«Ce sera difficile de contrer un joueur de la trempe de Cristiano Ronaldo, mais on a une idée pour y parvenir». «Il n'y a que les montagnes qui ne se rencontrent pas», dit un adage bien de chez nous. Cela s'applique parfaitement aux Algériens et aux Ivoiriens. Principaux acteurs du plus beau match de la dernière CAN, les Verts et les Eléphants se retrouvent en Suisse à 100 kilomètres les uns des autres. Il faisait inhabituellement chaud lorsque nous avons pris la route de Montreux où Sven Goran Eriksson, l'un des entraîneurs les plus titrés d'Europe, prépare depuis trois jours la sélection ivoirienne à la Coupe du monde. Le Monaco suisse Chaleur printanière, hôtels de luxe, casinos et surtout une longue promenade fleurie au bord du lac Léman nous ont rappelé la Principauté de Monaco, la ville fréquentée par la jet-set de tous bords. Montreux aussi peut être qualifiée de ville de riches avec ses luxueux hôtels, des bagnoles à vous couper le souffle et une population visiblement snob. Montreux, c'est aussi la ville du jazz puisqu'elle abrite chaque année le festival de cette musique américaine née au début du XXe siècle. Parmi les hôtels luxueux, le Plaza quartier général des Eléphants de Côte d'Ivoire. «Je fais ma prière et je reviens» Une fois à l'hôtel, nous avons été orientés vers le manager général de la sélection, M. Kaba Koné. En longue discussion dans le hall de l'hôtel avec le représentant de Puma et le sélectionneur suédois Sven-Goran Eriksson, M. Koné nous a demandé de patienter, comme pour nous faire languir. Après une bonne demi-heure de discussion, il nous a d'abord informés que tous les joueurs que nous voulions rencontrer n'avaient pas encore rejoint le stage. «Pour Eriksson, attendez que j'aille faire la prière du vendredi dans ma chambre et je serai à vous.» «Je vous accorde deux minutes, pas plus» Au moment où Kaba Koné s'est engouffré dans l'ascenseur, Eriksson a rejoint Anders Lundqvis, un journaliste suédois qui suivra toute la préparation et la phase finale de la Coupe du monde en compagnie des Eléphants, mais aussi et surtout de son compatriote entraîneur de Côte d'Ivoire. Sans doute usé par les questions de notre confrère suédois, Sven-Goran Eriksson a fait la moue lorsque nous lui avions carrément barré la route de l'ascenseur afin de le solliciter pour une interview de quelques questions, sans attendre l'autorisation de M. Koné. «Vous savez, je n'ai pas beaucoup de temps, je vous accorde deux minutes, pas plus», nous a dit ce parfait polyglotte qui passait de l'anglais à l'espagnol sans aucun problème. Les deux minutes se sont finalement prolongées jusqu'à en faire l'interview que voici. Sven-Goran Eriksson «L'Algérie a une chance réelle de passer au second tour» Monsieur Eriksson, que savez-vous du football algérien actuel ? Je sais d'abord et surtout que l'Algérie est qualifiée pour la Coupe du monde et qu'elle l'a fait de la plus belle des manières. J'ai vu les joueurs jouer et je peux vous assurer qu'ils pratiquent un très beau football. Lequel vous a marqué le plus ? Malheureusement, je n'ai pas en tête les noms des joueurs, mais je reconnais qu'il y en a beaucoup qui jouent très bien au ballon. Je sais qu'il y en a parmi eux qui évoluent dans le championnat d'Angleterre, comme… euh… Belhadj ? Oui, celui qui joue à Portsmouth ! C'est un très bon joueur. Mais il n'y a pas que lui qui joue bien. Vous avez réellement une bonne équipe, avec de bons joueurs. Ce n'est pas par hasard qu'on se qualifie pour la Coupe du monde. L'équipe est passée par des éliminatoires qui ont duré longtemps et le fait d'avoir réussi à se qualifier aux dépens de l'Egypte par exemple est, à mon sens, très respectable. En Coupe d'Afrique, l'Algérie s'est qualifiée en demi-finale aux dépens de la Côte d'Ivoire, votre équipe actuelle. Avez-vous vu ce match ? Oui, et je l'ai même revu lors de ma prise en main de la sélection ivoirienne. Ce fut un match musclé et plaisant. Vous les avez battus à la loyale, en pratiquant un bon football. Quelle analyse pourriez-vous faire de cette équipe d'Algérie, justement ? Je pense que c'est une équipe qui pratique d'abord un football moderne, très plaisant et assez solide devant comme derrière. L'Algérie possède aussi une équipe très organisée dans son ensemble et qui possède de bons joueurs, vraiment bons ! Vous qui avez eu par le passé à diriger la sélection d'Angleterre, un mot sur ce groupe composé des Anglais, Algériens, Américains et Slovènes ? Je pense que l'Angleterre est un cran au-dessus dans ce groupe. C'est logiquement le favori et les Anglais devraient décrocher la première place, car leurs ambitions sont très grandes cette fois dans ce Mondial. Ils n'ont pas le droit à l'erreur. Après, ça reste ouvert pour tous, avec un avantage pour l'Algérie et les USA. C'est en tout cas ce que je pense. Et la Slovénie dans cette histoire ? Vous connaissez