Raouraoua : «Voyez avec les joueurs, pas moi !» Il fallait voir la tête des joueurs en passant par la zone mixte pour comprendre leur déception. Les nombreux journalistes qui les attendaient pour recueillir les impressions à chaud bouillonnaient d'impatience de les voir arriver. Raouraoua : «Voyez avec les joueurs, pas moi !» Le premier à sortir, c'était Mohamed Raouraoua, accompagné de Hamid Heddadj, son prédécesseur à la tête de la FAF. Les deux hommes tentaient d'afficher un air plus ou moins serein, même si les traces de la gifle étaient encore visibles sur les joues. Pas de commentaire du président. Juste un sourire sympathique à l'endroit des journalistes qu'il invitait à «interroger les joueurs, pas moi !» L'air dépité, Raouraoua ruminait sa colère et sa déception en tentant de ne rien laisser paraître. Mais la douleur était tellement forte qu'il lui aurait fallu trois masques pour couvrir l'humiliation qu'il ressentait après ce 3 à 0 subi contre le Malawi. Les Malawites jubilaient dans le couloir Derrière lui, débarquèrent, tout heureux, les Malawites qui se faisaient entendre de très loin. La fête était totale dans leur camp et ils ne se gênaient pas de se faire entendre. Et comment ne pas jubiler pleinement lorsqu'on vient de se payer la tête d'un mondialiste qui a barré de surcroît la route au double champion d'Afrique en titre ! L'espoir d'aller loin dans cette épreuve a grandi d'un coup après ce 3-0 infligé aux «géants» d'Algérie. On les entendait chanter et rigoler entre eux de loin, fiers d'avoir réussi à scalper l'Algérie que personne ne pouvait imaginer voir être malmenée de la sorte. L'ambiance était à la joie et à l'espoir. Zakazaka : «Il ne fallait pas nous sous-estimer» Quelques secondes plus tard, les pas des joueurs se faisaient de plus en plus proche derrière le rideau. Le premier à pointer son nez fièrement, c'était Zakazaka, entré à la 77', pour museler un peu plus Ziani. Il ne sait pas à qui il s'adressait, mais il est sûr de se faire entendre dans le monde entier cette fois. «C'est sûr qu'on est tous heureux d'avoir gagné aussi largement contre un mondialiste. On a prouvé par notre prestation que nous avons des qualités qui nous donnent le droit d'espérer aller loin dans cette CAN. Les Algériens nous ont peut-être pris de haut et ça leur a coûté cher ! Ils se sont dit certainement : c'est juste le Malawi, ce n'est pas un gros morceau comme le Mali ou l'Angola. Aujourd'hui, c'est nous qui sommes premiers de notre groupe et nous avons le droit de savourer cette place de leader jusqu'à notre prochain match. Il ne fallait pas nous sous-estimer !», a-t-il clamé avec un sourire provocateur. Mwafulirwa : «C'est nous qui sommes forts et non pas l'Algérie qui était faible !» Zakazaka avait juste le temps de nous claquer sa rage dans la figure que Mwafulirwa arborait fièrement son trophée de meilleur joueur de la rencontre que venait de lui remettre la commission spécialisée de la CAF, quelques minutes avant. C'est lui qui a marqué le premier but et c'est aussi lui qui a donné le tournis à la défense algérienne. D'un large sourire, il nous dit : «Je dédie ce trophée à mes parents et à tout le peuple du Malawi. Notre victoire est nette et sans bavure. Nous avons dominé les Algériens du début jusqu'à la fin. On ne leur a laissé aucun espace pour s'exprimer. Sur le terrain, ils n'étaient pas aussi mauvais que vous le croyez. C'est nous qui étions plus forts, tout simplement. Pourquoi voulez-vous réduire nos qualités, alors que le score parle de lui-même ? On aurait pu leur marquer beaucoup plus. Ils s'en sortent bien, plutôt !», a-t-il encore dit, comme pour prendre sa revanche sur ces Algériens que tout le monde avait favorisés avant le match. Yebda : «Je suis dégoûté, je ne comprends pas ce qui s'est passé» Derrière lui, les Malawites défilaient joyeusement en se dirigeant vers le bus qui allait les ramener à leur hôtel pour faire un peu plus la fête. Ils passèrent tous dans une grande cacophonie, puis revint ce silence de mort qui annonçait l'arrivée des défaits. En tête, Hameur Bouazza marchait à pas appuyés, la tête bien basse pour signifier qu'il ne voulait parler à personne. Les journalistes algériens qui le hélaient également essuyaient un refus sec de sa part. «Non, je n'ai rien à dire !», a-t-il coupé net. Derrière lui, il y avait Ghezzal, Babouche, Bezzaz, Zemmamouche et Yebda. Ce dernier est venu nous saluer, mais les mots avaient du mal à sortir de sa bouche : «Je suis tout simplement dégoûté. Je n'ai rien compris à ce qui nous est arrivés. Je suis vraiment désolé», a-t-il eu juste le temps de dire qu'un des accompagnateurs de la FAF l'a extirpé lui et les autres pour les inviter à rejoindre le bus, sans s'attarder dans