrique du Nord où des pays comme l'Irak ou la Libye sont toujours déstabilisés», selon un communiqué du ministère russe des Affaires étrangères. La Russie «est très inquiète» par les récentes déclarations américaines selon lesquelles Washington est prêt à «intervenir» dans le conflit syrien, a souligné le chef de la diplomatie russe. Le secrétaire d'Etat américain John Kerry, a téléphoné dimanche dernier au Secrétaire général de l'ONU et à ses homologues britannique, français, canadien et russe pour leur dire avoir «très peu de doutes» quant à l'usage d'armes chimiques par Damas le 21 août. Réagissant à l'escalade occidentale, Bachar al-Assad a qualifié d'«insensées» les accusations occidentales sur l'attaque chimique présumée le 21 août sur Damas et a prévenu les Etats-Unis que leurs projets d'intervention militaire en Syrie étaient voués à l'«échec», dans une interview lundi au quotidien russe Izvestia. «Les déclarations faites par des hommes politiques aux Etats-Unis et en Occident sont une insulte au bon sens et témoignent du mépris quant à l'opinion de leur peuple», a-t-il déclaré. «C'est un non-sens : accuser d'abord et recueillir les preuves ensuite», a-t-il poursuivi. Le Président syrien a par ailleurs mis en garde les Etats-Unis contre une intervention militaire en Syrie. «Les Etats-Unis essuieront un échec comme lors de toutes les guerres précédentes qu'ils ont lancées, à commencer par le Vietnam», a-t-il lancé. «L'Amérique a mené plusieurs guerres et n'a jamais atteint les objectifs pour lesquels ces guerres ont été déclarées», a ajouté le président syrien. «Elle n'a pas réussi à convaincre les peuples multiethniques du caractère juste de ces guerres ni d'imposer son idéologie dans ces pays», a-t-il poursuivi. Il a accusé «certains leaders» occidentaux de «ne pas connaître l'histoire et ne pas en tirer la leçon». Al-Assad, qui a déclaré lutter «contre les terroristes» en Syrie, a aussi mis en garde les Occidentaux contre le fait que «le terrorisme n'était pas une carte qu'on joue une fois et (qu')on oublie ensuite». «On ne peut pas être pour le terrorisme en Syrie et contre le terrorisme au Mali. On ne peut pas soutenir le terrorisme en Tchétchénie et lutter contre en Afghanistan», a-t-il souligné. «Personne ne réussira à transformer la Syrie en une marionnette des Occidentaux», a-t-il conclu Les Occidentaux sont autistes et ne semblent pas disposés à la raison. Amman ouvre ses portes aux chefs d'état-major de plusieurs pays occidentaux et musulmans qui ont entamé hier des consultations tactiques pour examiner les retombées du conflit en Syrie, selon un responsable jordanien. D'intenses consultations à haut niveau ont eu lieu ces derniers jours entre les capitales occidentales à propos de l'utilisation présumée d'armes chimiques par le régime syrien, alors que l'armée américaine assurait préparer ses options. Vendredi dernier, un responsable jordanien avait annoncé la tenue dans les prochains jours d'une réunion à Amman à l'invitation du chef d'état-major jordanien, Mechaal Mohamed Ezzeben, et du chef du Centcom, le commandement américain chargé de 20 pays du Moyen-Orient et d'Asie centrale, le général Lloyd Austin. Cité par l'agence officielle Pétra, ce responsable non identifié du commandement des forces armées jordaniennes faisait état de la participation du général Dempsey, chef d'état-major interarmées, ainsi que des chefs d'état-major d'Arabie saoudite, du Qatar, de Turquie, de Grande-Bretagne, de France, d'Allemagne, d'Italie et du Canada. Un responsable du gouvernement jordanien a affirmé que cette réunion se tient depuis hier à Amman. «Les participants sont en train d'arriver à Amman. Un communiqué officiel sera diffusé au moment du début de la réunion», a-t-il dit sans autres précisions. Le ministre jordanien des Affaires étrangères, Nasser Jawdeh, avait indiqué dimanche dernier que cette réunion était «prévue depuis des mois». La réunion «discutera de la situation et des scénarios sur le terrain, tout particulièrement après les récents développements dangereux. Les chefs d'état-major doivent avoir des discussions complètes», avait-il dit. La semaine dernière, le patron du Pentagone, Chuck Hagel, avait annoncé le déploiement de moyens militaires afin de fournir des «options» au président s'il devait donner l'ordre d'une intervention en Syrie. A. G.