cette équipe ? Oui, je connais bien l'équipe de Slovénie, mais je ne la vois pas inquiéter l'Algérie ou les USA pour la seconde place. Il suffit juste de jouer votre football et il n'y aura pas de souci pour vous. La Slovénie n'est donc pas aussi forte que l'Algérie ou les USA ? Nooon, je ne pense pas qu'elle va rivaliser avec vous. Je pense sincèrement que l'Algérie a une chance réelle de passer au second tour avec l'Angleterre. Je le pense et je vous le souhaite vraiment ! Comme je souhaite aussi que beaucoup d'équipes africaines puissent aller loin dans cette compétition que le continent africain accueille pour la première fois dans l'histoire de la Coupe du monde. Quel élément vous a motivé le plus pour accepter une aussi belle aventure à la tête des Eléphants ? (Il sourit). Je pense sincèrement que le challenge valait le coup d'être vécu. Et vous savez pour quelle raison principalement ? Tout simplement parce que la Côte d'Ivoire possède beaucoup de joueurs avec un immense talent. Ils sont exceptionnels et forcent l'admiration. C'est pour cette raison que la Côte d'Ivoire est devenue un challenge agréable à vivre et un défi à relever. Avec cette équipe et l'organisation du Mondial en terre africaine, je crois que c'est le moment parfait de réaliser quelque chose de très grand. Est-ce que Didier Drogba a été pour quelque chose dans votre venue en Côte d'Ivoire ? Non, pas du tout. J'ai discuté mon arrivée à la tête des Eléphants avec les responsables de la fédération, pas avec Drogba ou un autre joueur. J'ai répondu à la demande d'une structure d'un pays et non pas d'un joueur. Mais c'est vrai que la présence de tous les joueurs qui composent l'équipe est une source de motivation dans mon engagement. Il y a un bon coup à jouer avec cette équipe, et nous voulons le tenter à fond. Mais le moins que l'on puisse dire est que vous n'avez pas été gâté par le tirage au sort. Vous allez affronter la Corée du Nord, mais surtout le Brésil de Kaka et le Portugal de Cristiano Ronaldo ! Quelle mission difficile pour vous, non ? (Il rigole un moment). Nous sommes tombés dans un groupe plus difficile que celui de l'Algérie, n'est-ce pas ? Forcément ! Mais vous allez voir que nous ne nous laisserons pas faire du tout. Nous croyons en nos chances autant que nos adversaires. Nous jouerons notre football sans complexe et nous ferons tout pour imposer notre jeu. Lorsque vous vous adressez à vos joueurs au sujet du match contre le Brésil, par exemple, vous leur dites quoi au juste ? Attention, c'est le Brésil, ou alors vous leur dites, c'est le Brésil avec ses stars, mais vous aussi vous êtes la Côte d'Ivoire de Drogba, Touré et tous les autres… Vous savez, quand vous parlez du football brésilien, vous n'avez pas à tenir aux joueurs un long discours. Ils savent tous à qui ils ont affaire. C'est le Brésil, tout court. Mais nous restons persuadés que nous pouvons les battre avec ce qu'on a dans l'équipe. Nous n'avons vraiment aucun complexe dans ce sens. Nos joueurs sont tous habitués à jouer dans le haut niveau avec leurs clubs. C'est aussi une grande force qu'on a. Vous aurez aussi à en débattre avec un géant nommé Ronaldo ! Quelle tactique lui réservez-vous pour l'écraser ? Non, on ne fera rien pour l'écraser ! (Il sourit). Ronaldo est l'un des meilleurs joueurs actuels au monde et nous devons défendre très bien contre lui et son équipe. En fait, on se doit de bien défendre contre tous nos adversaires. Pas seulement le Brésil et le Portugal. Mais c'est vrai que ce ne sera pas facile de jouer contre des joueurs de la trempe de Ronaldo, Nani et les autres Portugais. Sachez par contre que nous saurons comment les jouer. Je suis persuadé que si on arrive à faire une bonne préparation, personne ne nous effraiera. Nous avons assez d'atouts pour déjouer n'importe quelle équipe. J'en suis persuadé. Et que dites-vous de la Corée du Nord ? Je ne parlerai jamais assez des Coréens. Mes joueurs doivent bien se mettre dans dans la tête qu'il s'agit d'un adversaire qui sera très bien préparé, avec beaucoup de matchs dans les jambes, et donc beaucoup de cohésion entre les joueurs. Ils sont très vivaces et bien organisés. Avec eux, ça va très vite et ils ont la condition physique pour cela. Alors méfions-nous d'eux. On vous sent méfiant, mais très optimiste également. Peut-on pousser cet optimisme jusqu'à dire que la Côte d'Ivoire pourra gagner la première Coupe du monde pour l'Afrique ? Vous savez, je dois rester rationnel dans ce projet de Coupe du monde. Car, pour l'instant, je n'ai sous ma coupe que 13 joueurs parmi les 30 que j'ai retenus pour ce stage à Montreux. Il nous manque encore 17 éléments qui vont nous rejoindre dans la semaine. Je n'ai pas encore fait d'évaluation sérieuse de mon équipe pour parler de cela. Revenez la semaine prochaine et là, je pourrai vous apporter des éléments de réponse… (Il sourit).