«Saâdane a tout détruit après la CAN, c'est un entraîneur très limité» Jusqu'à aujourd'hui, Yazid Mansouri n'a pas encore digéré sa mise à l'écart pendant la Coupe du monde qu'il ne comprend d'ailleurs toujours pas. Mais c'est la première fois que l'ex-capitaine de Verts se lâche, comme il ne l'a jamais fait, en tirant à boulets rouges sur Rabah Saâdane qu'il tient comme seul responsable de la déroute des Verts après la CAN-2010. Mansouri n'oublie pas, à l'occasion, de souhaiter bonne chance aux Verts pour le match de ce dimanche, tout en se montrant confiant de l'issue de cette confrontation. «Le joueur algérien, face à de telles situations, sait comment se transcender», dit-il. Entretien. Parlez-nous, tout d'abord, de votre équipe qui connaît une nette régression, après un bon début de championnat. Que se passe-t-il au juste ? Nous passons par une période très compliquée où il m'est difficile d'expliquer la situation. Figurez-vous que nous n'avons empoché qu'un seul petit point en huit matchs joués, ce qui dénote de la gravité de la situation. Sincèrement, mon club Al Sailiya ne mérite pas cette position et il va falloir trouver les solutions pour s'en sortir. Comme je viens de vous le dire, c'est difficile d'expliquer les choses, mais de mon point de vue, je pense que notre défense a commis beaucoup d'erreurs que nous avons payées cash. Dans plusieurs matchs, nous tenions les choses en main, mais la défense commettait des erreurs qui nous ont souvent coûté des buts. Nous nous retrouvions, du coup, en train de courir derrière le score. Et à force de subir, nous avons fini par perdre confiance. On pensait que la responsabilité des mauvais résultats d'une équipe était collective, non ? Oui, je suis d'accord avec vous, mais dans notre cas, je parle d'erreurs impardonnables dans des zones très sensibles. Certains évoquent votre départ à la fin de la saison, est-ce vrai ? Je ne sais pas encore, je n'ai pas encore réfléchi à cela. J'ai quelques offres des Emirats, et même de France, mais je n'ai encore rien décidé. Je n'ai pas encore parlé avec mes responsables de ce sujet. On verra après. Mais vous, est-ce que vous voulez rester au Qatar ou partir ? Je veux bien rester, si je reçois des offres de clubs qataris. Sinon, je suis obligé d'aller voir ailleurs. Loin du Qatar, comme vous le savez, les Verts s'apprêtent à jouer un match décisif ce dimanche contre le Maroc. Comment voyez-vous cette rencontre ? C'est un match très important et très difficile à la fois. Je crois que la sélection nationale n'a pas trop le choix, la victoire est impérative si on veut rester en course pour la qualification. Car tout autre résultat signifie l'élimination, ce que je ne souhaite pas bien sûr. Mais l'Equipe nationale a toujours su s'en sortir face à de telles situations. Maintenant, la balle est dans le camp des joueurs, à eux de sortir ce qu'ils ont dans le ventre. Pensez-vous, justement, que nos joueurs sont capables de réaliser cet exploit ? Oui, j'en suis convaincu. Je les connais tous et je sais de quoi ils sont capables. Le joueur algérien sait se transcender lorsqu'il s'agit de vie ou de mort, comme c'est le cas cette fois-ci. Il est aussi connu pour son amour pour les couleurs nationales et son attachement à son pays. Je n'ai pas de doute là-dessus, je sais que les joueurs vont se surpasser. Il est vrai que l'équipe a traversé un passage à vide, avec des résultats très moyens, notamment face à la Tanzanie et l'Afrique centrale, mais je crois que l'entraîneur a pu apporter depuis les correctifs qu'il faut. Aux joueurs de se montrer à la hauteur de cette responsabilité. Certains pensent que la pression qui pèse sur les joueurs risque d'influer négativement sur leur rendement. Quel est votre avis là-dessus ? Non, je ne le pense pas, car les joueurs sont assez expérimentés pour gérer cette pression. Je ne pense pas que cette pression est plus importante que celle qu'on avait vécue durant les éliminatoires de la Coupe du monde et la double confrontation contre l'Egypte. En dépit de ces conditions très difficiles, nous avons su comment sortir victorieux. Donc de ce côté-là, je suis plutôt confiant. Revenons un peu en arrière si vous le voulez bien, pour parler du départ de Saâdane. Etiez-vous d'accord avec son départ ? A mon avis, il aurait dû partir juste après la Coupe du monde et laisser la place à un nouvel entraîneur pour préparer tranquillement les éliminatoires de la CAN. Après tout ce qui s'est passé durant le Mondial, il n'aurait pas dû rester. Avant de nous raconter ce qui s'est passé, dites-nous d'abord pourquoi la relation entre vous et Saâdane s'est subitement détériorée ? Vous le savez très bien, c'était pendant la Coupe du monde. A deux jours du match contre la Slovénie lorsqu'il est venu me dire, sans pouvoir me convaincre, que je n'allais pas jouer ce match. Comment voulez-vous qu'un joueur, qui est capitaine d'équipe et titulaire à part entière, qui a joué toute la CAN, se retrouve comme ça du jour au lendemain, remplaçant, sans aucune explication ? Si au moins il m'avait expliqué les choses. Mais rien, il ne m'a rien dit. Excusez-moi, mais je ne peux admettre cela. C'était de l'hypocrisie et …. Ignorez-vous vraiment les raisons ? On parlait d'homme à homme, et il aurait dû être franc avec moi. Il aurait dû me dire que voilà, il y a