«Avec Boudebouz, on s'est échangé les maillots et on s'est donné rendez-vous pour le 27 mars prochain» Il est incontestablement l'une des grandes révélations de la Ligue 1 française cette année, l'attaquant marocain du Stade Malherbe de Caen. Youssef El Arabi, qui compte déjà 10 buts en 15 matchs joués, se livre au journal Le Buteur et aborde avec beaucoup de plaisir plusieurs sujets touchant à son avenir, son choix pour le Maroc et bien sûr ce derby maghrébin, très attendu du reste, qui opposera l'Algérie au Maroc au mois de mars prochain. Très sympathique et disponible, il a bien voulu répondre à toutes nos questions. Il nous a aussi donné son avis sur la sélection algérienne qu'il qualifie de solide et solidaire. Bonjour Youssef, c'est le journal algérien Le Buteur, pourriez-vous nous accorder un entretien ? Oui, bonjour, il n'y a aucun problème. Seulement, rappelez-moi dans deux minutes s'il vous plaît. OK, à tout à l'heure. (Quelques minutes plus tard) Re-bonjour Youssef, peut-on y aller maintenant ? Je suis à votre entière disposition. Tout d'abord, pourriez-vous revenir sur ce match perdu hier (entretien réalisé lundi en fin d'après-midi) contre Sochaux au stade Ornano ? C'était très difficile face à une équipe qui jouait derrière, En première période, on aurait pu prendre l'avantage, on a eu quelques occasions de marquer qu'on n'a pas pu mettre dedans. Il faut dire aussi que le gardien de but de Sochaux a effectué quelques arrêts décisifs. Juste avant la pause, on prend un but stupide suite à une erreur de marquage. Après, au moment où nous étions revenus des vestiaires avec la ferme intention de refaire notre retard, on prend un autre but sur balle arrêtée. Ça nous a tués. A la fin, on prend un troisième but sur une erreur défensive. Vous êtes le meilleur buteur de la Ligue 1, vous marquez 10 buts cette année, ça marche très fort pour vous, mais contre Sochaux, vous n'avez pas été efficace. Du coup, votre club semble à la peine ? Il est vrai que sur le plan personnel, je réalise un bon début de saison. Je marque pratiquement à chaque match, à part hier (Ndlr, dimanche) où je n'étais pas vraiment en réussite. L'état du terrain rendu difficile par les conditions climatiques nous a un peu gênés. Mon équipe a aussi baissé de rythme dans ce match, sinon cette saison en ce qui me concerne, je suis en pleine progression. Tout me réussit en ce moment. Je marque des buts, j'arrive à me montrer décisif. Maintenant, on n'arrive plus à gagner, c'est aussi vrai, donc à présent, on doit soigner les résultats de l'équipe. Je veux dire que je dois retrouver mon efficacité pour marquer et faire gagner mon équipe. Vous marquez beaucoup de buts et cela commence à chavirer certaines grosses cylindrées de Ligue 1, à l'instar du PSG, de l'OL ou Bordeaux, on parle même de l'intérêt de quelques équipes de Premier League, cela vous fait quoi d'être suivi par des grands clubs ? Je suis bien entendu content et honoré d'entendre parler que je suis sollicité par ces grandes équipes. Ça fait toujours plaisir de constater que les performances réalisées intéressent d'autres clubs. Cela dit, je continuerai à travailler sereinement pour améliorer mes qualités. C'est ma première saison professionnelle et j'espère marquer d'autres buts. Vous avez été formé au Stade Malherbe de Caen, c'est bien cela ? Disons que c'est le seul club professionnel que j'ai connu depuis le début de ma carrière. Au début, j'ai commencé dans le club de mon quartier, par la suite, j'ai signé au Stade Malherbe de Caen à l'âge de 18 ans. Avez-vous porté le maillot bleu de l'équipe de France ? Oui, j'ai été international français de futsal. Vous êtes arrivé il y a deux saisons à