cette zone mixte devant des journalistes doublement dépités. Meghni ne sentait pas l'ambiance de la CAN Le premier à s'arrêter devant la presse est Mourad Meghni qui est venu nous parler, l'air sonné par la défaite. Que s'est-il passé au juste ? «Je ne sais pas, on dirait qu'on était à l'entraînement. Sans public dans les tribunes, on avait du mal à croire qu'on jouait la CAN. Mais bon, il n'y avait pas que cela. Je crois que la chaleur aussi a pesé sur l'équipe. Je ne sais pas vraiment ce qui est arrivé, je n'étais pas sur le terrain. J'espère qu'on va se racheter contre le Mali. De toute façon, on n'a plus le choix désormais», nous a-t-il confié avant de s'en aller. Zaoui : «On va tout faire pour battre le Mali» Derrière lui, d'autres joueurs ont accepté de faire face à la presse. A commencer par Zaoui qui «regrette d'avoir déçu notre peuple. On est passés complètement à côté de notre match. Je suis sincèrement désolé pour cette prestation peu honorable. Ce sont des choses qui arrivent dans le football. Il nous reste deux matchs à jouer. On vous jure qu'on va tout faire pour les gagner. A commencer par celui face au Mali. On va se réunir entre nous pour nous secouer les uns les autres», a-t-il promis. Bougherra et Yahia en ragent Lorsque Anthar Yahia est arrivé, le défenseur convalescent avait le visage tout froissé. Comment pouvait-on tomber aussi bas ?, se demandait-il. Pareil pour Madjid Bougherra qui ne voulait pas fuir ses responsabilités en répondant à tous les journalistes qui l'avaient sollicité, leur confirmant bien la défaillance collective, tout en leur promettant d'y remédier dès le prochain match. Abattu mais toujours debout, Bougherra nous dira avant d'aller rejoindre ses coéquipiers que «l'équipe a bien le droit de perdre, mais pas une seconde fois. Car ce serait une nouvelle insulte à nos supporters», a-t-il soutenu en promettant de bien discuter en groupe pour se secouer, avant le match de jeudi contre le Mali. Les joueurs ont appelé leurs proches pour découvrir le désastre qu'ils ont provoqué Une fois installés dans le bus, les joueurs avaient tous la tête lourde et le moral à plat. Qui pouvait s'imaginer qu'ils allaient faire le chemin inverse avec trois buts dans le sac ? Ils garderont le silence même après que certains eurent tenté de les motiver en vue du prochain match. Personne n'avait envie d'entendre personne à ce moment-là. Les trois pelles prises sur le melon les ont complètement éclatés. Le trajet a paru deux fois plus long que d'habitude. Une fois à l'hôtel, c'était pire, car chacun devait faire son examen de conscience, seul, ou au mieux avec son partenaire de chambre. L'ambiance était devenue si morose que rares sont ceux qui avaient daigné quitter leur lit. «Il ne faut pas aider ceux qui espèrent notre mort !» Certains d'entre eux ont appelé leur famille ou leurs proches, histoire de jauger les effets de la déception qu'ils ont provoquée chez les supporters. D'autres ont surfé sur Internet pour découvrir les conséquences du désastre et les réjouissances des ennemis. Un des joueurs nous a confié qu'il comprenait bien la réaction des supporters, «mais il ne faut pas qu'ils aident ceux qui espèrent notre mort. Nous ne sommes pas éliminés de la CAN à ce que je sache ! Attendez d'abord qu'on joue le Mali avant de penser à nous enterrer de la sorte», a-t-il pesté contre ceux qui les ont sévèrement critiqués hier. Personne ne voulait aller dîner A l'heure du dîner, les tables étaient restées vides durant longtemps. Rares étaient ceux qui avaient encore de l'appétit après cette désillusion. «Avec ces trois buts, je crois qu'on était tous rassasiés», a fini par plaisanter un des joueurs, comme pour dire que la page de cet accident de parcours devrait être vite tournée pour se concentrer sur la suite à donner à leur parcours dans cette CAN. Il aura fallu que les responsables de l'équipe aillent les chercher un à un dans leur chambre pour les obliger à descendre manger. Les titres de certains journaux leur ont fait très mal «Il faut récupérer vos forces, la CAN n'est pas finie», leur criait-on à chaque fois. Le chemin qui séparait les chambres du restaurant de l'hôtel paraissait interminable, tellement l'envie n'y était plus. La nuit allait être encore plus lourde après la consultation des journaux qui les ont majoritairement descendus en flammes. «On ne va rien oublier de cela ! Hier encore, ils nous ont portés au ciel. Il a suffi d'une seule défaite, dans des conditions aussi pénibles, pour qu'ils se déchaînent comme ça ! Cela aussi est honteux !», nous a-t-on dit avec une immense déception. Eh oui ! Il y a des jours comme ça, où le cauchemar débute au réveil et ne se termine qu'une fois les yeux refermés ! Nacym Djender