"Anthar Yahia n'est pas le seul Maghrébin à jouer au VfL Bochum. Il y avec lui un joueur… marocain. C'est passé inaperçu, pour la simple raison que Mimoun Azaouagh, puisque c'est de lui qu'il s'agit, n'est pas actuellement international avec la sélection du Maroc." Anthar Yahia n'est pas le seul Maghrébin à jouer au VfL Bochum. Il y avec lui un joueur… marocain. C'est passé inaperçu, pour la simple raison que Mimoun Azaouagh, puisque c'est de lui qu'il s'agit, n'est pas actuellement international avec la sélection du Maroc. En homme hostile aux polémiques stériles, Azaouagh se fait discret sur ce sujet, même au sein de son club. «Du moment que je ne fais pas partie de la sélection marocaine, je n'ai pas à parler du match face à l'Algérie. C'est le moindre des respects par rapport à mes coéquipiers sélectionnés. Je ne peux pas parler à la place des acteurs de ce match», nous a-t-il déclaré posément. Pourtant, c'est un joueur qui ne manque pas de caractère, mais il est très respectueux des formes. «Le football maghrébin, ce n'est pas ça !» C'est en sa qualité d'observateur qu'il a accepté de nous livrer son impression sur le match aller, disputé à Annaba. Là, il nous a surpris par une déclaration que personne n'a osé faire publiquement après la rencontre : «J'ai été vraiment choqué par l'agressivité qui a caractérisé ce match. Vraiment, je n'ai reconnu ni l'équipe du Maroc ni celle de l'Algérie. Il y avait trop de duels, trop de virilité. J'ai cru suivre un match entre anglais ! Le football maghrébin, ce n'est pas ça. C'est la technique, l'inspiration, l'improvisation. Je pense que les deux équipes ont joué contre-nature et c'est ce qui a donné un match plutôt pauvre techniquement. C'est d'autant plus regrettable que nous sommes des frères. Je le dis sans démagogie aucune.» Pour le match retour, il espère évidemment que «les deux équipes jouent au football, se fassent plaisir et fassent plaisir à leurs supporters». «Gerets m'a appelé, je rejoindrai la sélection après le match de l'Algérie» Le match de Marrakech sera suivi par Azaouagh avec un œil triplement intéressé. D'abord, il est Marocain, même s'il est arrivé en Allemagne avec ses parents, alors qu'il était encore enfant. Ensuite, il y a son ami Yahia qui sera sur le terrain. Enfin, et ce n'est pas le moins intéressant dans l'affaire, il intègrera bientôt la sélection des Lions de l'Atlas. «Eric Gerets m'a appelé et nous avons discuté de la possibilité que j'intègre la sélection. Je lui ai donné mon accord. Il est probable que que cela se fasse après le match face à l'Algérie», nous a-t-il révélé. Cela confirme que Gerets tient à sa démarche de former une sélection du Maroc reposant sur une ossature de joueurs évoluant en Europe. «Yahia est un leader écouté et respecté» Sur sa relation avec Anthar Yahia, Azaouagh préfère nous laisser en témoigner. «Vous voyez que je suis attablé avec lui dans un café en ville. C'est dire que j'entretiens des rapports très amicaux avec lui, même en dehors des terrains. En plus d'être un bon joueur, c'est un leader qui est écouté et respecté. A Bochum, nous avons tous été fiers de son parcours durant les qualifications pour la Coupe du monde et au Mondial.» Yahia est aussi apprécié pour son côté humain. «J'aime beaucoup discuter avec lui. Je sens que je partage avec lui les mêmes valeurs, la même vision de la vie. Je vous le dis : les Algériens et les Marocains sont vraiment frères. Ce serait dommage qu'un simple match de football gâche tout ça.» «Amri, ça c'est un joueur !» Yahia n'est pas le seul joueur algérien que Azaouagh a côtoyé. Du temps où il jouait à Mayence, il avait croisé Chadli Amri au sujet duquel il ne tarit pas d'éloges. «Ça, c'est un joueur !», s'exclame-t-il en levant le pouce en haut. «Lorsqu'il démarre balle au pied, va le retenir ! Il te fait de ses dribbles incroyables. Il aurait mérité une très bonne carrière. Cette saison, il avait très bien débuté l'été dernier avec Kaiserslautern, mais il a été ensuite victime de blessures récurrentes. Il n'a vraiment pas de chance avec les blessures. Elles lui tombent toujours au moment où il revient bien.» Amri l'homme est tout aussi apprécié par Azaouagh. «Il est honnête, pieux, il a de l'humour. Et puis, quand il se met à chanter, c'est vraiment une belle voix (rire). J'espère vraiment qu'il reviendra bientôt en sélection d'Algérie.» ---------------------------------------------------------------- Quand deux Maghrébins parlent en allemand… Quand Anthar Yahia et Mimoun Azaouagh discutent, on dirait deux Allemands, tellement ils sont très à l'aise dans la langue de Goethe. Azaouagh a grandi en Allemagne et Yahia a fait de l'allemand à l'école. Seuls indices, en les écoutant discuter, on se rend compte qu'il s'agit bel et bien de Maghrébins : les «wallah» et «inch'Allah» dont ils ponctuent leurs propos. «Un Marocain qui ne parle pas français !» Yahia nous a révélé que la première fois qu'il a rencontré Azaouagh à son arrivée au VfL Bochum, il lui a parlé en français, mais il a été surpris de voir le Marocain lui dire qu'il ne comprenait pas. «Un Marocain qui ne parle pas le français ! Pour moi, qui a l'habitude de croiser les Marocains en France, ça m'avait paru bizarre. Lorsqu'il m'a dit qu'il était arrivé en Allemagne en étant encore bébé et qu'il n'a pas transité par la France, j'ai compris.» Incollable en tamazight Comme son nom l'indique, Azaouagh est un Amazigh (Berbère) du Maroc. Il est originaire du Rif et parle très bien tamazight. Il a été surpris de voir que nous pouvions échanger quelques mots avec lui. Du moins, mieux qu'avec Yahia. «Anthar m'a dit qu'il est originaire d'une région berbérophone de l'Est de l'Algérie et qu'il a des notions en tamazight, mais quand j'ai commencé à lui parler comme chez nous, il m'a dit en riant : «Ah, ce tamazight là, je ne le comprends pas !», raconte-t-il en rigolant. Azaouagh ne jouera qu'en Allemagne Au détour d'une conversation sur l'affaire des binationaux qui secoue la France, Azaouagh nous a avoué qu'il ne jouerait dans aucun pays d'Europe en dehors de l'Allemagne. «Ici, c'est le vrai professionnalisme. Tu es bon, tu joues. J'ai des amis qui sont allés tenter leur chance en Italie et en Grèce. Ils en ont été malades. Je ne me verrai jamais jouer hors de l'Allemagne. D'ailleurs, voyez vos compatriotes Yahia, Matmour et Amri : c'est ici qu'ils ont réussi.»