Caen, après une expérience en futsal enrichissante ; racontez-nous un peu ce passage d'un simple joueur de futsal vers l'une des grandes vedettes de Ligue 1 cette année ? A vrai dire, ça s'est passé très vite. Au départ, j'ai été retenu parmi les joueurs les plus à l'aise techniquement de mon équipe en CFA en vue d'une sélection en équipe de France de futsal. J'ai été sélectionné et j'ai même participé aux qualifications de la Coupe d'Europe avec les Bleus en tant que capitaine d'équipe. En parallèle, je pratiquais toujours le football à onze. C'est ainsi que j'ai été repéré par les dirigeants de Caen pour atterrir au Stade Malherbe, avant de signer mon contrat professionnel. Après, j'ai dû arrêter ma carrière en futsal, car j'avais fait mon choix de jouer au football à onze. Si une bonne opportunité se présentait à vous lors du mercato hivernal, quitteriez-vous Caen pour rejoindre l'OM, l'OL ou le PSG ? Vous savez, c'est ce qui se dit sur les sites Internet. Mais pour l'heure, je n'ai reçu aucune proposition officielle de Marseille, Lyon ou même Paris. Ce ne sont que des rumeurs. Il est vrai que des clubs autres que ceux que vous venez de citer veulent m'avoir dans leurs rangs. Comme je l'ai déjà dit, c'est ma première saison en Ligue 1 et j'envisage de me donner à fond pour aller au bout de cette saison avec mon club, après on verra. Vos performances sont hallucinantes, avez-vous été approché par la Fédération française pour porter le maillot bleu de l'équipe de France ? Tout à fait. J'ai été sollicité par les responsables de l'équipe de France, mais mon choix était déjà fait pour le Maroc. C'est le pays de mes racines, celui de mes parents. Je ne vous cache pas je suis fier de mon choix. A présent, j'en suis à ma deuxième sélection. J'ai fait quelques apparitions et j'espère avoir un peu plus de temps de jeu pour pouvoir m'imposer et prouver que je mérite ma place en sélection marocaine. En dépit de cet intérêt affiché par l'équipe de France, vous avez opté pour le Maroc ; qu'est-ce qui a franchement motivé votre choix, sachant que vous êtes jeune et donc capable de briguer une place avec les Bleus ? La qualité de l'équipe qui renferme de très bons joueurs. Il y a aussi l'arrivée du coach Eric Gerets qui réalise un grand travail. Franchement, ça fait plaisir de jouer sous la coupe d'un très grand entraîneur comme lui. C'est un technicien qui a une réputation mondiale. C'est lui qui vous a convaincu alors ? En partie, oui. Il y aussi mes parents qui m'ont beaucoup encouragé à jouer pour le Maroc. Et franchement, ça me fait énormément plaisir de répondre favorablement au choix de ma famille. Vous avez joué hier (Ndlr, dimanche) contre Ryad Boudebouz, un jeune international algérien qui a choisi l'Algérie, alors qu'il était international français avec les U19 ; l'avez-vous croisé dimanche soir ? Oui, Ryad (Ndlr, Boudebouz) est un super mec. On a discuté brièvement ce dimanche. On s'est même échangé les maillots en fin de match. On s'est quittés sur la promesse de se revoir au mois de mars prochain à Alger, à l'occasion du prochain match éliminatoire Algérie-Maroc. Comment se présente pour vous ce derby Algérie-Maroc ? Ça va être un grand match entre deux belles équipes qui pratiquent un très beau football. Il y aura certainement une folle ambiance au stade et j'espère que les joueurs, des deux côtés, seront prêts pour faire de ce rendez un grand moment de football. A Alger, vous jouerez pour gagner ou gérer cette première place que vous occupez ? Il est bien clair qu'on va se rendre à Alger avec l'objectif de gagner. On veut terminer premiers du groupe et cela passe par un résultat probant. On veut aussi confirmer notre dernier