Tarek Dhiab : «Saâdane n'a pensé qu'à sa personne» Comment et sur quelles bases renouvelle-t-on le contrat d'un sélectionneur ou d'un entraîneur ? On dit sélectionneur ou entraîneur, car certains en font un débat pour savoir s'il y a une différence entre les deux. Mais à nos yeux, les deux n'en font qu'un, car la logique voudrait qu'avant d'être sélectionneur, il faut d'abord avoir été entraîneur. Mais bon, là n'est pas le sujet, essayons plutôt de répondre à la question ci-dessus pour savoir si Saâdane doit être maintenu ou non. C'est ce qui nous intéresse le plus, il s'agit quand même de l'Equipe nationale, de son avenir. «Un entraîneur doit être reconduit si ses bilans sont jugés positifs et s'il a atteint ses objectifs», répondent unanimement les techniciens que nous avons consultés. Comme cela se passe lors d'une assemblée générale où l'on débat d'abord des bilans moral et financier avant de procéder à la réélection du président et de son bureau. Intéressons-nous alors aux bilans du sélectionneur national qui ne ressemblent pas bien sûr à ceux d'une assemblée générale. Un sélectionneur est jugé d'abord sur les résultats obtenus, ses choix techniques et tactiques et ses capacités à pouvoir gérer un groupe. Ce sont normalement les principaux aspects qui doivent être passés au crible avant de décider si Saâdane doit être reconduit ou non, s'il a été compétent et s'il mérite qu'on lui confie de nouveau les Verts. ------------------------------------------------- Résultats techniques CAN 2010 Après une qualification héroïque à la CAN et la Coupe du monde, décrochée dans des circonstances très particulières qui ont nécessité la mobilisation de tout l'Etat algérien, de tout le peuple et de tous les supporters des Verts, un premier examen se présente devant Saâdane et son groupe en Angola. D'emblée, l'EN essuie un revers cinglant (3-0), face à un inconnu au bataillon, le Malawi. Une victoire tirée par les cheveux contre le Mali (1-0), sur une balle arrêtée et une tête d'un défenseur (Halliche), calme un peu les esprits par la suite. Un non match face à l'Angola (0-0) nous envoie heureusement en quarts. Avec un seul but marqué, l'Algérie passe aux dépens du Mali qui lui en a pourtant marqué sept. Les Verts sortent le grand jeu au deuxième tour face au favori, la Côte d'Ivoire, et l'emportent par trois buts à deux. Une forte impression, mais avec du recul, on aurait bien aimé que Bougherra rate l'égalisation dans le temps additionnel, juste pour éviter la raclée des Egyptiens en demi-finale (4-0). Et avant de rentrer à la maison, le Nigeria nous empêche de monter sur le podium (1-0). Bilan : six matchs, trois défaites, dont deux lourdes, deux victoires tirées par les cheveux et un nul dans un non match. Neuf buts encaissés contre quatre marqués. Matchs amicaux Pour préparer le Mondial, trois matchs amicaux étaient au menu des Verts. Une raclée contre la Serbie au 5-Juillet (3-0), une autre débâcle contre l'Irlande à Dublin (3-0) et une maigre victoire (1-0) contre les Emirats. Bilan : deux lourdes défaites et une victoire étriquée, six buts encaissés et un seul marqué sur penalty. Coupe du monde 2010 Bilan : deux défaites, (1-0) face à la Slovénie, (1-0) contre les Etats-Unis et un nul (0-0) face à l'Angleterre. Deux buts encaissés et zéro but marqué. Un petit point sur neuf possibles. ll Bilan général chiffré Douze matchs joués depuis le début de la CAN, sept défaites, trois victoires et deux nuls. 17 buts encaissés et 5 inscrits. Rabah Saâdane devrait normalement soumettre ce bilan au président de la fédération qui devrait à son tour le soumettre au conseil fédéral, si celui-ci existe, afin d'en débattre. Nous avons donc fait la même chose en présentant le même bilan à quelques présidents de club pour voir comment ils jugent un tel parcours, en matière de résultats techniques, quand il est fait par un entraîneur qu'ils ont nommé. La plupart d'entre eux n'ont pas voulu se mouiller. D'autres techniciens ont tenu à donner leur avis. --------------------------------------------------- Aspects technique et tactique Problèmes de coaching et incapacité de trouver des solutions Sortir de la CAN avec un cinglant 4 à 0, ce n'est jamais bon signe quand on est mondialiste. Et quitter la Coupe du monde au premier tour avec un bilan aussi maigre, dernier du groupe, zéro but marqué et un seul petit point dans son escarcelle devrait tous nous interpeller. Car cette équipe, si elle a été héroïque au cours des qualifications par son engagement et son état d'esprit, ses carences technique et tactique sautaient aux yeux. Dès qu'elle a été mise en examen sur ce plan, à la CAN et en Coupe du monde, dès qu'il fallait passer à autre chose, elle a montré toutes ses limites. Et c'est là où devaient intervenir le sélectionneur et son staff qui n'ont malheureusement pas su comment hisser le niveau de jeu de l'équipe, ni comment trouver les solutions aux différents problèmes rencontrés sur le terrain, comme face à l'Egypte en demi-finale de la CAN quand l'équipe prenait l'eau sans que Saâdane ne sache comment stopper l'hémorragie, ou encore face au Malawi où on a été incapable de contrer le jeu en mouvement des Eperviers. L'exemple le plus édifiant est sans doute le match contre la Slovénie en Coupe du monde, le