Raouraoua, l'assurance tout-risques. Saâdane jouit du même statut : incontournable. Il y a de nombreuses similitudes entre la situation du football algérien en 1986 et en 2010. La première d'entre elles est le fait que ce sont des années où l'Algérie participera à la Coupe du monde de football. La deuxième est que c'est le même entraîneur, Rabah Saâdane, qui dirigera les Verts au Mondial. La troisième est que Mohamed Raouraoua sera de la délégation qui se rendra en Coupe du monde avec une seule nuance : en 1986, il l'avait été en tant que chef de délégation alors qu'en 2010, il le sera en qualité de président de la Fédération algérienne de football. Compte tenu de toutes ces similitudes, peut-on dire que le contexte sera le même cet été en Afrique du Sud ? Assurément, non. Il y a eu des avancées dans des domaines et des reculs dans d'autres. Mohamed Raouraoua, en dirigeant avisé, est à même d'en tirer les leçons. Saâdane jouit du même statut : incontournable En 1985, Rabah Saâdane avait fait taire toutes les critiques au sortir de la campagne de qualification pour le Mondial-86. Au bout d'un parcours quasi parfait, les Verts ont gagné - et de quelle manière ! - le droit de participer pour la deuxième fois de suite à la Coupe du monde avec, en apothéose, une double victoire contre la Tunisie (1-4 à Tunis et 3-0 à Alger). C'était donc tout naturellement qu'il avait été maintenu pour conduire la sélection à la phase finale de la Coupe du monde au Mexique. En 2009, le même Saâdane a décroché le titre honorifique de «Cheikh» pour avoir ramené l'Algérie, après 24 d'absence, dans le concert des nations du football en qualifiant sa sélection pour un Mondial. La manière dramatique avec laquelle les choses se sont passées, avec de graves incidents attentatoires à l'honneur des Algériens au Caire et une résistance épique des Verts contre l'Egypte, que ce soit au Caire ou à Khartoum, a conféré un supplément de gloire à cet exploit, si bien que Saâdane se présente, avant ce Mondial, dans la même position d'il y a 24 ans à la même époque : incontournable. Des émigrés anonymes encore une fois appelés En mars 1986, l'Algérie avait participé à la phase finale de la Coupe d'Afrique des nations en Egypte. En dépit des attentes populaires légitimes nourries par une participation plus qu'honorable lors de la phase précédente (3e place à la CAN-84 en Côte d'Ivoire sans aucune défaite concédée) et un parcours brillant en éliminatoires de la Coupe du monde, les Verts sont sortis sans gloire au premier tour à Alexandrie. Du coup, les sanctions sportives sont tombées : des joueurs considérés comme des valeurs sûres sont écartés, notamment Ali Fergani, capitaine des Verts lors du Mondial-82 en Espagne, Ali Bencheikh et Hocine Yahi. Ils sont remplacés par des joueurs émigrés dont certains étaient jusque-là inconnus du public algérien, notamment Harkouk, et Ben Mabrouk. En 2010, l'Algérie a participé à la CAN avec, là aussi, beaucoup d'espoir chez les Algériens, à plus forte raison que les Verts ont écarté du Mondial le champion d'Afrique en titre : l'Egypte. Le parcours a été globalement positif avec une place de demi-finaliste que l'Algérie n'avait plus atteinte depuis 20 ans, en dépit d'une lourde défaite (avec, il est vrai, trois expulsions côté algérien) face à l'Egypte. Cela prédisait peu de changements dans l'effectif au Mondial, mais c'était compter sans une lourde défaite à domicile face à la Serbie en match amical (0-3) qui va pousser Saâdane à annoncer la mise à l'écart de certains joueurs, locaux dans leur majorité, et à prospecter en Europe pour ramener des émigrés, dont certains inconnus au bataillon, pour participer directement au Mondial. La supériorité du local s'est effritée Dans les années 80, le football algérien était à son apogée, avec une des fournées de bons joueurs formés au fil des années à travers un système de formation performant. De ce fait, les sélectionneurs avaient l'embarras du choix, si bien que les joueurs évoluant à l'étranger devaient cravacher dur pour gagner leur place, ce qui était loin d'être évident. Dans ces années 2000 que nous sommes en train de vivre, la formation en Algérie en quasi nulle, non pas parce qu'il n'y a plus de talents (il y en a toujours), mais à cause de la déficience du système de formation et de la cupidité des présidents de club qui préfèrent utiliser l'argent à payer royalement des seniors limités plutôt qu'à soutenir les jeunes joueurs. Au vu des grandes avancées qu'a connues le football africain, le football dans notre pays s'est retrouvé à la traîne. Il a fallu avoir recours à des joueurs émigrés formés en France et évoluant dans différents championnats à travers l'Europe pour constituer une sélection nationale performante. En 24 ans, la supériorité du joueur local s'est effritée au profit de celle du joueur émigré. Le 3 mars, un joker «grillé» Du fait que l'ossature de la sélection nationale en 1986 était constituée de joueurs évoluant en Algérie, il était loisible pour le sélectionneur d'organiser des regroupements à sa guise, ce qui lui donnait la possibilité de faire une préparation continue. Or, en 2010, non seulement la majorité des internationaux algériens évoluent à l'étranger, ce qui fait qu'on ne peut les réunir pour ses stages que lors des dates FIFA (dates auxquelles les sélections sont autorisées à convoquer leurs internationaux), mais il se trouve qu'il n'y a eu qu'une seule date FIFA au cours de la deuxième partie de la saison pour la préparation du Mondial : le 3 mars dernier. Difficile donc d'effectuer une préparation en profondeur pour la Coupe du monde, en effectuant, entre autres, un travail de prospection. Rabah Saâdane avait l'opportunité d'essayer de nouveaux joueurs à l'occasion de la rencontre amicale face à la Serbie, mais il a préféré compter sur le même groupe que lors de la CAN, à deux éléments près. Il a donc «grillé» un joker et devra compter sur le stage précompétitif de dix jours qui commencera le 18 mai pour faire des tests express et choisir définitivement les 23 joueurs qui représenteront l'Algérie en Afrique du Sud. Le laps pour la préparation est donc plus serré qu'en 1986. Raouraoua, l'assurance tout-risques Parmi les dirigeants qui avaient conduit la délégation algérienne au Mexique, figurait Mohamed Raouraoua. L'expérience mexicaine avait révélé de nombreux couacs, notamment l'existence de clans entre joueurs et d'une fronde de certains contre le sélectionneur, ainsi que des tensions au sujet des primes et des fugues nocturnes. Aujourd'hui, Raouraoua est président de la FAF. Pour sûr qu'il a tiré les leçons de la mauvaise expérience de 1986 et qu'il fera en sorte que les erreurs d'il y a 24 ans ne se reproduisent plus. Déjà, il a fait montre d'un grand sens de professionnalisme après les incidents du Caire en ramassant avec sang-froid toutes les preuves accablant la partie égyptienne. Si on y ajoute le fait que le fonctionnement de la sélection nationale répond désormais aux normes internationales et qu'il a pu, en pilotant deux projets de loi au niveau de la FIFA, à ramener vers l'Algérie des joueurs algériens qui avaient joué pour des sélections françaises de jeunes, on peut dire que Raouraoua a démontré qu'il a l'étoffe pour conduire les affaires du football algérien. Reste maintenant pour lui à relever le défi de mettre la sélection à l'abri des faux problèmes et à lui assurer le meilleur climat pour qu'elle puisse s'éclater durant le Mondial.