une concurrence, et qu'il a envie de voir d'autres joueurs, des explications comme ça, qui peuvent être débattues. Wallah j'aurais accepté. Mais lui, il ne m'a rien dit. Il aurait dû au moins me faire jouer le premier match et me juger après. C'était de l'hypocrisie et rien d'autre, et je crois qu'il a payé cela cash lorsqu'on l'a viré. Il a récolté ce qu'il a semé. Vous en souffriez encore ? Oui. Au point où je ne suivais plus l'actualité de l'Equipe nationale, sauf quand je discutais avec les joueurs au téléphone. Parfois, avant de dormir, je me remémore ce qui m'est arrivé et je me demande pourquoi il m'a fait cela. En avez-vous parlé à Raouraoua ? Non, je ne n'ai pas voulu lui en parler, parce que je savais qu'il ne pouvait rien faire. Pensez-vous avoir quitté l'EN par la petite porte ? Oui, c'est ce que j'ai ressenti. Après dix ans de bons et loyaux services, je n'imaginais pas que la fin allait être aussi cruelle. Jusqu'à aujourd'hui, je me demande comment Saâdane a osé changer une équipe qui est allée jusqu'en demi-finales de la CAN pour tout détruire avant le Mondial. Nous étions une équipe soudée, nous nous entendions parfaitement sur le terrain et on pouvait communiquer rien qu'avec le regard. Je ne pense qu'un homme sensé qui comprenne le football aurait fait cela. Et je ne veux pas parler des huit joueurs qui ont été appelés avant le Mondial. Si, si, nous voudrions que vous nous en parliez... Ne me comprenez pas mal. Je n'accuse personne et je ne remets pas en question la venue de Boudebouz ou Lacen qui sont tous de très bons joueurs et qui méritent d'être en sélection. Mais ce qui m'a fait mal, c'est que parmi les nouveaux joueurs, il y en a ceux qui n'ont connu la nationalité algérienne qu'après notre qualification à la Coupe du monde. Je regardais les différents championnats d'Europe et j'ai remarqué que des joueurs portaient des serre-poignets aux couleurs de l'Algérie. Avant, je ne voyais pas ça. C'est ce qui m'avait mis hors de moi. Dans un entretien qu'il nous a accordé, Lacen nous a fait savoir qu'il vous a proposé de vous céder sa place contre les Etats-Unis, mais vous avez refusé. Vous le confirmez ? En toute sincérité, j'avais très bien accueilli Lacen, en tant que capitaine d'équipe. Je l'ai mis à l'aise et je l'ai présenté à tous les joueurs. Et je le dis aujourd'hui, je n'ai eu aucun problème avec lui. Mais j'aurais voulu que ce soit l'entraîneur qui le fasse, pas lui, c'est pour cela que j'ai refusé. Je pense qu'il s'est rendu compte du désarroi dans lequel je me trouvais, d'où son geste que j'ai d'ailleurs beaucoup apprécié. A l'occasion, je tiens à le saluer. Il a peut-être culpabilisé et s'est senti responsable de votre situation puisqu'il jouait à votre poste, non ? Je le redis, je ne blâme pas Lacen, et même si j'étais à sa place, j'aurais joué comme il l'a fait. Moi, je blâme ceux qui m'ont écarté injustement et m'ont privé de jouer le Mondial, ceux qui prétendre connaître l'abécédaire du football. C'est Saâdane qui décidait de la composition de l'équipe ? Je pense, mais je crois qu'il y avait beaucoup de choses qui se tramaient dans les coulisses. Parfois, il composait une équipe amoindrie de deux ou trois joueurs. Je n'ai jamais vu ça de ma vie. Comment cela ? Vous êtes d'accord avec moi lorsque je dis qu'une équipe de football se compose de 11 joueurs. Lui, il nous communiquait une équipe de neuf ou dix joueurs et il oubliait les autres. Ce sont les joueurs qui lui faisaient remarquer qu'ils manquaient des éléments dans l'équipe. C'est grave, non ? Quand cela s'est-il passé ? Quelques fois pendant la CAN et lors de quelques matchs que nous avons joués au 5-Juillet. Cela prouve que c'est un entraîneur limité. Certains disent que ce sont vous les joueurs qui avez fait monter la cote de Saâdane. Qu'en pensez-vous ? Ça c'est vrai, et n'oubliez pas que Saâdane a récolté ce qu'avait fait Cavalli avant lui. C'est Cavalli qui a construit l'équipe, qui a posé ses fondations. Saâdane est venu par la suite tout revendiquer. Saâdane avait une relation avec quelques éléments du groupe, il avait quelques connaissances du football africain, mais pour les questions tactiques, je me pose toujours des questions. Par exemple ? Le match que nous avons perdu contre l'Egypte par quatre buts à zéro, c'est lui le responsable. Quand Halliche avait été expulsé, nous avons continué à jouer avec la même tactique. Il n'avait rien changé. On aurait dû fermer le jeu et évoluer en 4-4-1. Mais il n'avait rien fait. Nous avons continué à jouer de la même façon, comme si de rien n'était. Trouvez-vous cela normal ? Et face à une équipe comme celle de l'Egypte ! Je vais vous dire pourquoi l'Egypte nous a marqué quatre buts. Parce que nous avions un entraîneur qui ne savait pas gérer de telles situations, parce que tout simplement, c'est un entraîneur très limité. Vous avez été invité par la FAF pour assister au match Algérie-Maroc à l'occasion duquel vous serez honoré par la Fédération algérienne de football. Vous serez là ? Je remercie Raouraoua pour cette initiative, et j'attends la réponse de mon club. Quel est le plus beau souvenir que vous gardez de l'Equipe nationale ? Notre qualification en Coupe du monde et l'accueil que nous a réservé le peuple. Ce sont les plus beaux moments de ma vie, des moments que je n'oublierai jamais.