«Le pied gauche de Belhadj nous a fait très mal» «Avant de raccrocher, j'espère rejouer un jour contre l'Algérie» Lundi dernier, il faisait un froid de canard à la Ezeiza, le grand centre de la fédération qui abrite l'hôtel de la sélection, une batterie de terrains, le siège de la AFA et même une église pour les joueurs. Les journalistes avaient le droit d'assister au dernier quart d'heure de l'entraînement de l'Albiceleste et à la conférence de presse de Kun Agüero et Rojo. Le Buteur avait rendez-vous avec une vraie légende ici en Argentine : Javiez Zanetti. Avant même de prendre sa douche, le joueur le plus capé d'Argentine a juste le temps d'enfiler une parka et de venir répondre à nos questions. Avant que l'interview commence, il nous a demandé deux faveurs : faire un enregistrement audio au profit d'une association d'enfants orphelins et réaliser l'entretien à l'intérieur du vestiaire. «Je n'ai pas envie d'attraper froid à quelques heures d'un match important», nous a-t-il lancé avec humeur du haut de ses 38 ans (Ndlr : l'Argentine affronte aujourd'hui la Colombie à Santa Fe) On vous remercie d'avoir accepté de nous accorder cet entretien. On imagine que c'est la première fois que vous vous adressez à un média algérien… C'est la première fois en effet que j'accorde un entretien à un journaliste algérien, mais j'avoue que c'est un plaisir pour moi de m'adresser à travers votre journal aux Algériens qui, comme nous les Argentins, adorent le football. Finalement, ce sport magnifique peut unir deux peuples très éloignés géographiquement. L'Algérie vous rappelle sans doute un bon souvenir du Nou Camp. Vous vous rappelez encore de ce match ? Bien évidemment. Ce jour-là, on a eu toutes les peines du monde à battre des Algériens très difficiles et accrocheurs. On n'a pourtant jamais sous-estimé cette équipe qui a un passé dans le football et on a joué très sérieusement, car on avait besoin de gagner pour aborder la Copa América avec un bon moral. On a finalement réussi à le faire, mais après beaucoup d'efforts. Quel souvenir gardez-vous de cette équipe ? Je crois qu'en début de match, ils nous ont un peu trop respectés, mais par la suite, ils ont très bien réagi pour finir la première mi-temps avec un avantage de deux buts à un. En deuxième mi-temps, ils ont eu tort d'essayer de conserver le résultat et la qualité individuelle des joueurs argentins, notamment Messi, a fait la différence. Je me rappelle que la défense algérienne se regroupait très bien, fermait bien les espaces et partait très vite en contre, c'est cela qui nous a déstabilisés durant certaines périodes du match. Les joueurs algériens couraient beaucoup et dans tous les sens et cela a fini par nous pousser à nous révolter pour gagner. Vous vous rappelez sans doute de l'arrière gauche (Ndlr : Belhadj) qui vous a marqué deux buts et a réussi une passe décisive… Je me souviens surtout de son pied gauche et de ses centres. Oui, c'est un bon joueur. Pour moi, ce n'est pas un arrière gauche classique, plutôt un milieu très porté vers l'attaque. Et si l'on vous dit qu'il joue aujourd'hui au Qatar, vous seriez surpris ? Pourquoi devrais-je être surpris ? Chaque joueur doit gérer sa carrière comme il l'entend. S'il avait une proposition d'un grand club européen, il ne serait peut-être pas allé au Qatar. Personne ne peut dire que demain, il ne reviendrait pas en Europe. Malgré tout, cela ne change pas la bonne image que je garde de lui et de toute l'équipe algérienne. Trois années après ce match, les Algériens se sont qualifiés en Coupe du monde. Vous y attendiez-vous ? Sur ce qu'ils ont montré contre nous, il aurait été illogique qu'ils ne se qualifient pas en Coupe du monde. C'est ce que je me suis dit en fin de match : comment une équipe qui joue aussi bien n'était pas très connue à l'époque. Aujourd'hui, la qualification de l'Algérie en Coupe du monde prouve que le football algérien revient au plus haut niveau. Il faut maintenant confirmer en se qualifiant plus souvent aux grandes compétitions internationales et pourquoi pas faire mieux en se qualifiant aux 8es de finale. Le meilleur résultat de l'Algérie en Coupe du monde c'est un nul face à l'Angleterre… Même si un nul face à l'Angleterre est un