«Halilhodzic a parlé en homme de terrain, mais la vérité se verra sur le rectangle vert» «Laissez-moi le dire et le répéter, des joueurs ne craignent ni les responsables de la FAF, ni le sélectionneur, ni même les supporters» Salah Assad, l'ancienne gloire de l'Equipe nationale et ancien ailier gauche du PSG dans les années 80, d'habitude un peu réservé, ne s'est pas empêché de parler de la situation attristante dans laquelle se trouve le football national. Tout le monde en a eu pour son grade. Du simple supporter, qui n'a toujours pas eu un comportement loin de tout reproche moral au stade, au président qui se «soucie plus du contenu de sa poche». Même le président de la FAF n'y a pas échappé. Appréciez ! Vous tenez absolument à rester loin du monde du football, malgré votre riche vécu footballistique. Pourquoi donc ? C'est la situation actuelle du monde du football qui fait que je me tienne loin du monde du football. Je pense que le football est investi par des personnes avec lesquelles je ne partage pas la même conception concernant la gestion du foot. Comment trouvez-vous les gens qui ont investi le football depuis quelques années ? Ceux qui gravitent autour du football aujourd'hui ont plongé le football dans une situation d'instabilité. On vit des feuilletons, la situation est franchement catastrophique. Tout cela ne me réjouit pas. C'est pour cette raison que j'ai préféré rester très loin des affaires du football. Pour être tranquille. Vous êtes revenu dans notre football, à une certaine période, peut-on envisager un autre retour en tant que dirigeant ou dans un staff technique ? Serait-ce un retrait définitif ? Comment voulez-vous que je revienne aux affaires du football dans une situation de chaos comme celle de nos championnats ? Les matchs sont combinés dès la première journée du championnat. Les présidents de club ne sont pas à la hauteur de leurs responsabilités. Une partie des supporters ont leur part de responsabilité. La moralité a disparu. Le football est devenu une revenu pour tous les présidents de club. Ils sont les premiers bénéficiaires de cette situation. C'est la politique «Bas-toi pour ta poche (adrab aâla djibek). On peut imaginer que malgré toutes vos critiques, vous suivez le parcours de l'EN qui n'est guère brillant, n'est-ce pas ? Comment voulez-vous que je trouve la situation de l'EN brillante, au moment où nous nageons dans une véritable anarchie ? Mauvaise organisation, absence de discipline. Avant le Maroc, ils ont programmé un stage en Espagne. Tout le monde savait que le gros de l'effectif allait être absent. Les professionnels arrivaient les uns après les autres. Il y en avait même qui sont arrivés la veille du départ pour le Maroc. Le comble, c'est que certaines familles de joueurs étaient présentes aux côtés des joueurs. Que faisaient-elles dans le groupe ? Qui les avaient autorisées à en faire partie ? Cela est inconcevable. Que faisaient les responsables de la fédération à ce moment-là ? Que pensez-vous du stage qui s'est déroulé en Espagne ? Un véritable gâchis. Les pros qui ont joué contre le Maroc ont pris une raclée. C'est comme si de rien n'était. Ils ne font même pas un passage par Alger. Ils ne ressentent aucune pression. Ils s'en vont directement pour prendre des vacances et reviennent tranquilles au prochain stage. Ces joueurs n'en ont cure de la réaction de l'entraîneur, des responsables de la FAF ou même des supporters. Avec ce type de joueurs, le stage en Espagne, c'est du gaspillage de l'argent du contribuable. Cela ne se passait pas de la même manière à notre époque. On voudrait bien revenir avec vous sur votre époque. Quand il y avait des défaites, comment était la réaction des responsables ? Les responsables de l'époque n'étaient pas à la hauteur. Nous formions une équipe de classe mondiale. Nous étions redoutés partout, nous étions les plus forts de l'Afrique. Je me souviens que les dirigeants du football et du sport en général nous avaient promis un million de centimes en cas de victoire contre l'Allemagne en phase finale de la Coupe du monde-82. Aujourd'hui, on parle de ch'kara (gros sachet plein de billets de banque) A votre avis, le problème est-il d'ordre organisationnel ? L'absence de discipline et la mauvaise organisation sont dues à l'incompétence des responsables du football. Les joueurs qui ont quitté le Maroc après la débâcle sans passer par Alger n'ont pas l'amour