seul peut-être où on avait de grandes chances de l'emporter, comme l'ont souligné de nombreux techniciens locaux et étrangers, mais on ne sait trop comment, ni pourquoi d'ailleurs, on est restés les bras croisés, ne sachant pas trop quoi faire face à une équipe qui a livré son plus mauvais match, mais qui a fini tout de même par nous battre. A cela s'ajoutent des problèmes de coaching que de nombreux spécialistes ont soulignés au cours de cette Coupe du monde, et les exemples ne manquent pas. Le jeu de l'EN, c'est du chinois Sur le plan du jeu, on a entendu plusieurs consultants, sur les plateaux des différentes chaînes de télé, dire lorsqu'ils décryptaient les matchs l'EN, que l'Algérie jouait avec un 3-5-2 qui se transformait en 4-4-2, parfois en 4-3-3, et on avait également lu ce genre de schémas un peu partout, des trucs parfois inédits dont on ne comprenait souvent rien. En fait, il n'y a rien eu de tout cela. Quand on voit l'Equipe nationale jouer, c'est un peu comme du chinois. On ne comprend pas vraiment ce qui se passe sur le terrain, ni au niveau de l'emplacement, ni au niveau de la stratégie. Tout ce qu'on voit, c'est une équipe qui défend, et qui défend encore, même lorsqu'elle est dans l'obligation de gagner, comme ce fut le cas face aux Etats-Unis. Depuis octobre 2007, date de l'installation de Saâdane à la barre technique, l'EN est jusqu'à ce jour à la recherche d'une identité sur le terrain. Une faible personnalité du sélectionneur Sur un autre chapitre, autrement plus important, celui de la gestion du groupe, Rabah Saâdane a encore une fois lâché du lest. Comme en 86, il n'a jamais su s'imposer comme le véritable patron, celui qui décide de tout. Il n'arrivait pas à avoir une large manœuvre dans ses choix en ce sens qu'il fallait souvent composer en fonction des désirs de certains éléments qui parvenaient à imposer les leurs. Et ce, sans parler des nombreux écarts disciplinaires sur lesquels Saâdane fermait les yeux, au point où ça a failli déborder à plusieurs reprises, n'étaient les innombrables interventions de Raouraoua pour remettre de l'ordre dans la maison. Nous avons été témoins de plusieurs dérapages, parfois graves, mais nous n'avons pas voulu les divulguer au public dans le souci de préserver la sérénité du groupe, dans l'intérêt de la sélection. Si après tout ce que nous venons d'énumérer, si après tous ces constats Saâdane est reconduit, cela voudrait dire que nous avons perdu toutes les notions du football. Personne ne peut exclure le mérite de Saâdane, mais … Si l'Algérie n'a pas gagné la CAN, si elle a été humiliée en demi-finale face à l'Egypte et si elle est passée à côté de son sujet en Coupe du monde, elle a en revanche gagné une équipe. Une équipe avec une volonté de fer, un état d'esprit solide et un amour indéniable pour les couleurs nationales. Une équipe qui aime les défis et qui ne recule devant rien. Mais surtout, une équipe avec une marge de progression très importante. Ce sont les principales qualités du groupe né des éliminatoires jumelées CAN/CM 2010, un groupe qui a fait rêver toute une nation et tout un peuple. On ne peut pas exclure le mérite de Saâdane dans tout ce qui a été fait, mais force est de constater qu'il doit céder la place à un autre. On ne peut plus se permettre de prendre d'autres risques. ----------------------------------------------- Kerbadj : «Il n'y a pas à dire, c'est un bilan négatif. Des résultats pareils en championnat, c'est le purgatoire direct» Medouar : «C'est à Raouraoua de le juger» Nouzaret : «C'est clair, le bilan chiffré est négatif» Benmabrouk : «Saâdane doit se retirer et laisser la place à un autre, c'est le moment» Fabbro : «Un nouvel entraîneur et vite» Tarek Dhiab : «Saâdane n'a pensé qu'à sa personne» Lakhdar Berriche (journaliste) : «Il ne faut pas mentir au peuple, c'est un bilan nul» Menad : «C'est un bilan mitigé» ------------------------------------------------ Saâdane a fait 2 Coupes du monde, pas 3 Certains continuent à dire que saâdane nous a qualifiés à trois Coupes du monde, et nous nous demandons s'ils connaissent l'histoire du football national, où s'ils font exprès de la déformer. Il est temps de rétablir la vérité, Rabah Saâdane n'a fait que deux Coupes du monde, 1986 et 2010, éliminatoires et phases finales. Le Mondial 82, c'est le Yougouslave Rajkov qui a fait toutes les éliminatoires avant d'être remercié et remplacé par un autre Yougouslave, Ciric, qui n'a dirigé à son tour qu'un seul match, Niger-Algérie (1,0)(retour). A l'aller, Rajkov avait gagné 4 à 0. Il ne restait alors qu'un seul tour, en aller-retour contre le Nigeria. C'était le Russe Rogov qui a été nommé pour emmener l'EN au Mondial, Maouche et Saâdane étaient ses adjoints. Ils démissionneront tous les deux après la qualification à Constantine suite à la nomination de Mahieddine Khalef à la place de Rogov. En résumé, Rajkov a fait toutes les qualifications, puis Rogov pour la double confrontation contre le Nigeria et la qualification en Espagne. Khalef et Mekhloufi ont pris par la suite le relais pendant la préparation et la phase finale. On ne voit donc pas comment ose-t-on citer Saâdane durant cette période faste du football algérien faut-il le préciser, sauf comme adjoint de Rogov lors des deux derniers matchs.