«Mustapha Dahleb, c'était le Messi de l'époque !» Beaucoup l'ignorent peut-être. Avant la rencontre de mars dernier, les Marocains avaient réussi à battre l'Algérie en 2001 au stade du 5-Juillet. A l'époque, les Lions de l'Atlas étaient drivés par un coach portugais, à savoir Humberto Coelho. Cet entraîneur avait marqué l'histoire une année auparavant à l'issue de la Coupe d'Europe des nations en 2000 en arrivant à la tête du Portugal jusqu'aux demi- finales du tournoi. Après plusieurs tentatives, précisément depuis le début du mois de mars dernier, nous avons pu avoir un rendez-vous avec Coelho. L'entretien a été réalisé mercredi en milieu de journée. Il a accepté volontiers d'être interviewé par un quotidien sportif algérien. Il a parlé de ce match retour Maroc-Algérie, du match de 2001, mais aussi de Mustapha Dahleb qu'il avait croisé au PSG en tant que joueur. Il l'a qualifié de Messi. Voici l'entretien et appréciez ! Bonjours M. Coelho, c'est Le Buteur, le quotidien sportif algérien… Ah oui, bonjour. J'attendais votre appel. Je vous remercie. Comme convenu, vous nous avez demandé de vous appeler en milieu de journée… Oui, il n'y a pas de problème. Je suis prêt à répondre à toutes vos questions. Tout d'abord, est-ce que vous suivez l'actualité de votre ancienne équipe le Maroc ? Oui, bien sûr. Je suis les performances de la sélection nationale marocaine, étant donné que je l'ai déjà entraînée. Parfois même, je suis les matchs. Bon ce n'est pas tout le temps, mais quand je peux, je le fais. Vous avez donc sans le moindre doute suivi le match aller Algérie- Maroc ? Oui, c'est sûr. Je l'ai suivi. C'est un match spécial. Pouvez-vous nous donner votre analyse technique de cette rencontre ? Je pense que c'était un match assez équilibré entre deux bonnes équipes. Le Maroc possède un bon groupe, mais il n'a pas été performant lors de ce match, face à une très bonne équipe algérienne, mais qui m'a paru moins performante par rapport aux dernières éliminatoires de la Coupe du monde. Pourquoi l'équipe d'Algérie vous a paru ainsi ? J'ai constaté que l'équipe algérienne a manqué de percussion, elle n'était pas assez collective. Vous savez, en équipe nationale, de telles choses peuvent se produire, notamment lorsqu'on prend part à une grande compétition comme la Coupe du monde. J'ai constaté que les joueurs n'étaient pas aussi concentrés et cela est tout à fait normal. Peut-être que le changement opéré à la tête de la barre technique algérienne a influé négativement sur le groupe ? Je ne sais pas. Je ne peux rien vous dire. On ne peut pas juger le travail d'un entraîneur sur un match. Je ne peux pas me prononcer sur le changement du staff technique, car je ne connais pas le travail qui a été fait. Au cours de cette rencontre, qu'est-ce qui vous a attiré chez les Algériens et les Marocains ? Bon, c'était un beau match serré entre deux bonnes équipes. Je ne me souviens pas bien du match. Ce match a été remporté par l'Algérie grâce à un penalty de Yebda. Justement, les Marocains ont longuement protesté. Pouvez-vous nous donner votre avis? Cela reste du ressort de l'arbitre. C'est lui qui décide. Toutefois, je pense qu'il faut mettre la technologie au service du football, à savoir la vidéo. Cela peut beaucoup aider pour l'amélioration du football. Moi, j'ai toujours pensé ainsi. La situation au groupe 4 est très difficile. En plus du Maroc et de l'Algérie, il y a aussi la République centrafricaine et la Tanzanie qui occupent la même place avec le même nombre de points… Oui, c'est très serré dans ce groupe. Néanmoins, sachez que le football en Afrique a beaucoup progressé. Des équipes d'Afrique centrale ou même du Sud ont évolué. Aujourd'hui, on voit le Botswana première équipe qualifiée à la phase finale de la CAN. Ceci prouve qu'ils ont évolué. Par le passé, les équipes d'Afrique du Nord étaient les plus fortes et c'était elles qui dominaient le football. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Les équipes que j'ai citées les bousculent parfois. A votre avis, qui est le favori du groupe 4 pour arracher le seul billet qualificatif pour la prochaine phase finale de la CAN ? Je n'ai pas votre calendrier. Parfois, la programmation joue un rôle positif, et d'autres fois un rôle négatif. Mais compte tenu de l'expérience des joueurs algériens et marocains, surtout leur niveau, je pense que l'Algérie et le Maroc sont largement favoris pour se qualifier à la CAN. Les deux équipes renferment dans leurs rangs des joueurs de talent et qui évoluent dans les plus grands championnats européens. Cela est très important et il ne faut pas l'ignorer. La phase retour des