«Ma montée sur une selle de cheval à Bouakeul reste mon plus beau souvenir» Deux ans après la descente du Mouloudia d'Oran en Division 2, une autre terrible nouvelle vient de s'abattre sur les Oranais. Il s'agit du décès de l'emblématique président du club, Kacem Elimam. C'est à l'âge de 71 ans et quelques mois que le mentor des Hamraoua vient de rendre l'âme à l'hôpital d'Oran après une maladie de plusieurs semaines. Quoi que l'on puisse dire, Elimam a su comment marquer de son empreinte le football algérien suite à ses passages répétés au Mouloudia d'Oran. Il a, par son charisme et son caractère propre à lui, volé la vedette à toute le monde à Oran, même aux gens de la politique. Par ses décisions kamikazes, son franc-parler et ses sorties médiatiques, le célèbre patron du plus prestigieux club de l'Oranie est devenu durant les 40 années de gestion au Mouloudia l'icône des citoyens de la ville d'Oran. Le désormais ex-doyen des présidents de l'Algérie ne nous a pas quittés les mains vides puisqu'il est considéré comme le dirigeant le plus titré du Mouloudia d'Oran. Tout a commencé en 1969. A 30 ans, il crée le comité de supporters du Mouloudia qu'il présida pendant quatre ans. Il a grandement participé à la première consécration dans l'histoire du Mouloudia d'Oran avec ce titre de champion en 1971 sous l'ère de l'entraîneur portugais, Carlos Gomès. Quatre ans plus tard, Elimam a goûté à un autre trophée, celui de la Coupe d'Algérie en 1975, lorsque les Hamraoua ont battu le MO Constantine en finale, alors qu'il était fraîchement installé comme directeur sportif de l'équipe. Deux ans plus tard, il a eu un rôle important dans le contrat signé par le Mouloudia d'Oran avec la firme pétrolière Sonatrach lors du passage du football algérien à la réforme en 1977. Obligé de quitter le haut de la scène footballistique, Elimam ne s'est jamais éloigné du club durant les années 80 où il s'est occupé de la présidence de section. Il a fallu attendre le début des années 90 pour qu'il revienne encore une fois aux affaires du club. Cette fois, Elimam est devenu, pour la première fois de son histoire, président du club du Mouloudia d'Oran. Très expérimenté, il a mis en place à partir de l'année 1995 la meilleure équipe d'Algérie. Avec les Meçabih, Boukessassa, Meziane, Benzerga, Gaïd, Goual, Cherif El Ouazzani, Belatoui, Zerrouki, Haddou, Raho, Benabdallah, Acimi, Saoula, les Hamraoua terrassaient tout le monde à leur passage. Si sur le plan national, le bilan des Oranais était maigre avec cette consécration en Coupe d'Algérie en 1996 et un trophée de la Ligue durant la même saison, le Mouloudia d'Oran a été le premier club en Algérie à avoir raflé la Coupe arabe. C'était en 1997 à Al Ismailya lorsque les poulains de Mansour Hadj ont dominé le Chabab d'Arabie Saoudite en finale. Devenus les rois arabes, les Hamraoua ont ajouté deux autres trophées, à Beyrouth, une année plus tard, puis à Damas où le Mouloudia a gagné la Supercoupe arabe. Prié de se retirer du monde du football en 2000 avec le retour de Djebbari, on croyait que l'heure de la retraite a sonné pour Kacem Elimam mais la vox populi a pu le convaincre de retourner au Mouloudia suite à la descente historique du club en Division 2. L'AG élective qui s'est déroulée en mois de juillet 2008 a voté à l'unanimité pour le retour du «Pompier». Après une terrible année passée dans l'enfer de la Division 2, Elimam a réussi à remettre le club à sa vraie place, celle des grands, aidé dans sa tâche par le coach Omar Belatoui. Cette accession en élite a été la cerise sur le gâteau pour le vieux président du Mouloudia qui a tenu à faire passer le Mouloudia d'Oran de club amateur au professionnalisme. Même sur son lit d'hôpital, Elimam suivait avec beaucoup de curiosité les démarches effectuées par ses proches collaborateurs. Il a été soulagé et heureux au moment où le dossier du Mouloudia a été accepté par la FAF pour pouvoir ainsi quitter en apothéose la scène footballistique et par la suite le monde des vivants. Un pompier digne de ce nom La vie professionnelle du président du Mouloudia semblait aussi passionnante que celle vécue au Mouloudia puisqu'il était un pompier spécialiste de sauvetage sous-marin. Il était un grand adepte de la mer puisqu'il passait généralement ses vacances dans sa villa de Bousfer. Elimam, qui est né à El Hamri en 1939 est d'origine de Tlemcen (Aïn l'Hout). Il est né à un pas seulement du lieu de la création du Mouloudia et a suivi ses études à l'école coranique d'El Falah. Comme n'importe quel enfant de ce quartier, il a commencé à jouer au football dans les rues avant d'intégrer le Mouloudia au rang des cadets au début des années 50. Révolutionnaire à la fin des années 50, Elimam a été incarcéré par l'armée française. Il a été muté à la prison de Chlef. Juste après l'indépendance, il a intégré le corps des pompiers d'Oran. Il devient un pompier de sauvetage. Cette fonction lui a permis de commencer comme soigneur au Mouloudia d'Oran avant d'occuper d'autres fonctions. Il a pris sa retraite au début des années 90 avec le grade d'officier. S'il sauvait des vies humaines de la noyade dans le littoral oranais, au Mouloudia Elimam, il éteignait le feu. «Je reviens en pompier», a été la phrase qu'il aimait dire. «Ma montée sur une selle de cheval à Bouakeul reste mon plus beau souvenir» Pour son dernier point de presse qui ressemblait à un discours d'adieu, Elimam, qui est revenu sur les moments forts de sa carrière, pense que son plus beau souvenir dans sa riche carrière de dirigeant du Mouloudia demeure le jour où il est monté sur une selle de cheval à l'occasion de l'accession officielle du Mouloudia d'Oran lors d'un mai 2008 au stade Habib-Bouakeul lorsque son équipe a accueilli la JSM Skikda dans un match sans enjeu. Avant le coup d'envoi de la rencontre, Elimam a été prié de monter sur le dos d'un cheval blanc qui était sur le terrain. C'est dans un stade plein à craquer qu'il a répondu à la demande des supporters en montant sur ce cheval avec un fusil au bras droit. Une image des années de la Révolution qui lui sont revenues. «C'est la meilleure image et mon plus beau souvenir que je garderai à jamais» ont été les derniers mots officiels du président avant de quitter pour de bon son club de toujours.