succès ramené de Tanzanie et faire honneur à notre place de leader du groupe. Cela vous fait quoi de jouer pour la sélection de votre pays ? Ça fait plaisir de jouer pour un public qui vous aime bien et qui vous supporte à fond. Je voudrais, du coup, leur prouver que je suis un bon joueur qui mérite de défendre les couleurs du Maroc. J'aimerais me montrer à la hauteur des encouragements de notre peuple. Vous avez joué devant votre public au Maroc, qu'avez-vous ressenti ? Une énorme fierté. J'avais des frissons lorsque j'ai entendu à Rabat l'hymne national, c'est vraiment un moment très fort. Avez-vous envie de jouer ce derby contre l'Algérie ? J'ai hâte d'être présent avec la sélection pour jouer ce match. Franchement, c'est le genre de rencontre qu'on aime jouer. Le Maroc s'est renforcé par l'apport de quelques excellents joueurs, à l'image d'Aït Fana, de Chadli, Carcela, vous-même et d'autres bons éléments qui vont arriver, Vous avez une grande équipe Youssef ? Franchement, sur papier on a monté une très grande équipe avec des joueurs de qualité qui ont renforcé la sélection, que ce soit au milieu du terrain ou en attaque. Mais maintenant, il y a un nouveau coach qui a besoin de temps pour parfaire les automatismes et mettre en place la tactique de jeu qui sied avec la qualité de notre effectif. C'est à nous d'adhérer rapidement à ses idées pour réaliser de belles choses ensemble. Les derbys entre l'Algérie et le Maroc ont été toujours chauds et palpitants ; avez-vous une idée sur ce genre de rencontre à haute intensité ? Bien sûr que oui ! Ce sera un match que tous les Arabes attendent avec impatience, surtout ici en France où l'on ne parle que de ce duel. Ça va être un grand moment de football et il ne faudra pas se louper, les deux pays se connaissent bien et j'espère que ça va être une belle fête inch'Allah. Connaissez-vous des joueurs algériens ? Oui, en plus des autres éléments de la sélection algérienne qui sont connus, il y a Ryad Boudebouz et Karim Ziani. Vous les avez côtoyés ou vous les connaissez juste de réputation ? A vrai dire, je ne les connais pas personnellement, mais j'ai eu l'honneur de jouer contre eux. Que pensez-vous de Boudebouz ? C'est un bon joueur qui a connu une bonne évolution. Il monte en puisse avec son équipe le FC Sochaux. J'espère qu'il va continuer sur cette lancée. Comme il est un peu comme moi, nouveau en sélection, j'espère que lui aussi réussira avec l'Algérie. Que connaissez-vous de Karim Ziani ? Lui, c'est un ancien très connu. Je sais qu'en ce moment, il revient bien et réalise de belles choses avec son club en Allemagne (Wolfsburg, ndlr). C'est un peu le tôlier de cette sélection algérienne. Je sais aussi que c'est un leader dans cette équipe. Qu'est-ce que vous appréhendez le plus de cette sélection algérienne ? Sa force mentale. C'est une équipe solide et solidaire qui a réalisé d'excellentes choses contre de grandes équipes lors du dernier Mondial. Ce sont des joueurs qui jouent depuis longtemps ensemble, donc qui se connaissent parfaitement. Justement, lors du Mondial, vous avez certainement supporté l'Algérie… Bien sûr, l'Algérie est un pays voisin. On était tous derrière en Coupe du monde. Donc, ce prochain rendez-vous entre Maghrébins s'annonce comme un duel entre frères, tout ce qui se dit autour de ce derby, à propos des considérations conflictuelles, ne vous intéresse-t-il pas ? Ceux qui parlent de ça ne connaissent rien au sport. Ce derby restera un match de football entre deux équipes qui se respectent. On ne va pas faire la guerre. On est des frères et quel que soit le vainqueur de ce duel, on se dira à la fin «salam». Ce n'est pas à cause d'un match qu'on ne va plus s'aimer