éliminatoires de la CAN 2012 commencera en juin prochain avec une rencontre d'une très grande importance. Il s'agit du match retour entre le Maroc et l'Algérie. Comment voyez-vous cette rencontre ? Ce sera un match très difficile par rapport à l'aller. La défaite sera interdite pour les deux équipes. Les Marocains vont tout faire pour gagner le match car, ils joueront à domicile. Pour l'Algérie, la victoire sera synonyme de qualification à la CAN. Il y a trois jours, la Fédération royale marocaine de football a choisi le nouveau stade de Marrakech pour abriter ce match, alors que tout le monde s'attendait à ce qu'il soit domicilié à Casablanca. Ça vous a surpris ? Bon, s'il y a les mêmes supporters à Marrakech qu'à Casablanca, ce sera un grand avantage pour l'équipe marocaine. Il faut savoir aussi que le nouveau stade de Marrakech est un véritable bijou, d'après les informations en ma possession. Parlez-nous du public du stade de Casablanca C'est un stade mythique. C'est un grand stade qui a déjà abrité de grandes affiches. Moi personnellement, j'ai vécu des moments inoubliables dans ce stade, lorsque j'ai assisté au derby de la ville entre le WAC et le Raja. Le public de Casablanca, c'est un grand public qui soutient à fond son équipe, c'est un public chaud. Croyez-moi, c'est un atout important. Maintenant, comme je vous l'ai dit, si le public de Marrakech est identique à celui de Casablanca, les Marocains auront un grand avantage. Le fait que Eric Gerets ait émis le vœu de jouer à Casablanca et que la FRMF ait choisi Marrakech, cela ne va-t-il pas influer négativement sur les Lions de l'Atlas ? Non, je ne le pense pas. Eric Gerets a voulu jouer à Casablanca, car c'est un stade mythique qui permet de jouer du beau football et en plus, c'est un grand stade. Maintenant que la Fédération marocaine a choisi le stade de Marrakech, les joueurs ne doivent que se concentrer sur cette rencontre. Le match se joue sur le terrain pas ailleurs. Dernièrement, il y a eu un attentat terroriste à Marrakech et le match a été domicilié dans cette ville. Peut-on qualifier cette décision d'irréfléchie ? Ecoutez ! Je pense que le football n'a rien à voir avec la politique et cette histoire d'attentat terroriste. Moi, je suis persuadé que le match va se dérouler dans de bonnes conditions. Une chose est sûre, la sécurité sera renforcée. En Algérie, on a qualifié cette histoire de domiciliation de guerre psychologique. En 2000, quelques mois seulement avant votre prise de fonction à la tête des Lions de l'Atlas, les Marocains avaient reçu l'Algérie dans un petit stade à Fès… Oui, mais le stade de Marrakech est grand. C'est un très beau stade et aussi moderne. Ce stade va nous permettre d'assister à un très joli match entre l'Algérie et le Maroc. Si ces derniers l'emportent, ce stade deviendra fétiche pour eux, du fait qu'il est nouveau. Beaucoup l'ignorent peut-être. En tant que sélectionneur du Maroc, vous aviez réussi à battre l'équipe algérienne au stade du 5-Juillet au cours des éliminatoires de la Coupe du monde 2002… Oui, je me souviens très bien de cette rencontre. C'était un match plaisant qui a eu lieu à Alger dans une très bonne ambiance. L'équipe algérienne était difficile. Elle renfermait d'excellents joueurs. On avait été menés au score, puis nous avions égalisé avant d'ajouter le second but par Amzine. On a mérité cette victoire. Justement, après ce but spectaculaire d'Amzine, beaucoup pensaient que c'était un match arrangé… Non, je ne le pense pas. Il faut être logique, l'Algérie était aussi en course pour la qualification au Mondial. Mais ses chances n'étaient pas aussi grandes que le Maroc qui était bien placé pour décrocher la première place du groupe, synonyme de qualification au Mondial asiatique… A mon avis, c'est une victoire très méritée pour nous. On avait fait un très bon travail à l'époque, et même lors du match, les joueurs avaient appliqué à la lettre mes consignes. On avait fait le match qu'il fallait. On avait une très bonne équipe qui pratiquait du beau football. La preuve, on avait réussi par la suite un grand match en Italie face à l'équipe italienne. On avait perdu difficilement par un but à zéro. Votre premier match à la tête des Lions de l'Atlas, c'était un choc face à l'Egypte au Cairo Stadium… Oui, mon premier match c'était en Egypte, au Caire, face à la grande équipe de l'Egypte qui est actuellement en fin de cycle. C'était un match dur et difficile. Sur le plan défensif, on avait bien tenu le coup. On a bien défendu, ce qui nous a permis de revenir de ce périlleux déplacement avec un match nul. Ce point nous a été très bénéfique. Est-ce qu'il y