«Je pense que c'est contre la Côte d'Ivoire, lors de notre entrée en lice, que tout va se jouer pour nous. Si on bat les Ivoiriens, nos chances de qualification seront très grandes» En décembre 2009, lorsque le hasard a décidé de la composition des poules de la Coupe du monde 2010 en Afrique du Sud à l'occasion de la belle cérémonie organisée au Cap, toute la famille du football a vécu l'un de ses moments avec le tirage du groupe G. L'éternel favori brésilien s'est retrouvé flanqué de la puissante Côte d'Ivoire, de l'énigmatique RDP de Corée et du Portugal, un adversaire de longue date avec lequel il entretient des liens historiques. Très vite, observateurs et fans se sont remémorés les duels récents entre les deux géants lusophones et ont pensé aux nombreux footballeurs nés au Brésil qui ont porté le maillot rouge du Portugal. Ces péripéties n'ont rien de nouveau pour Anderson Luís de Souza, dit Deco, lui qui a toujours été tiraillé entre les deux pays. Né à São Bernardo do Campo, au Brésil, le milieu créateur a rejoint le football lusitanien en 1997, à 20 ans, et ne l'a plus quitté jusqu'en 2004. En mars 2003, sa première convocation par son compatriote Luiz Felipe Scolari en équipe du Portugal a déclenché la polémique. Pour corser l'affaire, il s'agissait d'un match amical contre… le Brésil. Tout cela n'a pas eu l'air d'émouvoir le joueur, qui est entré en cours de jeu pour donner la victoire 2 à 1 aux Portugais. Après ce baptême du feu, il a été titulaire lors de deux autres chocs entre les cousins. D'abord, en février 2007 à Londres, lors d'un autre succès portugais (2-0) qui constituait la première défaite de Dunga à la tête des Verdeamarelhos. Ensuite, à l'occasion de la lourde défaite lusitanienne (6-2) en novembre 2008. Bref, le 25 juin prochain, quand sonnera le coup d'envoi de ce duel de clôture du Groupe G, Deco saura déjà comment maîtriser ses émotions. Deco, vous étiez sur le terrain il y a quatre ans, lors de la quatrième place décrochée en Allemagne en 2006. Quel souvenir gardez-vous de cette compétition ? Une Coupe du monde, c'est quelque chose d'incomparable. C'est le summum dans le football de sélections. En Allemagne, j'avais fait de bons matchs, mais ça n'avait pas été facile. Je m'étais blessé peu après le début de la compétition et je n'avais jamais retrouvé mon meilleur niveau. Je sais que j'aurais fait bien mieux, si j'avais été épargné par les blessures. Cependant, je me rappelle que nous avons fait un excellent tournoi. Nous avions bien joué en demi-finales et nous nous étions inclinés contre la France sur des détails. Ils avaient réussi à marquer en premier et ça nous avait privés d'une place en finale. Mais globalement, c'était une Coupe du monde réussie. Quelles sont les principales différences entre l'équipe du Portugal 2006 et celle qui va disputer le Mondial 2010, notamment avec le changement de sélectionneur, Luiz Felipe Scolari étant remplacé par Carlos Queiroz ? Nombre de joueurs présents en Allemagne ne font plus partie de l'équipe. C'est pourquoi nous irons en Afrique du Sud avec beaucoup de débutants qui vont découvrir le rendez-vous mondial. Je pense que nous avons de belles qualités, mais nous n'avons pas l'expérience que nous avions en 2006. Sur le banc, c'est un peu la même chose. Felipe avait déjà remporté une Coupe du monde à la tête du Brésil et dirigé le Portugal à l'Euro 2004, alors que Queiroz va disputer sa première grande compétition en tant que sélectionneur. C'est un excellent entraîneur qui aura sous sa houlette un groupe de joueurs très talentueux. C'est pourquoi je suis convaincu que nous avons toutes les cartes en main pour réussir un bon parcours. Considérez-vous le Portugal comme l'un des favoris ? Non, parce que pour être favori à ce niveau, il faut avoir une histoire