«Je n'étais pas si loin que ça de l'Equipe nationale, puisque je suis resté en contact permanent avec mes camarades.» Au lendemain de l'appel de Rabah Saâdane pour lui annoncer sa convocation pour le match Algérie-Serbie, Amri Chadli nous a reçus à Mayence pour nous parler de ses sentiments, à quelques jours du stage et de ce moment qu'il attendait depuis deux ans. * Vous voilà de retour en Equipe nationale ; vous y attendiez-vous ? Oui, je m'y attendais. Et croyez-moi, même si cela fait deux ans que je n'ai pas mis les pieds en Equipe nationale, je n'ai jamais perdu l'espoir d'y revenir. Cet espoir a grandi ces derniers temps. D'ailleurs, je me suis bien préparé, mentalement et physiquement jusqu'à ce Saâdane m'appelle pour m'annoncer la bonne nouvelle. * Comme vous dites, cela fait deux ans que vous n'avez pas été convoqué, l'attente a dû être trop longue pour vous, non ? C'est vrai, cela a été trop long, d'autant que je m'étais habitué à l'ambiance des Verts et de leur environnement. En plus, j'étais à l'époque un des éléments essentiels de l'équipe, jusqu'à ce que je contracte cette méchante blessure qui m'a éloigné des terrains et de la sélection, alors que je traversais une période faste de ma carrière. C'était très difficile pour moi, j'en avais énormément souffert, mais bon, je devais tout accepter, sans baisser les bras pour autant. Cela dit, je n'étais pas si loin que ça de l'Equipe nationale, puisque je suis resté en contact permanent avec mes camarades. * Comment cela ? Vous vous rappelez sans doute de la récente confrontation contre la Zambie en Algérie. J'étais venu spécialement pour ce match et j'ai été allé rendre visite à l'équipe à l'hôtel de Beni Messous où j'ai pu me retremper dans cette ambiance qui me manquait beaucoup. Cela m'avait fait beaucoup de bien. Aussi, et durant toute la période où j'étais loin de la sélection, comme je viens de vous le dire, j'étais resté en contact avec mes coéquipiers, à l'image de Belhadj qui me tient quotidiennement au courant de l'actualité de l'EN. * La preuve que vos coéquipiers ne vous ont pas oublié, c'est le fait d'avoir été présent avec eux le jour de la cérémonie du Ballon d'Or, n'est-ce pas ? C'est un grand honneur pour moi d'avoir assisté à cette grandiose cérémonie. Le fait d'y avoir été convié m'a beaucoup touché. Mais d'un côté, cela ne m'a pas beaucoup surpris, car ce sont mes amis. Et en Equipe nationale, nous formons un groupe soudé où règne une ambiance familiale et fraternelle, et c'est justement le secret de la réussite de cette équipe. Vous comprendrez donc pourquoi je suis très content de retrouver tout cela. * Lorsque vous avez reçu l'appel de Saâdane, et lorsque vous avez reconnu sa voix au téléphone, qu'est-ce vous vous êtes dit exactement ? Qu'il vous a appelé pour vous convoquer ou pour vous demander de vos nouvelles ? Pour être franc avec vous, les deux. Et justement, il a commencé par demander de mes nouvelles. Ce n'est que par la suite qu'il m'avait demandé si j'étais prêt à revenir en sélection. * Et que lui avez-vous répondu ? Je l'ai coupé et le lui ai dit : Coach, vous n'avez pas à me demander cela, c'est mon devoir et je vais venir les yeux fermés. Car, il s'agit de l'appel du cœur, l'appel de la patrie. * Comment avait-il réagi ? Il m'a dit que l'occasion de ma vie s'était présentée devant moi. « Tu dois la saisir et prouver que tu mérites ta place face à la Serbie», a-t-il ajouté. Et c'est ce que je compte faire, car j'ai vraiment envie de rester en Equipe nationale. Je ne veux pas revivre ce que j'ai déjà vécu lorsque je m'étais blessé. * Avez-vous senti que le discours de Saâdane était rassurant ? Il était naturel et il m'a parlé le plus normalement du monde. Mais son appel m'a mis plus en confiance quoi. Maintenant, c'est à moi de justifier cette confiance et celle de tout un peuple que je ne dois pas décevoir. * Comment votre club a réagi, après avoir appris votre retour en sélection ? Jusqu'à l'heure où je vous parle, mes dirigeants ne sont pas encore au courant, parce que je ne leur ai encore rien dit, et parce que la convocation de Fédération algérienne de football ne leur est pas encore parvenue. Mais j'ai mis au courant mes coéquipiers de cette bonne nouvelle, et ils ont été très contents pour moi, surtout un joueur qui jouait avec moi à Mayence et qui joue aujourd'hui à Dortmund * Pourquoi a-t-il été plus content que les autres ? Tout simplement, parce que c'est un Serbe et il va être mon adversaire le 3 mars prochain. Il s'appelle Neven Subotic. * Vous venez de dire que vous êtes tout le temps en contact avec vos coéquipiers. Est-ce que cela veut dire que cet esprit de famille qui vous lie