Yahia en a ras-le-bol des petits rôles, Ziani ne veut pas perdre ses acquis financiers. Les joueurs algériens qui s'expatrient dans les pays du Golfe, ce n'est plus exceptionnel. Bien plus, cela semble devenir un phénomène à la mode. Il fut un temps où aller jouer dans la lointaine Arabie se faisait à la l'âge de la retraite, histoire de bien soigner ses fins de mois et mieux préparer sa fin de carrière. C'était, en général, le dernier contrat d'une carrière, celui où on pense au bien-être matériel après avoir bien soigné son palmarès. Or, on se retrouve à une époque où des footballeurs algériens rejoignent les «paradis fiscaux» du football avant même d'avoir bouclé la trentaine. Des mauvaises langues ont déjà trouvé un parallèle scabreux en ironisant sur cet épiphénomène qui touche les Verts : «Ce ne sont plus des Verts, ce sont des Billets Verts !» Allusion méchante à la couleur du dollar, la monnaie avec laquelle on paie - et en net, pas en brut - au pays des pétrodollars. Cette métaphore commence d'ailleurs à faire le tour du web. Pourtant, Belhadj, Meghni, Yahia et Ziani ne sont pas des faire-valoir Qu'est-ce qui fait donc que les pays du Golfe soient devenus un eldorado si précoce pour des joueurs qui, pourtant, ont évolué en Europe à un haut niveau, disputant même, pour certains, des compétitions européennes ? Souvenez-vous-en : Nadir Belhadj a été joueur de la grande équipe de Lyon qu'il y a quelques années, même s'il n'y a pas eu beaucoup de temps de jeu, a joué un match de Ligue des champions contre le grand Barça, a disputé la finale de la Coupe de la Ligue avec Lens, a été finaliste de la Cup anglaise avec Portsmouth et a inscrit des buts contre Liverpool et Arsenal, bien qu'il soit défenseur ; Mourad Meghni a été champion du monde des U18 en 2001 avec la France, a évolué à Bologne et à la Lazio et à joué des matches de l'Europa League ; Anthar Yahia a été international français dans les jeunes catégories et est même passé par l'Inter de Milan à l'âge de 19 ans ; Karim Ziani a gagné le titre de meilleur joueur de Ligue 2 française en 2006, a remporté la Coupe de France en 2007 avec Sochaux aux dépens de l'Olympique de Marseille, a joué dans le club marseillais dont il a été un titulaire durant la deuxième année, disputant 28 matches de championnat sur 38 et participant deux ans de suite à la Ligue des champions, et a été recruté par Wolfsburg lorsque ce dernier a été champion d'Allemagne en titre. Donc, même si ces quatre-là ne sont pas des stars mondiales, ce ne sont pas non plus des bras cassés (ou jambes cassées, plutôt), loin de là. Belhadj victime de l'endettement de Portsmouth, Meghni de sa longue convalescence Ainsi, si Belhadj, Meghni, Yahia et Ziani avaient voulu continuer de jouer en Europe, ils auraient pu le faire. Du moins, ils en ont le potentiel. Chacun d'eux peut quand même trouver place dans l'effectif d'un club moyen de Ligue 1 à tout le moins, si ce n'est plus. Or, chacun d'eux a vécu un contexte particulier qui l'a amené à faire le choix des pays du Golfe. Ainsi, Belhadj était propriété de Portsmouth qui était fortement endetté et qui était obligé de vendre ses meilleurs joueurs, entre autres le défenseur algérien, au meilleur prix. Or, si le Milan AC, par exemple, a consenti à payer les 8 millions d'euros réclamés pour le transfert du Ghanéen Kevin-Prince Boateng, qui s'était fortement illustré lors du Mondial-2010 avec sa sélection, aucun club européen n'avait voulu mettre sur la table 5 millions d'euros pour prendre Belhadj. Comme sa vente devenait une urgence et que Al Sadd avait proposé un montant supérieur aux 5 millions exigés, il a été transféré vers le club qatari. Meghni, qui relève d'une grave blessure qui l'avait mis out durant 18 mois, avait besoin d'un club pour relancer sa carrière et, faute d'une proposition sérieuse, il a opté pour Umm Salal qui s'était montré le plus intéressé et le plus pressant. D'ailleurs, le cas Meghni est à part puisque le joueur a clairement annoncé que Umm Salal ne sera qu'un tremplin pour mieux revenir en Europe. Il s'agit donc vraiment d'un challenge sportif plus que d'un intérêt financier. Yahia en a ras-le-bol des petits rôles, Ziani ne veut pas perdre ses acquis financiers Yahia, pour sa part, avait prolongé l'automne dernier son contrat avec le VfL Bochum, décrochant même, au passage, une substantielle augmentation salariale. Avec le statut de titulaire indiscutable et de vice-capitaine au sein de la défense du club allemand, il n'avait théoriquement pas à se plaindre. Or, comme il en avait un peu ras-le-bol de jouer pour le maintien ou l'accession dans les derniers clubs par où il était passé (Bastia, Nice, Bochum), il a tendu une oreille attentive à la proposition du Nassr, un club qui lui permet de joindre l'utile (jouer pour des titres en Arabie Saoudite et à l'échelle asiatique) à l'agréable (mieux gagner sa vie). Quant à Ziani, des propositions concrètes lui sont parvenues des Glasgow Rangers et du PSV Eindhoven, ce qui lui offrait l'opportunité de disputer une compétition européenne la saison prochaine, mais elles étaient financièrement bien en deçà de ce qu'il percevait