Photo : APS Par Hasna Yacoub En juillet 1964, au Caire, à la conférence au sommet des pays arabes, Bourguiba soumet à Ben Bella le problème de la délimitation des frontières. Le chef de l'Etat algérien consent alors verbalement à un arrangement reconnaissant la souveraineté tunisienne à cette frontière. Mais à son retour à Alger, Houari Boumediene, ministre de la Défense, et Abdelaziz Bouteflika, ministre des Affaires étrangères, refusent d'entériner cet accord. Cet incident a été la cause du «redressement révolutionnaire» du 19 juin 1965 -un coup d'Etat militaire– et le renversement d'Ahmed Ben Bella. Cette étape de l'histoire algérienne a été évoquée hier par Mme Anissa Boumediene en marge d'une conférence sur le thème «Boumediene et l'autodétermination des peuples», organisée au centre de presse d'El Moudjahid, par l'association Mechaal Echahid à l'occasion du 30ème anniversaire de la mort du président Boumediene. Mme Boumediene, qui se refusait au début à commenter des déclarations de l'ancien président Ben Bella, a fini par enfoncer le clou en lâchant : «Le président Ben Bella, sans se référer à son ministre de la Défense ni à son ministre des Affaires étrangères, a décidé unilatéralement de céder au président Bourguiba, qu'il a rencontré au Caire lors du sommet de 1964 et en présence de Djamel Abdel Nasser, une parcelle de terre algérienne. C'est celle-là, la vérité. L'autre vérité qui a d'ailleurs été rapportée par le journal le Monde en 1965, c'est celle des 1 200 Algériens qui croupissaient dans les prisons et qui ont été libérés par Boumediene quand il a pris le pouvoir.» Anissa Boumediene, en réponse à une question sur l'écriture de l'histoire, ne manquera pas de jeter un autre pavé dans la mare. Revenant sur les dernières déclarations de l'ancien président Chadli Bendjedid, elle soutient formellement que feu Houari Boumediene n'a jamais pensé à Chadli Bendjedid comme son successeur. «J'assiste à des diatribes de part et d'autre de certaines personnalités. Des déclarations qui m'étonnent comme celle faite par l'ancien président Chadli Bendjedid. Ce dernier avait déclaré que le défunt président Boumediene avait pensé à lui pour être président. Ceci est totalement faux. D'ailleurs, j'étais constamment avec mon mari en URSS et les deux seules personnalités qui sont venues le voir et qui lui ont parlé sont M. Ahmed Taleb Ibrahimi, ministre d'Etat à l'époque, et le président Bouteflika qui était à ce moment-là ministre des Affaires étrangères. Ce sont les deux seules personnalités qui ont vu Boumediene à Moscou. Et jamais, jamais à aucun moment, la candidature de M. Bendjedid n'a été évoquée. Je dirai même que cette idée n'aurait jamais traversé l'esprit de Boumediene. Donc cela, c'était erroné et complètement faux. Je persiste et signe», a assuré Mme Boumediene. Sur l'affaire Chaabani, l'invitée d'honneur du centre de presse d'El Moudjahid a certifié que son mari était contre l'exécution du défunt colonel. «Rappelez-vous, a dit Mme Boumediene, que mon mari a été victime de tentatives d'attentat, par exemple en 1968. Boumediene n'a jamais condamné à mort un responsable d'une tentative d'attentat. C'était sa position. Il avait même fait le reproche à certains chefs de l'Etat de recourir à ce procédé comme Hassan II et Djamel Abdel Nasser parce qu'il considérait que la haine ne sert pas, c'est complètement inutile. Il a profondément regretté la mort de Chaabani qui avait fait la guerre à ses côtés et qui était un vrai patriote. Boumediene a d'ailleurs demandé à Ben Bella, qui avait les pleins pouvoirs à cette époque-là, de ne pas exécuter Chaabani. Mais la décision a été prise très rapidement et Ben Bella a insisté pour l'exécution immédiate du colonel Chaabani.» A signaler enfin que, lors de cette conférence, l'ancien haut responsable du FLN, M. Djelloul Melaïka, et M. Abderrazak Bouhara, vice-président du Conseil de la nation, sont revenus sur l'engagement de Boumediene aux côtés des causes justes de par le monde. Un hommage a été également rendu au défunt par des représentants de l'Autorité palestinienne et du Front Polisario, qui ont souligné l'aide apportée par l'Algérie à ces causes. Mme Anissa Boumediene qui a également apporté son témoignage, a, quant à elle, affirmé que le président était «pragmatique» dans ses positions et qu'il «privilégiait les faits aux paroles». Soutenant que L'Algérie était devenue gênante sur tous les plans pour les grandes forces du monde parce qu'il y «avait beaucoup d'intérêts», elle se refusera à faire un commentaire sur la mystérieuse mort de Houari Boumediene. «Je ne peux pas savoir si mon mari a été assassiné. Dieu seul le sait. Il y avait beaucoup d'intérêts dans le monde et sa maladie était subite.»