«Ne vous y méprenez pas, l'adversaire est très coriace !» Qu'on se le dise : le match de demain s'annonce difficile et ardu. C'est que ce n'est pas n'importe quel adversaire qui sera en face. C'est la Tanzanie, voyons ! Une équipe dont il faut se méfier comme de l'Espagne, tellement elle peut être dangereuse. C'est, du moins, l'avais du sélectionneur, Rabah Saâdane, qui ne cesse de mettre en garde, dans ses différentes déclarations, contre la sélection tanzanienne, la présentant comme une formation dangereuse, capable de bousculer les Verts. 111e Mondial et ça fait peur ! Y a-t-il donc tellement à craindre d'une sélection qui, au dernier classement officiel de la FIFA, occupe la 111e place, loin derrière l'Algérie qui pointe à la 33e place ? Logiquement, non, répondront les observateurs avisés. Une équipe mondialiste, demi-finaliste de la CAN, ne devrait rien craindre d'une autre qui ne connaît sans doute même pas à quoi ressemble l'ambiance d'une phase finale de Coupe d'Afrique des nations. Il suffit donc juste de jouer avec sérieux et rigueur, sans sous-estimer l'adversaire, pour l'emporter aisément. Pour une sélection respectable comme celle de l'Algérie, ça ne devrait même constituer qu'une simple formalité. «Ne vous y méprenez pas, l'adversaire est très coriace !» Or, Rabah Saâdane ne cesse de répéter que ce sera un match difficile. Passe encore qu'il tienne ce discours dans le vestiaire, à l'adresse de ses joueurs, pour qu'ils ne négligent pas l'adversaire et qu'ils se donnent à fond. Mais qu'il répète cela à chaque sortie médiatique, c'est aussi surprenant qu'intrigant. Surprenant parce que la Tanzanie est loin d'être un foudre de guerre pour lequel il faudrait sonner la mobilisation générale. Intriguant car les alertes que fait le sélectionneur national sur les adversaires des Verts sont récurrentes. Quel que soit celui qui est en face, sa force est amplifiée, parfois exagérément. Cela peut se résumer à ce mot d'ordre : «Ne vous y méprenez pas, l'adversaire est très coriace !» Ils le sont tous, à croire Rabah Saâdane, même ceux qui sont à la traîne dans le classement FIFA. Parfois même, le degré de l'alerte est inversement proportionnel à l'envergue réelle de l'adversaire. Le Rwanda, le Liberia et le Malawi avaient aussi était gonflés Les exemples en la matière foisonnent. Avant de se déplacer à Kigali pour affronter le Rwanda, il y a presque 18 mois, Saâdane n'avait eu de cesse de mettre en garde contre cet adversaire qui, avait-il insisté, avait battu le Maroc. Cela l'avait même amené à user d'une tactique plutôt défensive à Kigali, alors qu'il s'est révélé à la fin de la rencontre que l'adversaire était réellement prenable. D'ailleurs, avec du recul, il faut dire que c'est ce nul qui a failli nous coûter la qualification en Coupe du monde. Bien avant, lors de la première phase des qualifications, le Liberia avait été présenté comme un foudre de guerre alors qu'en vérité, c'était un pays laminé par la guerre civile et juste présent dans la compétition pour une participation symbolique. Même le Malawi avait été présenté comme un grand d'Afrique. Certes, les Verts ont été balayés par cette équipe, mais cela restera sans doute le seul fait d'armes de l'histoire du football malawite qui, en l'occurrence, n'avait fait que profiter d'une préparation hasardeuse de ce match de la part des Algériens. Eloigner le mauvais œil ou préparer un faux pas ? On ne trouve pas d'explication rationnelle à cette attitude. Peut-être que gonfler la baudruche de ses adversaires est une manière, pour le sélectionneur national, d'éloigner le mauvais œil. Quand on préfère revenir à Blida, petit stade qui n'offre ni la même capacité d'accueil du 5-Juillet ni les mêmes garanties en matière de sécurité, juste parce que c'est un stade qui «porte-bonheur», la superstition peut amener à des attitudes irrationnelles. Autre explication plausible : le soin de préparer l'opinion publique à un éventuel mauvais résultat en assimilant l'adversaire à un «bourourou» capable de perturber notre quiétude. Il est plus facile, en effet, aux supporters d'accepter un faux pas quand on lui fait croire que c'est le petit frère du Brésil qui est en face. Ça ne coûte que quelques phrases médiatisées à outrance et ça peut rapporter gros : la paix à travers la neutralisation des critiques. Défaitisme, dites-vous ? On n'oserait avancer ce vocable que Saâdane rejette et dont il se défend. Sauf que la langue française, elle, ne croit ni au mauvais œil ni au conditionnement des foules…