à l'Equipe nationale sera toujours présent, même quand chacun est dans son club ? Evidemment. Comme vous le savez, aujourd'hui, les joueurs de l'Equipe nationale sont éparpillés partout en Europe : en Angleterre, en Allemagne, en Italie, au Portugal, en France, partout. Mais personne d'entre nous n'a oublié d'où il vient. Personne n'a oublié qu'il a grandi dans les banlieues parisiennes, personne n'a oublié qu'il a galéré avant d'arriver là où il en est aujourd'hui. Aussi, personne n'a oublié la valeur de la patrie et de ses origines. C'est ce qui rend cette relation entre nous encore plus forte. L'Equipe nationale est devenue une nébuleuse en effet. Et je ne veux pas oublié un autre point très important. * Lequel ? Je veux parler des joueurs locaux qui ont joué un très grand rôle dans notre intégration. Ils nous ont beaucoup aidés et accueillis. Et croyez-moi, à aucun moment nous nous sommes sentis des étrangers. Bien au contraire, ils ont tout fait pour que nous soyons à l'aise et tous unis, d'autant que nous avons tous un seul but et un seul objectif : l'intérêt national. Et je vais vous donner un autre exemple qui prouve tout ce que je suis en train de vous dire. * Allez-y ! Je suis sûr que vous êtes au courant que je n'ai jamais joué avec Ghezzal et que je ne l'ai jamais connu auparavant. Et bien, il a suffi que je le voie une seule fois pour qu'on devienne de très bons amis. C'était à l'occasion du match contre la Zambie lorsque j'avais rendu visite à l'équipe. Et lorsque je suis revenu pour assister à la cérémonie du Ballon d'Or, je l'ai revu une deuxième fois et nous avons passé deux jours ensemble comme si nous nous connaissions depuis très longtemps. C'est l'effet de l'Equipe nationale. * L'on comprend par là que vous n'aurez aucun problème pour votre intégration ? Soyez sûrs que ça va vanner dès le premier jour (rires). Nous sommes des Algériens et vous comprenez bien comment on peut déconner entre nous, ça va être grave. * Qu'est-ce qui vous a manqué le plus pendant ces deux ans, le 5-Juillet, les supporters, les joueurs ou des amis en Algérie ? Rien de tout cela. Parce que quand le 5-Juillet me manque, j'y vais en tant que spectateur et quand les supporters me manquent, je rentre en Algérie pour les rencontrer, c'est aussi le cas de mes amis en Equipe nationale que je peux voir de temps à autre ou appeler carrément au téléphone. Mais ce que je n'ai pas pu faire pendant ce temps-là, c'est de porter le maillot national et aller défendre ses couleurs sur le terrain. C'est cela qui m'a manqué le plus. * C'est tout ce qui vous a manqué ? L'hymne national me manque aussi. J'ai hâte de l'entendre, c'est ce qui me rend fier d'appartenir à ce grand pays. * Vous avez participé récemment à une chanson de Cheb Tarik pour l'Algérie avec d'autres joueurs comme Belhadj et Bougherra. Etes-vous prêt à refaire cette expérience ? (Il hésite). Même si je le refais, tout le monde doit savoir que je suis un joueur de football, non pas un chanteur. J'avais juste répondu favorablement à la demande d'un ami pour chanter à la gloire de notre Equipe nationale, après sa qualification au Mondial, c'est tout. * Vous ne vous sentez pas comme une star, après le statut qu'a atteint l'EN aujourd'hui ? Je dois avouer que oui, mais pas aussi fort que vous pouvez le pensez. Il est vrai que depuis un certain temps, je suis beaucoup plus sollicité pour signer des autographes ou pour des photos avec des fans, mais je garde les pieds sur terre, je n'ai jamais eu la grosse tête. * Vous avez visité Oran il n'y a pas longtemps et vous y avez tenu une conférence de presse. Cela était programmé ou c'est les nouvelles circonstances avec la qualification de l'EN au Mondial qui vous y ont contraint ? En vérité, ma visite pour Oran était strictement personnelle, mais mon ami cheb Tarik m'a demandé de tenir cette conférence de presse pour les journalistes locaux, d'autant qu'aujourd'hui, tout le peuple algérien veut savoir tout des joueurs de l'Equipe nationale, d'autant que je suis de l'ouest du pays. J'ai alors accepté et nous avons tenu cette conférence à la dernière minute. * Nous avons oublié de parler de votre famille, on suppose qu'ils ont été très contents d'apprendre la nouvelle … Ah oui, ils ont été tous content pour moi, d'autant qu'ils attendaient tous cette convocation. Ils sont très fiers de moi parce que je vais porter de nouveau les couleurs nationbales. De mon côté, je ne vais ménager aucun effort pour être à la hauteur de leurs attentes et je vais tout faire pour justifier toute cette confiance placée en moi. Je donne rendez-vous à tout le monde face à la Serbie. Entretien réalisé à Mayence par Farid Aït Saâda