Le nouveau bureau fédéral n'a pas attendu longtemps avant de frapper fort en direction des arbitres puisque dès sa première réunion, il a décidé d'envoyer à la retraite pas moins de sept arbitres. Ceux qui ont écouté le discours d'investiture de Mohamed Raouraoua savaient que ce dernier n'allait pas être indulgent avec les acteurs du football, mais personne ne s'attendait à ce qu'il dégaine aussi vite. En fait, Raouraoua avait commencé le travail bien avant son élection et durant cette période, il a été briefé sur les coulisses de l'arbitrage et les referees qui auraient « trempé » dans la combine, d'où la célérité avec laquelle pas moins de sept arbitres ont dû ranger leur sifflet et pour de bon. Une décision que les concernés n'ont pas admise et ont tenu à le faire savoir sur nos colonnes. Mais que reproche-t-on au juste à ces arbitres ? De richissimes… fonctionnaires D'habitude, un arbitre coupable de faute grave voit ses activités gelées pendant trois mois alors qu'un arbitre qui commet une simple faute d'appréciation risque une suspension d'un mois. Si ces sept arbitres ont été purement et simplement écartés, c'est qu'il ont dû faire pire. Mais comme ces satanées preuves n'existent pas, on s'est basé sur les biens possédés par certains « chevaliers du sifflet », simples employés de la Fonction publique. Certes, un citoyen algérien a le droit de posséder autant de biens qu'il le veut, mais on ne peut pas fermer les yeux lorsqu'un arbitre, simple salarié de l'Etat, se fait construire une somptueuse villa. Il y a quelque part anguille sous roche et c'est ce qui a poussé Raouraoua à réagir aussi vite et aussi fermement. Le message de Raouraoua est passé Il n'y a pas de corrompus sans corrupteurs, dit-on. Alors pourquoi ceux qui ont corrompu ou tenté de corrompre des arbitres n'ont pas été touchés ? La réponse est simple : officiellement, la mise à l'écart des arbitres n'a rien à voir avec la corruption. Selon le communiqué de la FAF, ils n'étaient tout simplement pas concernés par la réunion avec la Commission centrale d'arbitrage, nouvellement installée, et que deux d'entre eux étaient atteints par la limite d'âge. En agissant ainsi, le bureau fédéral n'a pas voulu ouvrir un dossier qui aurait impliqué plusieurs acteurs du football au moment où la priorité des priorités reste l'équipe nationale. D'autre part, Raouraoua a voulu envoyer un message à l'adresse de tous ceux parmi les arbitres qui seront tentés par l'argent et parmi les dirigeants qui essayeront de soudoyer des arbitres. Apparemment, le message de Raouraoua est passé. B. D. Abdallah:«Milia et Dehamchi se sont vengés de moi» « Je sais qui est derrière ma mise à l'écart, c'est Milia, le président de l'AS Khroub, et Dehamchi, le délégué. Mon seul tort a été d'avoir dénoncé Milia sur la feuille de match pour qu'il soit sanctionné lors de la rencontre USMH-ASK et comme c'est l'ami de Dehamchi, ce dernier a décidé de me salir. Il m'a accusé, tenez-vous bien ! d'avoir distribué beaucoup de cartons lors du match USMAn-RCK alors qu'il était arrivé au stade avec 10 minutes de retard. Tout ça, c'est un montage et ce n'est pas de cette manière que l'arbitrage va s'améliorer. Ce qui me fait le plus mal, ce n'est pas ma mise à l'écart, mais l'ingratitude des responsables qui m'ont sorti par la petite porte après avoir risqué ma vie durant la période du terrorisme. Où étaient ces gens-là lorsque j'ai échappé à la mort lors d'un faux barrage sur la route de Sour El Ghozlane où je devais officier un match ? » Djaballah:«J'irai loin pour recouvrer mes droits» « Tout le monde connaît Djaballah et sait que je suis un arbitre droit et incorruptible. C'est pour cette raison que je compte frapper à toutes les portes pour recouvrer mes droits. Je refuse d'être sali de la sorte et j'ai déjà commencé par introduire un recours. J'irai loin s'il le faut. » Boukedjar :«On avait peur de notre ombre» « Figurez-vous que durant toute ma carrière, je n'ai jamais été sanctionné. La première fois qu'on me sanctionne, on m'envoie à la retraite alors que je n'ai que 36 ans et que je peux apporter beaucoup à l'arbitrage. Mon seul tort a été de refuser un but à Abadli du MOC qui avait commis une faute avant de marquer. Les suspicions devenaient tellement grandes dans le monde de l'arbitrage qu'on avait peur de notre ombre. A chaque fois que je parle au téléphone ou que je rencontre un ami, j'ai peur d'être accusé de corrompu. » Ferdj :«Mon seul tort, c'est d'avoir accordé un but limpide» « Je suis salarié à Sonatrach, je n'ai donc pas besoin de l'arbitrage pour vivre, mais cela ne m'empêchera pas d'introduire un recours