et ternir l'image des deux pays. L'Algérie compte gagner pour se relancer, il y a aussi une petite revanche sportive à prendre sur le Maroc, des appréhensions à ce propos ? Non, aucune appréhension. Ça va être un match engagé avec beaucoup de tension, c'est certain. Pour notre part, on fera tout pour bien nous comporter et nous montrer forts pour revenir avec un bon résultat de ce match à Alger. Après cette victoire ramenée de la Tanzanie, vous avez pris la tête du classement ; vous ne croyez pas que vous avez très tôt endossé ce statut de favori du groupe ? Je crois qu'après ce succès obtenu contre la Tanzanie, on s'est dit entre nous que maintenant, notre objectif est de terminer premiers de la poule. Mais on sait très bien que rien n'est encore acquis, tant qu'on n'a pas gagné contre l'Algérie. Ce match se présente comme un tournant décisif. Plusieurs attaquants de qualité mondiale composent la ligne offensive marocaine, à l'instar d'Al Hamdaoui, Chamakh ou Youssouf Hadji ; ne craignez-vous pas cette concurrence ? Non, car j'ai toujours été un compétiteur. Je veux dire que j'aime bien la concurrence. Ça permet d'avancer et de toujours travailler dur pour mériter sa place, que ce soit en club ou en sélection. Sachez qu'on est tous solidaires et c'est au coach de décider qui jouera. Une chose est sûre, quel que soit l'attaquant qui sera aligné, l'essentiel est que la Maroc gagne au bout. Le Maroc s'est renforcé par une pléiade de joueurs émigrés ; un petit commentaire là-dessus ? Vous savez, pour former un groupe conquérant, il faudra chercher les meilleurs joueurs du Maroc. Je pense que cet amalgame de joueurs professionnels évoluant en Europe et des locaux nous fera beaucoup de bien, surtout lorsqu'on sera appelés à jouer dans des pays africains où les conditions climatiques sont un petit peu particulières. Vous comprendrez que les joueurs professionnels nouvellement sélectionnés auront besoin d'un temps d'adaptation à toutes ces conditions parfois difficiles en Afrique. Parlez-nous un peu de ce premier déplacement effectué en Tanzanie avec le Maroc ? J'ai constaté qu'il y a une grande différence de climat. Les terrains, l'organisation et l'ambiance des matchs n'est pas du tout pareille. L'Afrique, pour moi, ça a été une découverte et j'espère encore voyager avec la sélection pour mieux connaître et m'adapter à ce genre de déplacement. Des joueurs professionnels algériens se sont plaints justement des conditions difficiles dont vous avez parlé pour justifier le revers contre la RCA ; peut-on leur accorder alors des circonstances atténuantes ? Il faut reconnaître que n'est pas facile de jouer dans des conditions pareilles. Ça influe sur le rendement des joueurs. Après, il faudra s'habituer. On imagine que vous avez des amis algériens émigrés en France, non ? Beaucoup même. Il est certain que ça commence à chambrer à propos de ce derby ? On en parle beaucoup, oui. Ça commence à chambrer car comme vous le savez, c'est un match classique entre deux pays voisins. Au risque de me répéter, tout cela se passe dans un cadre sportif et respectueux. Quel est le dernier derby Algérie-Maroc que vous gardez en mémoire ? C'est le match gagné par les Lions de l'Atlas en Coupe d'Afrique 2004 (Tunisie 2004). Vous nous avez fait mal ce jour-là ? (Rires.) Oui, on a égalisé dans les ultimes minutes du match et on a pu renverser une situation difficile pour en fin l'emporter et aller en finale. Merci Youssef pour votre disponibilité et on vous laisse le soin de vous adresser au peuple algérien pour terminer cet entretien ? Il n'y a pas de quoi. Je profite de cette occasion pour saluer le peuple algérien et souhaiter à tout le monde Aïd Mabrouk.