derrière soi. Le Portugal n'a pas d'histoire en Coupe du monde et il ne l'a jamais gagnée. Par conséquent, on ne peut pas le considérer comme un favori. Néanmoins, on a une équipe pleine de qualités et plusieurs grands joueurs, donc je pense qu'on peut aller loin. Mais favoris, on ne l'est pas. Qu'est-ce qui manque alors au Portugal pour décrocher la timbale ? Ce n'est pas facile de gagner une Coupe du monde. Ils sont très peu de pays à l'avoir remportée et ce n'est pas pour rien. Il y a beaucoup de grandes équipes qui n'ont jamais triomphé en Coupe du monde, parce que très souvent ça se joue à des détails. Parfois, avec un peu de réussite aux moments décisifs, ça peut suffire à aller loin. Je ne sais pas pourquoi, mais c'est difficile d'aller au bout. Que ce soit au Real Madrid ou en équipe du Portugal, on entend beaucoup parler d'une dépendance à l'égard des inspirations de Cristiano Ronaldo. Qu'en pensez-vous ? Nous avons gagné plusieurs matchs sans Cristiano Ronaldo, comme nous en avons gagné avec lui. Aujourd'hui, aucune grande équipe ne dépend d'un seul joueur, ce n'est plus possible. Regardez Manchester United qui marche très bien malgré le départ de Ronaldo. Et le Real n'a pas arrêté de gagner pendant son absence, pas plus que le Portugal. Les grands joueurs sont très utiles, c'est un fait, mais l'équipe du Portugal ne dépend pas de lui à 100 %. C'est naturel que les clubs aient envie de disposer des meilleurs joueurs et c'est vrai qu'ils sont nécessaires. Par conséquent, je vous confirme qu'il nous fait le plus grand bien, mais on ne peut pas parler de dépendance. Ce Brésil-Portugal est marqué par toute une série d'histoires sur les joueurs naturalisés. Vous qui avez pu affronter le Brésil à trois reprises, pensez-vous que cette expérience puisse vous aider ? C'est une expérience intéressante, c'est certain, mais on ne peut pas confondre un match amical et une rencontre de Coupe du monde. C'est positif d'avoir pu jouer ces matchs et de savoir ce que ça fait de jouer contre le Brésil. Mais en Coupe du monde, c'est une autre histoire. Dans tous les cas, je ne nourris aucun sentiment négatif, bien au contraire. Je suis Brésilien, j'ai demandé la naturalisation parce que j'avais déjà vécu de longues années au Portugal et j'avais toujours été très bien traité. En fin de compte, il s'agit surtout d'un grand match. Pour tout vous dire, je pense que c'est contre la Côte d'Ivoire, lors de notre entrée en lice, que tout va se jouer pour nous. Si on bat les Ivoiriens, nos chances de qualification seront très grandes. Quant au perdant, quel qu'il soit, il aura énormément de mal à passer la première phase. En huitièmes de finale, les équipes du Groupe G pourraient affronter l'Espagne. Êtes-vous préoccupés par la possibilité de disputer autant de grands matchs en si peu de temps ? Je n'ai jamais peur de jouer un match, quel que soit l'adversaire. Si on doit jouer un match, on le fera. Si on va en Coupe du monde en se posant des questions, il vaut mieux rester à la maison. Qu'avez-vous prévu de faire une fois que vous aurez raccroché les crampons ? Un retour au Brésil ? Ou bien est-ce au Portugal que vous voulez rentrer ? Moi, je veux rentrer au Brésil pour des raisons personnelles. Parce que j'y ai toute ma famille et parce que, finalement, ça fait déjà 13 ans que je suis en Europe. J'ai une maison à Porto et beaucoup d'affection pour le Portugal et en particulier pour la ville, mais je suis né au Brésil et c'est là-bas que se trouvent mes racines. En plus, mon projet social Instituto Deco est installé là-bas, à Indaiatuba. Je veux rentrer et c'est ce qui va se passer à la fin de mon contrat avec Chelsea, en 2011. Et si jamais je suis encore en forme pour aider une équipe brésilienne, je n'hésiterai pas à chausser les crampons.