Photo : Zoheïr Par Mekioussa Chekir «Nous sommes gênés de savoir qu'il n'y a toujours pas de projet de l'union pour la Méditerranée [UPM]», a déclaré, hier, en substance le ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci, lors d'une conférence de presse à l'issue des travaux de la 15ème conférence ministérielle du Forum Méditerranée, ouverte jeudi à l'hôtel Sheraton. Consacrés principalement à la préparation du projet présenté depuis deux ans par la France, les travaux de cette conférence qui se sont déroulés à huis clos ont été qualifiés «d'intenses et d'intéressants» par le conférencier qui précisera que la rencontre d'Alger est «une étape importante» dans le processus de mise en œuvre de l'UPM. Il ressort néanmoins de celle-ci des «réserves» susceptibles d'empêcher la concrétisation dudit projet tel que le voulaient ses initiateurs et qui ont été exprimées par l'Algérie, mais pas uniquement. Entre autres considérations, d'ordre politique essentiellement, celle liée aux conséquences de la présence d'Israël dans le futur espace euro-méditerranéen, et au-delà, la question de la normalisation des relations entre ce pays et le Monde arabe. Sur ce point, le ministre algérien se veut clair : «Le projet de l'UPM ne fait pas état d'une normalisation avec Israël pas plus que le processus de Barcelone ne l'a fait […] Nous avons la certitude que ce projet va se décliner entre pays qui veulent se retrouver dans un même projet !» dira le ministre avant de soulever le caractère «souple» du projet français. Une souplesse, dira-t-il, qui «tienne compte que tous les pays de la rive sud n'entretiennent pas des relations normales avec Israël» et qui n'oblige pas tous les pays de la future union à adhérer à un même projet, dans la mesure où trois pays seulement par exemple peuvent rendre effective une décision. Et de rappeler que le processus de normalisation avec Israël est pris en charge dans d'autres débats et d'autres engagements. Et de citer le cadre de la Ligue arabe, tout en rappelant la condition des Etats arabes à cette normalisation et qui consiste en le retour à la situation d'avant 1967 qui suppose la restitution à tous les pays arabes de leurs terres. «Une condition, rappellera-t-il encore, qui a fait l'objet d'une résolution votée à Beyrouth en 2002, réclamant l'évacuation par l'Etat hébreu des territoires palestiniens occupés en 1967. Laquelle résolution a été réaffirmée lors du dernier sommet arabe de Riyad.» Aussi, précisera le conférencier, cette condition n'a pas été discutée dans le cadre des débats sur le projet de l'UPM mais ce sont les interrogations liées aux conséquences de la présence d'Israël qui ont été posées lors de la rencontre d'Alger. Cette question et d'autres, comme celles liées aux postes de responsabilité que devront occuper les pays au sein de la future union restent donc à déterminer, à l'occasion de futures rencontres. La prochaine étant celle, non prévue jusque-là mais décidée à l'issue de la rencontre d'Alger, qui aura lieu le 12 juillet prochain à Paris, soit à la veille de la rencontre des chefs d'Etat et de gouvernement devant sceller la naissance officielle du projet de Sarkozy. C'est au cours de cette réunion, révélera le conférencier, que prendra forme le projet constitutif de l'UPM. S'ensuivra la 16ème conférence ministérielle du Forum méditerranéen, prévue en automne prochain à Naples (Italie). Qualifiant le projet de l'UPM de «sorte d'accessoire» au processus de Barcelone, Medelci a tenu à clarifier le fait que le futur espace est appelé à apporter des réponses aux questionnements qui n'ont pas été clarifiés lors de la rencontre d'Alger. Cela se fera progressivement et rien n'exclut qu'une fois y ayant adhéré, un membre de l'UPM ne puisse prendre souverainement la décision de s'y retirer, a encore précisé l'intervenant. Pour faire avancer ce processus et dissiper les malentendus, des contacts seront entrepris au niveau maghrébin, arabe et méditerranéen, a annoncé Medelci qui fera savoir que même l'appellation définitive de la future union n'a pas encore été adoptée. «Il ne faut pas s'attendre à ce que tout soit réglé le 13 juillet mais il y aura des efforts avant la fin de l'année», poursuivra le conférencier. «La position officielle de l'Algérie sera connue après le projet de déclaration !» Même si elle prendra part aux prochaines rencontres dans le cadre de l'UPM, l'Algérie attend de connaître l'esprit du projet qui sera soumis lors du sommet constitutif : «Nous attendons le projet de déclaration pour libérer la position officielle de l'Algérie, mais il ne faut pas considérer qu'en adhérant à l'UPM, l'Algérie va se dégager de ce projet [UPM, ndlr].» Interrogé sur le niveau de représentativité de l'Algérie lors de la rencontre du 13 juillet à Paris, le conférencier dira que ce n'est pas à l'occasion de rencontres comme celle qui vient d'avoir lieu à Alger que se prend ce genre de décisions et qu'il appartient à chaque pays de décider en toute liberté de cela. Parce que les pays du Sud craignent que ceux du Nord ne dominent les prises de décision car possédant l'argent et les technologies. Il a été convenu lors de la rencontre d'Alger que la future union euro-méditerranéenne soit un espace plus équilibré et juste, a déclaré le ministre des Affaires étrangères lors de son point de presse. En ce sens, précisera-t-il, que le principe de «la responsabilité partagée» a été admis. Ainsi, les participants à la 15ème conférence ministérielle ont convenu d'une coprésidence de l'UPM entre les pays du Nord et du Sud, d'un secrétariat paritaire, d'un comité d'ambassadeurs qui suivra les travaux des différentes rencontres. M. C. Bernard Kouchner : «Ce n'est plus une initiative française» «Ce n'est plus une initiative française, c'est une initiative entre le Nord et le Sud, entre vous» a brièvement répondu hier à la presse le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, en marge de la conférence ministérielle du Forum méditerranéen. Ce dernier était convié par une consœur à commenter le projet initié par le président Nicolas Sarkozy.