«Saâdane m'a frustré en m'écartant face à l'Irlande en 1986.» «Mezaïr a été injustement sanctionné.» Que pensez-vous de la décision prise par Saâdane de se contenter uniquement des gardiens de but locaux ? Je dois dire que Saâdane n'avait pas trop le choix. Il ne connaît pas ces gardiens de but émigrés, du fait qu'ils évoluent loin de ses yeux. S'il y a un poste où il ne faudrait pas prendre de risque, c'est bien sûr au niveau des bois. Donc, Saâdane n'a pas voulu s'aventurer en ramenant des gardiens de but dont il ne connaît pas encore la vraie valeur et la réaction envers la sélection. Il est logique de faire confiance à ceux qui sont déjà sur place. Vous parlez de Gaouaoui et Chaouchi ? Il n'y a pas de raison pour qu'on change de gardiens de but. D'ailleurs, j'ai pu suivre quelques séquences du match ESS-ASO et j'ai pu constater que Gaouaoui a repris du poil de la bête. C'est une bonne chose pour l'Equipe nationale. J'aurais bien aimé voir toute la rencontre pour juger les deux portiers, mais les occasions étaient toutes du côté de Sétif. J'ai pu remarquer des arrêts et un comportement formidables de Gaouaoui, et ce, en dépit du fait qu'il ait encaissé trois buts. Quel keeper local devra-t-on ajouter à ce duo ? La question ne devra pas être posée aujourd'hui, car pour désigner les trois gardiens de but, il fallait se lancer dans un travail de prospection dès la fin de la CAN, au lieu de se mettre à la recherche de gardiens de but de double nationalité pour finalement prendre la décision de se contenter des locaux. Il fallait donner la chance dès le début à ceux de notre championnat, afin de les motiver davantage. Y a-t-il d'autres noms que vous souhaiteriez voir en compagnie de Chaouchi et Gaouaoui ? Je pense qu'il faut prendre en considération plusieurs critères, tels que l'expérience, la forme, la stabilité dans les prestations. Pour le moment, j'ai un penchant pour le gardien de but de Béjaïa, Si Mohamed, qui est correct dans ses prestations. Vous l'avez vu face à la Libye lors du match retour ? Non, je n'ai pas vu ce match, mais c'est à travers des matchs du championnat que j'ai constaté qu'il est en forme. Je pense qu'il mérite d'aller au Mondial. Bon, ça reste juste un avis, car certains auront d'autres choix. A Oran, on parle de Benhamou qui a déjà l'expérience pour avoir déjà porté le maillot national… Une place en sélection, ça se mérite. Benhamou ou un autre, il faut mettre tous les gardiens sur un pied d'égalité et les juger par la suite. Il fallait les suivre dès la fin de la CAN. Malheureusement, au moment où les équipes qualifiées au Mondial supervisent leurs adversaires, la nôtre est en train de prospecter les joueurs et ce, à quelques semaines du Mondial. C'est grave de ne pas encore avoir désigné les cadres de l'équipe et le gardien numéro un. Faudrait-il dès maintenant dégager le gardien numéro un ? Oui, bien sûr. Il fallait le choisir depuis longtemps et le suivre minutieusement sur tous les plans. Il faut préparer sur le plan psychologique celui qui jouera la Coupe du monde. C'est très important pour un gardien de savoir qu'il va jouer le Mondial. Qui, selon vous, mérite d'être le numéro un actuellement ? Personnellement, je vois Gaouaoui pour plusieurs raisons. La première, c'est qu'il dispose d'une expérience très riche avec la sélection nationale. Il est très serein. La preuve, il a réussi à retrouver son niveau très rapidement. Il faut le désigner numéro un tout de suite, pour lui permettre d'être rassuré dans sa tête. Je pense qu'il rempli tous les critères pour cela. Il peut aussi, vu son âge, assumer sur tous les plans ce titre de numéro 1. Je ne vois pas Gaouaoui faire la grosse tête, si on lui ditsai qu'il sera le titulaire en Afrique de Sud. Au contraire, il a se concentrera au maximum. Est-ce que Saâdane l'a fait avec vous lors du Mondial mexicain ? Malheureusement, non ! C'était d'ailleurs une grosse erreur. J'ai joué tous les matchs des éliminatoires et même amicaux pour finalement me retrouver sur le banc lors du premier match contre l'Irlande. Ce n'est pas moi seulement qui étais choqué. Tous mes