«Avec un tel geste, je pense que la page de la haine a été tournée définitivement» «J'espère que Benchikha suivra un peu mes prestations avec Al Ahly pour voir si j'ai une chance avec les A» C'est un garçon très bien dans sa tête qui a ouvert son cœur en exclusivité au Buteur pour parler des prestations de haut niveau qu'il réalise en Egypte, au sein du plus grand club d'Afrique. Amir Sayoud ne se prend pas la tête avec tous les compliments qu'il reçoit de la part des observateurs égyptiens. «Je ne lis même pas ce qu'on écrit sur moi pour ne pas croire que je suis déjà arrivé», répète-t-il pour calmer les ardeurs autour de lui. Dans cet entretien, l'enfant de Guelma s'est étalé sur la responsabilité qui lui incombe en remplaçant une légende nommée Aboutrika. «Si j'arrive à faire la moitié de son parcours, je serais comblé», nous a-t-il dit. D'abord, dites-nous pourquoi avez-vous décidé de ne plus vous adresser à la presse, qu'elle soit algérienne ou égyptienne ? Sincèrement, je n'ai jamais décidé de boycotter les journalistes que ce soit en Algérie ou en Egypte. C'est juste que j'évite de m'exposer dans les médias. J'ai compris que plus on parle d'un joueur plus les gens attendent de lui sur le terrain ; et du coup on se rajoute de la pression inutile chaque semaine. C'est pour cela que je reste loin des lumières, comme on dit. Je préfère me concentrer sur le travail avec mon club. C'est déjà beaucoup. Est-ce que c'est votre coach Manuel José qui vous a conseillé de ne pas parler à la presse ? Oui, c'est vrai. J'ai une relation très particulière avec le coach. Il m'a donc conseillé d'éviter de trop m'exposer et de rester à l'écart de toutes les polémiques. Je crois qu'il a parfaitement raison, puisque, quoi que je dise risquerait d'être mal interprété. C'est un conseil qui émane d'un homme sage et qui a beaucoup d'expérience dans ce domaine. C'est pour cela que j'ai décidé de l'écouter et de prendre en compte tout ce qu'il m'a dit. C'est vrai que la décision finale me revient à moi seul, mais je ne suis pas bête pour n'en faire qu'à ma tête. Les conseils du coach sont très importants pour moi. La preuve, c'est que je me sens très bien dans ma tête. (Il sourit) C'est bien toute cette modestie, mais avouez que ce n'est pas facile de rester insensible aux louanges des grands techniciens égyptiens, comme Tahar Abou Zeid et les autres… C'est sûr que lorsque des géants du football égyptien comme Tahar Abou Zeid ou Farouk Djaafar encensent un jeune joueur, ils ne le font pas pour lui jeter des fleurs. Ce n'est vraiment pas dans leur habitude et tout le monde les connait dans ce sens. Ils n'ont vraiment aucun intérêt à le faire avec moi. C'est dire que leurs propos me donnent encore plus envie de travailler, car ce n'est pas tout le temps qu'ils disent cela d'un jeune joueur. Est-ce vrai que vous aviez pleuré après votre but raté face à Al Masry ? Epargnez-moi cette question, je vous en prie… je n'ai pas envie de revenir sur ce sujet. Dites-nous juste si cela vous a affecté au point de verser des larmes… C'est vrai que j'ai raté une énorme occasion sur cette action. J'avais fait l'essentiel et le but aurait été la conclusion d'un très beau travail de ma part. Mais ce qui m'a vraiment affecté ce jour-là, c'est le fait d'avoir privé mon équipe des trois points de la victoire. Qu'est-ce qui a changé dans votre jeu avec le retour de Manuel José aux commandes ? Avant toute chose, je dois dire que, pour moi, Manuel José est comme un second père et même un ami sincère, avant d'être mon entraîneur. Il a une manière très particulière de diriger ses joueurs. Personnellement, c'est un homme qui m'a donné énormément de confiance en moi. Il m'a mis dans les meilleures conditions pour progresser et me sentir à l'aise dans le groupe. Ce que vous dites de Manuel José est à l'opposé de l'idée que se fait de lui Abdelmalek Ziaya… Vous savez, ce qui s'est passé entre eux ne me regarde pas. Je n'ai aucun avis à donner sur ce sujet. Tout ce que je sais, c'est que José m'a dit beaucoup de bien de Ziaya. Il m'a dit par exemple que c'est un garçon bien éduqué. Après votre première grande prestation avec le Ahly, beaucoup d'observateurs avaient émis le vœu de vous voir prendre la place d'une légende nommée Aboutrika. Comment aviez-vous géré toute cette pression ? Vous savez, en dehors du fait qu'on veuille que je prenne le relais d'Aboutrika ou Barakat, rien que de vêtir le maillot du Ahly du Caire est déjà une énorme responsabilité pour les joueurs. On parle bien du plus grand club en Afrique ! Ce n'est donc pas rien. Maintenant, c'est vrai que ça me fait plaisir d'entendre les gens dire que je suis capable de remplacer Aboutrika. Sauf que, on oublie peut-être de qui il s'agit ! Vous imaginez un peu de qui