à Wolfsburg, ce qui l'a amené à faire le choix de ne pas se brader et de préserver les avantages matériels qu'il avait acquis en Allemagne. A 29 ans au Golfe, un risque d'enterrement au «cimetière des joueurs» Nécessité économique pour les uns, besoin de se relancer pour les autres : chacun des nouveaux expatriés du Golfe a ses raisons, même s'il y en a que la raison ne comprend pas. La liste peut encore s'allonger puisque Madjid Bougherra fait l'objet, à son tour, de sollicitations très pressantes de quelques clubs du Golfe persique. Pour beaucoup d'observateurs et, plus généralement, pour l'opinion publique, ce n'est pas à 27, 28 ou 29 ans, quand on a de surcroît le statut d'international et qu'on peut jouer en Europe, qu'on part jouer dans des pays dont la réputation de «cimetière de joueurs» a été rarement démentie à ce jour. Certes, il y a eu l'Ivoirien Kader Keita, l'Algérien Djamel Belmadi, le Belge Emile Mpenza et le Polonais Jachek Bak, qui avaient fait un passage au Qatar avant de retrouver l'Europe, le dernier nommé ayant même conservé son statut de capitaine de la sélection polonaise durant cette période-là, mais ces cas constituent tout simplement les exceptions qui confirment la règle du caractère rédhibitoire d'un engagement dans un club des pays du Golfe. Djamel Belmadi nous avait avoué franchement dans une interview réalisée en 2007, lorsqu'il était à Southampton, que son niveau avait baissé lors de son passage au Qatar, où il avait évolué à Al Gharafa et Al Kharitiyath. Boudebouz, Lacen et Djebbour, les contre-exemples On pourrait expliquer cette «migration» de cadres de la sélection nationale par le fait qu'à l'approche de la trentaine, il est difficile de trouver un club preneur, surtout quand on a peu joué durant la saison ou qu'on est issu d'un club dit «modeste». On peut aussi comprendre que ces joueurs ne travaillent pas avec les grandes agences de joueurs qui, fonctionnant comme de grands lobbies, savent imposer leurs éléments dans les clubs de l'élite des pays européens. Cela sans négliger l'aspect financier qui devient une obsession pour certains à l'approche de la fin de carrière. Ce sont autant d'arguments à leur décharge. Cependant, il existe des exemples de joueurs algériens qui ont facilement trouvé des clubs cette saison : Medhi Lacen, qui s'était engagé dès janvier dernier, soit avant même la fin de la saison, à Getafe, et Rafik Djebbour qui a rempilé à l'Olympiacos Le Pirée avec des conditions financières encore plus avantageuses. Cela sans oublier Riad Boudebouz, qui fait l'objet de sollicitations de la part de grands clubs français et même du prestigieux Liverpool. Donc, jouer aux pays du Golfe n'est pas une fatalité quand on est Algérien. Ce qui est sûr, c'est que la rue algérienne grogne. Plus que de la colère, c'est un sentiment de profonde déception qui prévaut. Le peuple, qui a mis son équipe sur un piedestal, admet très mal qu'une année après avoir participé à la plus prestigieuse compétition de football, la Coupe du monde, des cadres des Verts «plongent» vers le championnat d'un pays qui n'a jamais participé à un Mondial. C'est toute la différence entre être et ne plus être. --------------- Ziani, 18e footballeur algérien au Qatar Avec la signature de Karim Ziani à Al Jaish, le nombre de footballeurs algériens ayant évolué dans un club qatari atteint 18. Le premier d'entre eux a été Lakhdar Belloumi qui avait rejoint Al Arabi en 1988, suivi trois années plus tard par Rabah Madjer qui s'était engagé avec Nadi Qatar, puis ce fut Rachid Amrane (Al Gharafa), Abdelhafid Tasfaout (Al Rayane), Djamel Belmadi (Al Gharafa et Al Kharitiate), Noureddine Driouèche (Al Arabi), Ali Benarbia (Al Sadd et Al Rayane), Karim Kerkar (Al Siliya), Ahmed Rédha Madouni (Al Gharafa), Billel Dziri (Al Sadd), Medhi Meniri (Al Khour), Rafik Saïfi (Al Khour), Boualem Khoukhi (Al Arabi), Yazid Mansouri (Al Siliya), Nadir Belhadj (Al Sadd) et Karim Boudiaf (Lakhwiya). L'avant-dernier est bien sûr Mourad Meghni, qui a signé à Umm Salal il y a quelques mois seulement. Benarbia et Amrane, les meilleurs Selon les médias qataris, les footballeurs algériens qui ont réussi le mieux au Qatar sont Rachid Amrane et Ali Benarbia. L'ancien avant-centre du MC Oran s'était illustré comme un redoutable buteur à Al Gharafa alors que l'ex-champion de France avec Monaco et Bordeaux avait fait le bonheur des deux meilleurs clubs du pays : Al Sadd et Al Rayane. 5 Algériens en même temps pour la première fois Un record sera battu cette saison dans le championnat du Qatar : pour la première fois, ils seront pas moins de 5 footballeurs algériens à évoluer dans le championnat du Qatar : les internationaux Nadir Belhadj à Al Sadd, Mourad Meghni à Umm Salal et Karim Ziani à Al Jaish, en plus de Boualem Khoukhi Al Arabi, qui s'était tellement illustré la saison passée avec Al Arabi que les responsables du football qatari lui ont proposé de le naturaliser, et Karim Boudiaf, champion du Qatar avec Lakhwiya. Le précédent record était de 4 Algériens dans le championnat qatari au cours de la saison 2003-2004 : Ali Benarbia, Djamel Belmadi, Karim Kerkar et Noureddine Drioueche.