coéquipiers étaient surpris la veille du match en apprenant que je n'allais pas figurer parmi le onze rentrant. Pour l'entraîneur, il fallait un gardien de but qui assure ses sorties aériennes face aux Irlandais qui usent de longues balles, alors que tout le monde savait que les sorties étaient mon point fort. Je pense que certaines personnes ont fait changer d'avis à Saâdane la veille du match. Avouez que vous avez pris part ensuite à ce match contre le Brésil avec un esprit revanchard… Oui, je ne le cache pas ! Car j'étais vraiment frustré de n'avoir pas joué contre l'Irlande, alors que moralement j'étais le gardien de but numéro un. C'est pourquoi j'ai décidé de donner le meilleur de moi-même contre la Seleçao. Saâdane devra retenir la leçon, car parmi les erreurs du Mondial mexicain qu'on n'a pas su gérer est cette histoire de suprématie dans les bois. Il doit non seulement dégager le gardien de but titulaire mais aussi les joueurs qui formeront l'ossature de l'équipe. Sincèrement avec tout ce qui arrive à nos joueurs professionnels, le sélectionneur aura du mal à composer son équipe type au Mondial. Mais Saâdane affirme qu'il comptera sur les professionnels, même s'ils ne jouent pas souvent avec leur club… Je vois mal comment considérer un joueur comme étant un cadre, alors qu'il ne joue même pas avec son équipe. Il fallait revoir certaines choses bien avant. Malheureusement, notre erreur a été d'avoir ignoré notre championnat, alors qu'il devait nous sortir au moins quelques éléments susceptibles d'apporter quelque chose au Mondial. Voir une équipe nationale sans le moindre joueur local est vraiment grave. Mais aucun joueur n'arrive à émerger du lot… Donc, il faut avouer qu'on s'est qualifiés grâce à un concours de circonstances au Mondial. On n'était pas prêts à aller à la Coupe du monde. Il faut toujours revenir sur le passé. A l'époque, les cadres de l'EN étaient essentiellement des joueurs locaux parce qu'on avait un championnat crédible. Malheureusement, cette fois-ci, on est partis sur de fausses bases, car la majorité des joueurs sur lesquels on comptera au Mondial ne jouent pas souvent. Ne pensez-vous pas que le stage de Crans-Montana sera suffisant pour remédier à certains problèmes ? Au début de ce stage, il est certain qu'on se retrouvera avec des éléments en méforme. Nous allons avoir un groupe de joueurs qui seront probablement fatigués, alors que d'autres seront en manque de compétition. D'autres encore qui ne jouent même pas et un groupe d'éléments. J'ignore comment le coach s'y prendra lors de ces deux semaines de stage en Suisse. Vous êtes en train de montrer des signes de pessimisme… J'avais déjà dit auparavant que je n'étais pas optimiste pour la représentation de l'Algérie au Mondial. On s'est qualifiés et au lieu de se pencher sur les choses sérieuses, on continue à bricoler. Je trouve que le grand gâchis a été de sacrifier notre championnat. S'il n'y a aucun joueur local de champ, c'est parce qu'on n'a rien fait pour élever le niveau de notre championnat. Le joueur local est victime d'un système plutôt défavorable. Mais les grands techniciens étrangers ne cessent pas de tarir d'éloges sur cette Equipe nationale pensant à l'unanimité que la sélection algérienne a les moyens de franchir ce premier tour… Ils veulent surtout nous faire endormir sur nos lauriers, notamment lorsque j'entends Capello dire que la sélection algérienne est très forte. C'est une guerre à laquelle il faut se montrer prudent. Toutefois, on sait tous que notre mission ne sera guère facile en Afrique du Sud. C'est dire qu'il ne faudra pas tenir compte des déclarations faites çà et là. Pour conclure, que pensez-vous de la suspension de Mezaïr ? Je n'ai pas eu l'occasion de lire ce qu'il a rapporté dans votre journal, mais je suis contre l'idée qu'on suspende n'importe qui pour avoir dit ce qu'il pense. Nous sommes dans un pays démocratique et je suis fier d'en faire partie. La liberté d'expression n'est pas un vain mot chez nous. Donc, à partir de ce principe, je pense que Mezaïr a été lésé par ceux qui ont décidé de le suspendre de la sorte.