La croissance américaine va «quasiment caler» d'ici à la fin 2008 et elle tombera même «dans le rouge» au deuxième trimestre. C'est dans le dernier rapport en date de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), rendu public hier à Paris. L'organisation se montre assez pessimiste sur le marché immobilier, à l'origine de la crise mondiale actuelle, et table sur une baisse de dix pour cent des prix d'ici à la fin 2009. Cela devrait, selon elle, amputer les dépenses de consommation déjà mises à mal par la flambée des prix des matières premières. De plus, «le resserrement des conditions de crédit», associé à la stagnation des revenus et à la baisse de la confiance, risque de peser considérablement sur les dépenses des ménages, ajoute-t-elle. Les chèques de remise d'impôts devraient doper la consommation à la mi-2008 mais il est probable que les revenus des ménages «baisseront ensuite au quatrième trimestre», avertit l'OCDE. L'organisation juge «peu probable» l'hypothèse d'un second plan de relance, «compte tenu des déficits publics élevés et des défis à long terme posés par le financement des retraites». L'OCDE s'inquiète aussi de voir que la crise de l'immobilier a contaminé «l'investissement non résidentiel», et note que, dans ces conditions dégradées, le commerce extérieur est devenu le principal moteur de la croissance, les exportations profitant de la faiblesse du dollar et de la robustesse de la croissance extérieure. Du côté de l'inflation, l'organisation table sur une hausse de 3,2% cette année et de 2% l'an prochain. En effet, le fait que l'économie tourne en sous-régime et la hausse du chômage, «combinés à la stabilisation des prix des matières premières», devraient atténuer les tensions inflationnistes. Cependant, si l'inflation de base est restée «relativement bien maîtrisée», certains indicateurs montrent «une hausse des attentes d'inflation», avance l'organisation. La Banque centrale est malgré tout invitée à ne pas remonter son taux directeur, actuellement fixé à 2%, jusqu'à ce que la reprise se soit installée. «Mais les taux d'intérêt devraient être relevés rapidement, une fois que les conditions se seront normalisées», afin de garder l'inflation sous contrôle, ajoute le rapport. De plus, l'OCDE estime que «la régulation des marchés financiers devrait être révisée, notamment pour mieux maîtriser le développement des activités hors bilan des banques qui a accentué la crise financière actuelle.» Dans la zone euro, l'OCDE prévoit cette année une inflation record à 3,4%, tirée par des prix de l'énergie et de l'alimentation toujours plus élevés, avec une croissance en forte baisse. Si ce pronostic s'avère juste, jamais la hausse des prix n'aura atteint un tel niveau dans la zone euro depuis le lancement de la monnaie unique en 1999. Les 3,4% attendus par l'OCDE sont supérieurs aux prévisions d'inflation de la Commission européenne (3,2%). La hausse des prix, alimentée «par un renchérissement très sensible de l'alimentation et de l'énergie», est donc partie pour s'accélérer très nettement après une année 2007 où elle était restée limitée à 2,1%. Dans ses précédentes prévisions, l'OCDE n'attendait encore que 2,2% pour cette année. L'année prochaine, la situation devrait s'améliorer avec une hausse des prix ralentissant à 2,4% (2,3% dans le précédent pronostic), mais toujours au-dessus de la limite de 2% tolérée par la Banque centrale européenne. Dans la zone euro, la prévision est abaissée à 1,7% pour 2008 contre 1,9% en mars, et à 1,4% en 2009 contre 2% lors des prévisions de décembre dernier. L'organisation estime que la zone euro a mieux résisté et a même enregistré une croissance de trois pour cent en rythme annualisé au premier trimestre, grâce à une performance meilleure que prévu en Allemagne et en France. Mais, ajoute-t-elle, cette embellie pourrait être de courte durée : la consommation reste morose, l'inflation élevée, et de plus en plus de signes montrent que l'appréciation de l'euro -10% en termes réels depuis le début 2006- «plombe les exportations». Dans ce contexte, la politique de relance devrait être poursuivie aux Etats-Unis jusqu'à ce que la reprise soit engagée, mais la zone euro n'a pas besoin d'une telle politique. L'OCDE relève sa prévision pour le Japon à 1,7% contre 1,5% précédemment pour cette année, mais abaisse celle relative à l'an prochain à 1,5% contre 1,8%. Un rebond de la construction de logements et des exportations toujours dynamiques ont entraîné un sursaut de la croissance nippone au premier trimestre, mais l'investissement des entreprises recule tout comme le moral des ménages, et l'OCDE s'attend à un «nouvel affaiblissement» de l'économie japonaise à court terme. Les pays touchés par l'éclatement de bulles immobilières, comme l'Espagne et l'Irlande, la Grande-Bretagne, où les dépenses des ménages souffrent de la crise des marchés hypothécaires, et l'Italie, dont l'économie est déjà très affaiblie, sont particulièrement vulnérables au ralentissement de l'économie dans les pays industrialisés. Les pays dont l'économie dépend beaucoup des Etats-Unis font aussi partie des plus fragilisés, à l'instar du Mexique et du Canada. L'inflation reste l'un des principaux dangers qui guettent l'économie mondiale. L'OCDE s'attend à ce que les prix du pétrole restent élevés en raison de la vigueur de la demande des pays émergents et «peut-être aussi d'éléments spéculatifs». Pour les autres matières premières, l'OCDE table sur un repli mais des prix restant très au-dessus de leurs moyennes historiques. Aux yeux de l'OCDE, le ralentissement économique, après les 2,6% de 2007, s'explique par la «remontée des taux d'intérêt», la «montée de l'inflation», qui pèse sur la consommation en rognant sur le pouvoir d'achat des ménages, et «la moins bonne santé du secteur du logement». L'euro fort joue aussi en «freinant les exportations» et en entraînant «des pertes de parts de marché», souligne l'OCDE. L'organisation, d'inspiration traditionnellement très libérale, invite les pouvoirs publics à ne pas céder aux demandes grandissantes de hausses de salaires, malgré la grogne qui s'étend en Europe parmi les professions les plus touchées par la hausse des prix énergétiques, comme les pêcheurs ou les transporteurs routiers. «Il faut résister à de telles revendications», pour éviter que la flambée des prix des matières premières «n'entraîne les salaires avec elle et ne provoque une spirale inflationniste généralisée», prévient-elle. Y. S.