excellent résultat, c'est peu pour espérer briller en Coupe du monde. J'ai l'impression que les Algériens ne se transcendent que face aux grandes nations et c'est une erreur. Pour espérer élever le niveau, il faut être régulier. Ce sera peut-être lors de la prochaine Coupe du monde. Vous savez, sur un match tout peut arriver et le meilleur exemple c'est ce début de Copa América avec notre nul contre la Bolivie et le nul du Venezuela contre le Brésil. En Serie A, il y a trois internationaux algériens : Yebda, Mesbah et Ghezzal. Les connaissez-vous ? Bien sûr que je les connais et ils sont tous les trois de très bons joueurs. Vous savez, pour être titulaire dans une équipe de première Division en Italie, il faut être fort, mais le plus régulier et le plus fort à mon avis reste Yebda de Naples. J'aime sa sobriété et son calme sur le terrain. Il a réalisé une bonne saison, à l'image de Naples qui s'est qualifié à la Ligue des champions. Savez-vous que Yebda ne restera pas à Naples ? Non, je ne le savais pas et j'en suis surpris. Comme je le disais tout à l'heure pour le joueur qui est parti au Qatar, il y a des décisions personnelles qu'on doit respecter, mais je ne suis pas inquiet pour Yebda, il trouvera un club à la mesure de son talent. Il a le niveau pour jouer dans les meilleurs clubs d'Italie. (A ce moment de l'interview, le responsable de presse de la Fédération argentine nous fera signe pour nous rappeler que les cinq minutes qui nous ont été accordées avaient pris fin, mais on a continué à en grignoter d'autres sans que cela dérange Zanetti.) Comment expliquez-vous les débuts laborieux de l'équipe d'Argentine ? Je vous disais tout à l'heure que sur un match, tout peut se passer si on n'est pas concentrés et sérieux durant les 90 minutes. Il n'y a plus d'équipes faciles, ça c'est une réalité et il est de plus en plus difficile de s'imposer, même à domicile. Le Brésil a également failli perdre contre le Venzuela, ce qui prouve que pour gagner un match dans le football d'aujourd'hui, il faut non seulement être le plus fort, mais aussi rester sérieux. En Argentine, on s'interroge si vous devez jouer comme le Barça ou pas… (Il s'emporte presque) Non ! Nous avons des joueurs différents, un style de jeu propre à nous, une culture footballistique argentine qui a fait ses prouves. Nous n'avons donc pas besoin d'imiter qui que ce soit. En plus, on ne peut pas jouer comme une équipe qui joue ainsi depuis de longues années. Pour faire le spectacle, bien jouer et gagner comme le Barça il faut du temps et c'est ce temps qui nous manque en sélection d'Argentine, d'où la nécessité de choisir une autre voie. Allez-vous enfin gagner la Copa América ? Je l'espère bien, parce que ce serait merveilleux de la gagner chez nous en Argentine. Mais je le dis encore une fois, on doit être très forts durant tout le tournoi pour espérer remporter un titre qui nous fuit depuis 1993. L'Argentine a vraiment besoin de gagner ce titre. Le 10 août prochain, vous aurez 38 ans, mais vous êtes toujours là au plus haut niveau. C'est quoi le secret de votre longévité ? Si on veut être utile pour son club et sa sélection, il faut beaucoup de sacrifices et une très bonne hygiène de vie. Je vis ce sport avec beaucoup de passion, c'est cela qui me permet de ne pas m'ennuyer des longs stages de préparation loin de ma famille à laquelle je rends hommage pour avoir supporté cette situation. J'espère avoir bientôt le temps de me reposer et de me consacrer complètement à ma famille qui en a besoin. Ça sera pour quand ? Ça va arriver, mais je ne veux pas y penser. J'essaye de profiter au maximum de tous les matchs, de toutes les séances d'entraînement qui me restent et de la bonne ambiance au milieu de mes coéquipiers. Le jour où tout doit se terminer, je dirai au revoir et merci à tout le monde. Avant de terminer, on va vous demander maintenant d'adresser un message au peuple algérien.. Oui, avec plaisir. J'embrasse tout le peuple algérien et je vous remercie de m'avoir donné cette possibilité de m'adresser directement à lui. Et puis, qui sait, un jour, on pourra encore affronter l'Algérie, que ce soit avec l'Argentine ou l'Inter. J'aurais beaucoup de plaisir à jouer de nouveau contre votre sélection.