Wadie El Safi s'en est allé ce vendredi d'automne. Il a tiré sa révérence à l'âge de 92 ans. La voix de celui pour qui le grand Nasser faisait le déplacement jusqu'à Damas pour écouter ses concerts, ne tonnera plus. Mais son étoile brillera à jamais aux côtés de celles d'Oum Kaltoum, Abdelwahab, Farid ou encore Abdelhalim. Comme tous ceux qui ont illuminé le ciel de la chanson arabe, Wadie a donné sans compter. Au bout de plus de 75 ans de carrière, Wadie reste une voix exceptionnelle et un répertoire musical qui regroupe près de 5 000 titres. Le chanteur et luthiste est considéré comme le chantre consensuel du monde arabe tel qu'on le concevait vers le milieu du XXe siècle. En préservant la splendeur de la musique et la tradition musicale arabes, Wadie est considéré comme l'un des piliers du tarab tout comme le ténor Sabah Fakhri. Une notoriété qui lui vaudra le surnom de la Voix du Liban. Né en 1921, à Niha, une région montagneuse du Liban, le Jeune Wadie, à peine sorti de l'adolescence, remporte le concours de la radio Al charq al Adna. A 17 ans il venait de mettre son pied sur le piédestal de la gloire. Débute alors sa longue carrière musicale. Inséparable de son luth, il devient le chantre d'un patriotisme libanais incarné dans le «mouwal» et la poésie dialectale libanaise mise en musique. Sa notoriété devient incontestable à partir de 1957, lors du fameux Festival de Baalbek. La qualité de son interprétation et son timbre unique, ont fait de Wadie El Safi un artiste d'un talent inégalable. Un talent qui lui vaudra la reconnaissance du grand compositeur et chanteur égyptien Mohammad Abdelwahab. Il s'extasiera devant son talent, affirmant qu'«il est impossible que quelqu'un soit doté d'une telle voix». Le ténor de l'Opéra mondial, Luciano Pavarotti, s'exclamera après l'avoir entendu : «Cet homme ne chante pas tout seul, on dirait que quelqu'un chante avec lui !» Wadie s'est distingué par son interprétation musicale avec une extrême spontanéité. Sa simplicité appuyée par une voix d'une extrême flexibilité qui peut changer de forme d'une note à l'autre en plus de l'expression voulue, donnant une démonstration peu commune et sans limites. Un jeu qu'il livrera d'ailleurs en se jouxtant musicalement au chanteur gitan de flamenco José Fernández dans son célèbre Aendak bahrea en écoute dans son Myspace, La Ouyouni Gribeh, ou encore dans Jannat où son fils Georges accompagne les compères au violon. Les prouesses communes aux deux chanteurs marquent un souvenir de l'origine Mozarabe du flamenco, qui apparaît pleinement dans la poésie des troubadours appelée «Muwashsah». Wadie El Safi est reste humble malgré les hautes distinctions qu'il a eu au Liban et ailleurs. L'Université de Kaslik, au Liban, lui octroi le titre de docteur honoris causa en hommage à son immense talent. Celui qui a chanté Le Liban, ce coin de ciel (Loubnan, ya quotaat sama), a fini par rejoindre ce coin de ciel pour l'éternité. G. H.