Comme Halliche, les talents locaux doivent aller en Europe pour rivaliser avec les pros. En trois ans et demi, la carrière de Rafik Halliche, joueur né et formé en Algérie, a connu de multiples bonds. D'abord, un transfert de son club formateur, le NA Hussein Dey, vers l'un des plus grands clubs d'Europe, le Benfica Lisbonne, ce qui lui a permis, à travers un prêt, d'évoluer dans le championnat portugais. Ensuite, une convocation en sélection nationale, suivie d'une titularisation précoce dans une équipe où ce n'était pas facile de se frayer une place. Cela s'est poursuivi par une participation à la Coupe d'Afrique des nations et à la Coupe du monde. Puis, il y a eu ce transfert à Fulham qui lui permet de jouer dans le championnat anglais, le plus prestigieux au monde. Cela rassure au moins sur un point : les joueurs locaux ne sont pas tous des cas désespérés. Il y a –et il y a toujours eu- des talents prometteurs, à la seule différence que Halliche, lui, a su partir en Europe au moment où il le fallait. Pourquoi ne serait-ce pas le cas pour les autres grands espoirs du football algérien ? C'est la question qui taraude certainement les esprits de beaucoup de gens. Ce n'est pas normal que des joueurs potentiellement doués soient confinés dans un championnat national où la médiocrité s'est érigée en règle de conduite, nonobstant quelques exceptions ponctuelles, comme la campagne de la JSK en Ligue des champions. Ce serait un crime contre le football algérien que de ne pas offrir à ces jeunes l'opportunité de développer leur don, surtout que c'est le football algérien qui y gagnerait au final. Saïb, Tasfaout et Saïfi avaient montré l'exemple Parmi la génération passée, trois joueurs algériens au moins n'auraient pas eu la carrière qu'ils ont eue s'ils n'avaient pas eu l'audace de franchir le pas et d'aller progresser en France : Moussa Saïb, Abdelhafid Tasfaout et Rafik Saïfi. Lorsqu'ils avaient décidé de partir, ils étaient des stars dans leur pays. Ils auraient pu rester peinards chez eux et gérer une carrière pépère. Ils ne l'ont pas fait car, pour eux, une carrière ne serait aboutie sans des titres et une reconnaissance au niveau international. Rabah Madjer a eu, lui, une carrière de premier plan, devenant une icône mondiale, mais lui a eu un destin exceptionnel : il était parti en Europe en étant déjà un joueur accompli parce qu'à son époque, le système de formation en Algérie était performant. Or, maintenant que les présidents de club donnent plus d'importance aux seniors en les abreuvant de sacs d'argent, en-veux-tu, en-voilà, envoyer les jeunes talents vers des clubs où ils pourraient bénéficier de l'attention nécessaire à leur épanouissement sportif est plus qu'une nécessité. Que les présidents de club arrêtent de se montrer cupides ! Pour ce faire, deux conditions doivent être remplies. En premier lieu, il faut que les présidents de club jouent le jeu en libérant leurs jeunes joueurs sans exiger un montant exagéré. Aucun président de club n'a investi beaucoup d'argent sur un jeune (il y a des clubs où les jeunes catégories prennent le taxi pour leurs déplacements de match !) et ce serait malhonnête, voire même cupide, de demander des milliards pour lui d'un club qui solliciterait ses services. Or, certains présidents ont l'outrecuidance d'exiger des centaines de milliers d'euros pour des jeunes qui ont encore tout à prouver sous le prétexte fallacieux de ne «pas brader un joueur algérien». Moussa Saïb, qui a remporté des titres nationaux et continentaux, avait été transféré à l'époque vers l'AJ Auxerre pour moins de 40 000 euros sans que personne ne crie au scandale. En contrepartie, l'Algérie a gagné, quelques années plus tard, un joueur encore plus performant et une certaine notoriété pour son championnat. Pourquoi exiger plus aujourd'hui pour des jeunes, certes talentueux, mais qui n'ont même pas gagné de titre africain ? Pourquoi vendre des joueurs à des clubs des pays du Golfe où ils ne gagneraient rien du point de vue sportif (certains y ont même régressé) ? Question aux présidents qui ne savent que compter leurs sous plutôt que de songer à l'intérêt national. Les jeunes se voient des stars alors qu'ils ne sont rien L'autre condition est que les jeunes joueurs en question changent de mentalité et comprennent que, tous rois qu'ils semblent être dans leurs clubs, ils ne sont encore rien dans le football international. Ils doivent avoir l'humilité de vouloir apprendre et progresser et non croire qu'ils sont parvenus juste parce qu'ils ont eu droit à un poster dans un journal ou parce que les supporters scandent leurs noms. Le passage par une période d'adaptation aux exigences du football professionnel (le vrai, pas le bricolage de chez nous) est obligatoire et doit être accepté et considéré comme une étape avant la révélation au plus haut niveau. Tant qu'un jeune croira –et croira ceux qui lui font croire- qu'il est arrivé et déjà un «grand joueur», il ne réussira pas. Les exemples de stars en argile foisonnent. Les faux agents imposent leur diktat pour la «tchipa» A cette situation, il faut ajouter le diktat imposé par des agents de joueurs, vrai ou faux, aux jeunes à qui ils promettent monts et merveilles, s'ils les suivaient les yeux fermés. Certains pseudo-agents (ils n'ont même pas la licence FIFA) ont un seul souci : faire signer leurs joueurs chez le plus offrant, même si c'est un club de bas étage, afin d'encaisser une bonne «tchipa». Ce sont de telles personnes qui empêchent les jeunes de faire le choix qu'il faut, celui qui leur permettrait d'évoluer et de s'épanouir sportivement, même en contrepartie d'un faible montant au départ. S'il y a beaucoup de jeunes talents qui sont restées «enterrés» en Algérie, c'est bien à cause de ces «agents» véreux pour qui leur départ vers l'étranger n'est pas dans leur intérêt. Cela dit, ces joueurs ont aussi leur responsabilité puisque beaucoup d'entre eux font de l'enrichissement rapide un idéal. Halliche a su rivaliser avec les pros parce qu'il s'est frotté à leur école Alors, un appel aux dirigeants des clubs et, surtout, aux responsables du football algérien : laissez partir les quelques talents prometteurs qui émergent dans le championnat national ! Il ne s'agit pas de laisser partir tout le monde. On parle bien des jeunes très doués, qui peuvent devenir de très bons joueurs s'ils passent à un niveau supérieur. Pour le bien du football algérien, pour l'intérêt de la sélection nationale qui a retrouvé sa place dans le gotha africain et qui a besoin, pour s'y maintenir le plus longtemps face à une rude concurrence nourrie par la progression de toutes les sélections africaines, d'avoir à sa disposition d'éléments de niveau international. De plus, pour pouvoir rivaliser avec les joueurs professionnels algériens formés en Europe, qui ont l'avantage, souvent décisif, d'avoir acquis une culture tactique et une très bonne base physique, nos jeunes locaux doivent se frotter à la même école. Si les Verts ont su tirer profit d'un joueur comme Rafik Halliche, l'une des satisfactions individuelles de la participation de l'Algérie au Mondial, c'est parce que l'ancien joueur du NAHD a eu la bonne idée d'aller se bonifier en Europe. C'est une leçon à tirer.