on parle ? C'est de cette légende nommée Aboutrika ! C'est un très grand joueur en tous points de vue. Ce sera donc forcément très difficile de le remplacer. Mon rêve est d'arriver à réaliser ne serait-ce que la moitié de son parcours. Est-ce que vous vous sentez bien aidé par les autres joueurs d'Al Ahly ? Bien sûr ! Tout le monde me soutient et m'encourage au sein de l'équipe. Que ce soit Aboutrika, Ahmed Hassan, Barakat, Gomaâ... Ce qui est bien dans cette équipe du Ahly, c'est que tous les joueurs sont solidaires entre eux. C'est merveilleux ! José Manuel a dû regretter le fait qu'on ne vous ait pas inscrit dans la liste des joueurs retenus pour la Ligue des champions africaine. Vous l'a-t-il dit ? Non, il ne me l'a pas dit et je ne sais pas s'il le regrette ou pas. Il faut lui poser la question. Tout ce que je sais, c'est qu'il n'a rien à avoir avec cette histoire. Mon nom a été retiré de la liste avant même son arrivée. C'est une situation dont il a hérité après sa venue. Les supporteurs d'Al Ahly vous ont adopté bien avant de jouer de manière régulière. Qu'en est-il aujourd'hui après votre éclosion ? C'est vrai que ma relation avec nos supporteurs est très particulière. Sans leur soutien, je ne sais pas si je serais resté pendant la période de crise où j'ai été mis à l'écart pendant longtemps. J'ai été touché par les marques de sympathie des gens au Ahly. C'est pour tout cela que vous avez renouvelé votre contrat pour trois ans, comme l'ont avancé les médias en Egypte ? En réalité, je n'ai pas renouvelé pour trois ans comme il a été dit. A mon retour du Koweit, je me suis assis autour d'une table avec les dirigeants du Ahly, afin d'apporter quelques éléments nouveaux au contrat qui me liait avec le club. C'est ainsi que j'avais signé pour cinq ans au Ahly, donc en fin de cette saison il me restera trois ans de contrat. Voilà la vérité. Au dernier match du Ahly, il y a eu un évènement sans précédent dans les tribunes du stade. Un drapeau algérien tenu par des supporteurs du Ahly… Quelle symbolique après tout ce qui s'est passé ! Ah, ça vous pouvez le dire. Quelle symbolique ! J'ai vraiment été touché par ce geste. En fait, je l'avais aperçu dès mon entrée sur le terrain pour l'échauffement. Ça a tout de suite attiré mon regard. J'ai essayé de voir de près qui le brandissait, mais je n'ai pas reconnu le visage. Il était au milieu du groupe des ultras du Ahly. C'était quelque chose de vraiment fort et ça m'a donné des frissons de voir le drapeau de mon pays flotter dans les tribunes, tenu par des supporteurs égyptiens de surcroît ! Qui aurait cru cela possible après que les drapeaux algériens et égyptiens aient été brûlés à tour de rôle ? Mais après avoir vécu tout ce temps en Egypte et surtout bien connu les Egyptiens, je peux vous dire que cela ne me surprend pas vraiment. Je crois que par ce geste les gens vont comprendre que ce qui s'est passé est définitivement mort et enterré. La page a été tournée. Laissons maintenant le Ahly de côté et parlons de la sélection algérienne. Avez-vous discuté avec Aït Djoudi, et est-ce que vous allez répondre à la convocation pour le prochain match contre la Zambie chez les espoirs ? Oui, j'ai discuté avec Aït Djoudi et on s'est entendus pour que je sois présent pour le match contre la Zambie. Je suis à son entière disposition. Avez-vous en tête une éventuelle sélection en A, ou pas encore ? Vous savez, je joue actuellement dans le plus grand club d'Afrique. J'ai pu avoir une place de titulaire dans cette équipe aux côtés de très grands joueurs de la sélection d'Egypte. Forcément, j'aimerais bien faire partie de l'équipe A de mon pays. Mais tout ce que je demande à Benchikha, c'est de suivre un peu mes prestations avec mon club et c'est à lui de voir si je mérite une sélection ou pas. Le fait de savoir qu'il suivra mes prestations sera pour moi une raison de plus pour me surpasser. Mais entre temps, je serais fier de jouer pour l'Equipe olympique. C'est une étape très importante dans ma carrière avant de postuler chez les A. Le parcours de l'Equipe algérienne olympique est très sérieux et participer aux Jeux Olympiques est le rêve de tout sportif. Avec vous au Ahly et Aoudia au Zamalek, pour qui des deux les Algériens seront-ils ? Je ne sais pas, c'est à chacun de voir. Tout ce que je sais, c'est que Guelma et Fedjoudj seront pour Al Ahly à 100% (il se marre). Ce surnom de «Messi l'arabe» qu'on vous a donné en Egypte vous convient-il ? Je préfère qu'on m'appelle de mon vrai nom, Amir Sayoud, c'est cela qui me convient. La distance entre Messi et moi est énorme. Et je ne tiens pas à l'imiter dans son jeu ou en quoi que ce soit. Ce qui m'intéresse est d'appliquer les consignes de mon entraîneur, avant de penser à imiter qui que ce soit.