Erreur de parcours, refus d'un monde qui ne les a pas ménagés ou d'un milieu familial hostile, et c'est toute leur vie qui bascule. Des hommes, des femmes, des adolescents et même des enfants que le sort a mis sur le mauvais chemin. Sans domicile, sans attaches et sans repères, l'errance les prend par la main. Impitoyable, la rue prend le relais d'une existence qu'ils ont fuie. Nuits froides et jours sans couleur se succèdent, le temps broie lentement ces vies désaxées que la vie a désertées. Ces damnés de la terre ont choisi de se mettre au ban de la société, coupant totalement avec cette multitude qui n'admet pas que l'on sorte du moule du conformisme. Qui n'accepte plus dans son giron une fille qui a fugué, ou que des vents contraires ont déviée du droit chemin. Cette société qui rejette un membre handicapé ou un aliéné, un père que l'alcool a pris dans son sillage. Comme s'il s'agissait d'un membre gangrené qu'on doit amputer, on se défait de son propre enfant, de son conjoint, de son père, parce qu'il ne répond plus aux normes établies. Rejetés, les SDF le rendent bien. Eux-mêmes refusent et fuient cet univers, affichant leur anonymat en guise d'identité. Qu'importe le froid et la faim, puisqu'ils ont appris à les dompter. C'est désormais un combat, celui d'avoir un gîte pour la nuit et un peu de nourriture. Un carton et une couverture usée pour toute literie, souvent à ciel ouvert, et des restes recueillis dans une poubelle, pour ne pas avoir à quémander quelques effets ou quelque pitance à cette société qui pourrait trouver ainsi un moyen de se dédouaner. C'est d'ailleurs dans cette même optique, ne pas donner à la société l'occasion de s'absoudre de sa faute, qu'ils vont jusqu'à fuir des centres d'accueil et à rejoindre à nouveau la rue. Il faut dire que ces centres sont en nombre très insuffisant et qu'ils ne peuvent offrir l'essentiel. L'affection qui a été retirée à ces personnes lorsqu'un jour elles ont commis un écart. Celui qui les a menées à la rue. R. M.