pour le principe. On ne peut pas me mettre à l'écart parce que j'ai accordé un but limpide à Bel-Abbès face au MOC et les images sont là pour le prouver. » Affaire de corruption MOB-MSPB Deux ans de prison ferme pour les corrupteurs C'est hier matin que la justice à tranché dans l'affaire des deux corrupteurs du MSPB qui ont essayé de soudoyer Azzedine Doukha, le gardien de but du MOB à l'époque, actuellement au MCA, afin qu'il aide leur équipe à gagner, ce qui allait faciliter la tâche du Boubya dans la course à l'accession. Cette affaire, qui remonte à presque une année, a été traitée hier au tribunal de Béjaïa. Les deux accusés répondant aux noms de Mohamed Benflis et Noureddine Abdessamed ont écopé chacun d'une peine de deux ans de prison ferme ainsi qu'une amende de cinq mille dinars. Pour rappel, le match qui a opposé les deux équipes s'est soldé en fin de compte en faveur des locaux qui se sont imposés sur le score d'un but à zéro. Ouchen se retire par solidarité avec ses collègues «Sanctionner le corrompu c'est bien, encore faut-il punir le corrupteur» On vient d'apprendre que vous avez mis fin à vos fonctions d'arbitre. Peut-on savoir pourquoi ? J'ai 42 ans et je pense qu'après 25 années de bons et loyaux services, il était temps pour moi de quitter l'arbitrage pour laisser la place aux jeunes d'autant plus que durant ma carrière d'arbitre, j'ai été bloqué dans ma carrière professionnelle. Comment ça ? Je suis contrôleur principal de la wilaya de Bordj Bou Arréridj et sans l'arbitrage, j'aurais pu avoir des promotions. Mais, bon je ne regrette rien car l'arbitrage a toujours été ma passion. Votre retrait coïncide avec la mise à l'écart de sept de vos collègues. Y a-t-il un lien ? C'est normal ! Je ne peux quand même pas rester insensible alors que des collègues et des amis sont victimes d'injustice. Leur mise à l'écart abusive a été en quelque sorte la goutte qui a fait déborder le vase. Continuer aurait été lâche de ma part vis-à-vis de mes collègues. Mais les arbitres écartés ont commis des erreurs graves, non ? L'arbitre est devenu la tête de Turc et à chaque fois qu'il y a du grabuge, c'est lui le responsable. Trop, c'est trop ! Ce qu'on a fait à mes collègues est tout simplement de l'ingratitude, on a voulu les faire sortir par la petite porte après des années d'arbitrage, alors qu'ils méritaient des sorties honorables. Même s'ils sont accusés d'avoir trempé dans la corruption… C'est facile d'accuser des arbitres de corruption, c'est même à la mode, mais personne n'est capable d'apporter des preuves. Vous pensez donc que les arbitres algériens ne sont pas corrompus… Ce n'est pas ce que je voulais dire, mais si on veut s'attaquer à la corruption, il faudra commencer par les corrupteurs. Les arbitres ne sont pas des prophètes, mais les présidents non plus. Si les présidents ne tenteront plus de soudoyer des arbitres, ces derniers n'iront pas à la recherche de l'argent de la corruption. Il faut fermer le robinet à la source, comme ça, l'eau ne coulera plus. Le phénomène de la corruption, c'est donc les présidents… C'est aux responsables de trouver les coupables, mais tout le monde sait que sans corrupteurs, il n'y a pas de corrompus. Malheureusement, chez nous, on préfère taper l'arbitre, contrairement aux autres pays. Voyez l'Italie qui n'a pas hésité à reléguer la grande Juventus ou la France qui a envoyé Marseille fraîchement champion d'Europe en L2. Votre retrait de l'arbitrage n'a-t-il pas un rapport avec la nomination de M. Lacarne à la tête de la CCA ? Non, car M. Lacarne, avec lequel j'entretiens d'excellents rapports, est compétent. Le problème, c'est qu'il est entouré d'analphabètes et d'illettrés alors que le corps arbitral est composé de médecins, d'ingénieurs et d'universitaires. Après votre longue expérience, vous saurez sans doute situer le mal de l'arbitrage… L'échelle des valeurs. Pour votre information, un juge assistant touche 3 000 DA, une somme qu'il encaisse avec une année de retard. Je connais des arbitres qui ont décidé d'arrêter pour ne pas être tentés par l'argent des corrupteurs. N'avez-vous pas quitté l'arbitrage de peur d'être arrêté ? Je n'ai peur de rien car je ne suis pas dans le besoin. Je suis inspecteur principal à la wilaya et tous les membres de ma famille sont à l'aise et possèdent des entreprises. Avez-vous un message à adresser aux responsables du football ? Oui, au lieu de s'attaquer aux arbitres, il faut d'abord s'attaquer aux clubs qui arrangent des matchs entre eux au vu et au su de tout le monde. Ce n'est quand même pas l'arbitre qui doit être puni là aussi. Entretien réalisé par B. D.