avait de la pression au stade ? Bon, en tant qu'entraîneur, il y avait de la pression sur mes épaules. C'était mon premier match et on était dans l'obligation de revenir avec un bon résultat. Mais sur l'équipe, il n'y avait ni pression, ni intimidation ni autre chose. Le match avait eu lieu dans d'excellentes conditions. En Algérie, on retient en mémoire toujours ce fameux match de l'Euro 2000 entre l'Angleterre et le Portugal, lorsque vous étiez sélectionneur de cette dernière. Vous étiez menés au score avec deux buts d'écart, mais vous êtes revenu à la fin… Oui, c'était un match exceptionnel. Je m'en souviens toujours. Mais il faut avouer que cette équipe du Portugal renfermait dans ses rangs des joueurs talentueux exceptionnels. On s'attendait à réaliser un tel parcours dans ce tournoi. Toujours concernant cette rencontre face à l'Angleterre, quel est le secret dans ce renversement de situation spectaculaire ? Il y a la confiance, la volonté et le travail aussi. Cette équipe avait confiance en elle, elle était supérieure à beaucoup d'équipes. Puis, il ne faut pas oublier que les acteurs de ce match, à savoir les joueurs, n'ont pas abdiqué. Ils gardé l'espoir jusqu'à l'ultime seconde de la rencontre. En plus, on avait fait un bon travail, cela démontre que les résultats enregistrés ne sont pas dus au hasard. Toujours dans cette même compétition, vous avez été éliminés lors de la demi-finale face à la France grâce à un but en or d'un joueur d'origine algérienne à savoir, Zidane… Oui, c'était un moment pénible. On avait fait un très bon tournoi, mais on est tombés en demi-finale face à la France et c'était Zidane qui avait marqué ce but décisif (Ndlr : but en or). Ce but a été marqué sur penalty. Néanmoins, il faut savoir que c'était la première fois dans l'histoire qu'un arbitre assistant signale le penalty. Ça ne s'est jamais produit avant. La France a réussi quand même à obtenir un penalty que Zidane a transformé avec brio. Rancunier envers Zidane qui vous a éliminés ? Non, jamais. Zidane est l'un des meilleurs joueurs de la planète, c'est l'un des meilleurs exemples pour les footballeurs. Au milieu des années 70, vous aviez porté le maillot du célèbre grand club de la capitale française, à savoir le Paris SG. Là, vous aviez croisé un joueur algérien, en l'occurrence Mustapha Dahleb… Oh, Mustapha ! C'était un grand joueur. Il était hors du commun. C'était un joueur fantastique et il faisait tout ce qu'il voulait avec un ballon. Il avait des dribles extraordinaires. Moi personnellement, je l'admirais beaucoup. Il avait un pied gauche exceptionnel et une grande vitesse aussi. Rares sont les joueurs qui possèdent un tel pied gauche. C'était comme Lionnel Messi aujourd'hui, il faisait tout ce qu'il voulait avec son pied gauche. Vous avez sans doute une anecdote à nous raconter de lui… (Rire), oh oui. J'en ai des anecdotes avec lui. J'ai oublié certaines et je préfère les garder pour moi. Avant de conclure l'entretien, on voudrait connaître votre pronostic sur cette rencontre Maroc-Algérie… Ce sera un match serré donc il n'y aura pas beaucoup de buts. Je table sur un match nul. Ils ont presque le même niveau. Ça, c'est mon opinion personnelle et ça n'engage que moi. Ok, on vous remercie beaucoup M. Coelho d'avoir accepté notre invitation… Je vous remercie moi aussi et ça a été un immense plaisir pour moi. ____________________ Fiche technique : Nom complet : Humberto Manuel de Jesus Coelho Nationalité : portugaise Date et lieu de naissance : 20 avril 1950 à Cedofeita Période pro : 1978-1994 Poste : défenseur Carrière En tant que joueur : 1965-66 : Ramaldense CF, drapeau : Portugal 1966-75 : Benfica Lisbonne, drapeau : Portugal 1975-77 : Paris Saint-Germain, drapeau : France 1977-84 : Benfica Lisbonne, drapeau : Portugal 1969-83 : drapeau : Portugal (64 sélections et 6 buts) En tant qu'entraîneur 1985-86 : Sport Comércio e Salgueiros, drapeau : Portugal 1986-87 : Sporting Braga, drapeau : Portugal 1987-97 : Staff technique de la Fédération portugaise 1997-2000 : Portugal 2000-02 : Maroc 2002-04 : Corée du Sud 2005-06 : Al Shabab Riyad (Arabie Saoudite) 2008-09 (novembre) : Tunisie Palmarès Champion du Portugal : 1969, 1971, 1972, 1973, 1977, 1981, 1983 et 1984 (Benfica). Vice-champion: 1970, 1974, 1978, 1979 et 1982 (Benfica). Coupe du Portugal : 1969, 1970, 1972, 1980, 1981, 1983 (Benfica). Finaliste : 1971, 1974 et 1975 (Benfica). Supercoupe du Portugal : 1980 (Benfica). Finaliste en 1981, 1983 et 1984 (Benfica). Coupe Ibérique : Vainqueur en 1984 (Benfica). Coupe d'Asie de l'Est : Vainqueur en 2003 avec la Corée du Sud Elu meilleur footballeur portugais en 1984