du pays. Ce n'était pas comme ça que cela devait se passer. Comment devaient-elles alors se passer ? Le stage aurait dû être programmé à Alger. Les joueurs auraient dû vivre la pression du public. Comme c'était le cas à Annaba. Les joueurs auraient compris que la responsabilité était très grande. Mais un stage en Espagne avec des joueurs qui arrivaient au petit bonheur la chance ne pouvait pas éviter le naufrage. J'ai aussi remarqué un phénomène étrange dans cette Equipe nationale. Dès qu'elle encaisse un but, il faut s'attendre très vite à une espèce de rupture totale. On a perdu par moments par quatre buts à zéro, le score aurait pu atteindre le chiffre de 8, sans que personne ne crie au scandale. Quelle explication donnez-vous à ce que vous appelez un phénomène dans cette équipe ? Parce que cette équipe ne ressent pas de pression à la veille d'un match aussi important que celui face au Maroc. Perdre par un but d'écart ou par sept buts d'écarts, c'est kif-kif. Ne pensez-vous pas que le niveau de certains joueurs a lourdement chuté ? Laissez-moi le dire et le répéter, des joueurs ne craignent ni les responsables de la FAF, ni le sélectionneur, ni même les supporters. Ces joueurs forment une Equipe nationale de niveau tout juste moyen. Ceux qui ont gonflé ces joueurs en les qualifiant de grands, ce qui n'est pas du tout le cas, ont aussi leur part de responsabilité. N'a-t-on pas entendu çà et là, avant le Mondial, des supporters dire que les Verts pouvaient remporter le Mondial ? Quand vous mettez à la disposition de cet effectif des moyens que des équipes de niveau mondial ne sont pas en mesure de s'offrir, il ne faut rien espérer en retour. Il se trouve certains qui pensent que la façon de recevoir ces joueurs à l'aéroport leur a donné la grosse tête. Quelle comparaison faites-vous avec l'accueil qu'on vous réservait dans les années 80 ? Rien à voir, aucune comparaison à faire. Je ne suis pas contre l' accueil en fanfare, nous sommes un peuple hospitalier et savons réserver le meilleur accueil, mais fau-il pour autant être un joueur de notoriété mondiale. Sur le plan technique, ces joueurs ne peuvent pas être comparés à nous. On était classés 11es mondialement. Et parmi les meilleurs en Afrique. Mais jamais on a été accueillis comme le sont ces joueurs de niveau moyen. Que diriez-vous de ces transferts en cascade des joueurs de l'EN ? Ceux qui sont choqués ou surpris par la nouvelle destination que viennent de prendre nos capés ne connaissent rien au football. S'ils avaient eu la possibilité de continuer leur carrière en Europe, ils ne seraient pas partis dans les pays du Golfe. Le joueur qui intéresserait le Bayern ou l'Inter ne va pas s'exiler au Qatar. Pour nos profs, c'était le Golfe ou rien. Comment aviez-vous réagi en apprenant que le capitaine de l'EN Antar Yahia a opté pour An Nasr Saoudi ? Mantakh laâtch (pas surpris). Ce joueur stagne depuis deux ans. Il n'a pas trouvé meilleur choix. Il s'est casé à An Nasr. Sans plus, il y a trouvé, comme les autres, son compte. Mais je reste persuadé que ces joueurs n'on t pas trouvé preneur en Europe, sinon, ils ne se seraient pas expatriés. Concernant le cas Ziani ? Si on suit le parcours de cet élément, on peut dire que c'est le cheminement logique de sa carrière. Il a des qualités, mais depuis trois ans, il fait du surplace. Du championnat de France, il passe en Allemagne où il ne joue pas. Il part en Turquie, cela ne s'arrange pas. Le Golfe lui ouvre ses portes, c'est une courbe régressive. On laisse entendre que pour les Yebda et Abdoun… (Il nous coupe) Abdoun a un bon niveau. Avec Boudebouz, ils représentent l'avenir du football algérien et de l'EN. Ils ont la magie du football à l'algérienne dans leurs pieds. Il faut savoir les gérer et faire en profiter l'EN. Ces deux seulement ? J'ai donné deux exemples. Je veux dire qu'il est temps que ces deux joueurs deviennent les piliers de notre Equipe nationale. A leur côté, il faudra mettre dans le bain de nouveaux jeunes. Vous êtes partisan de la politique de renouvellement de l'effectif ? Ceux sont les prérogatives du nouvel entraîneur. S'il a la possibilité de le faire, pourquoi s'en priver. Mais comme le niveau de notre championnat ne va pas se relever de sitôt, on peut penser que ça va être difficile. Peut-on connaître l'avis de Salah Assad au sujet de la nomination du nouveau sélectionneur ? Le discours du nouveau sélectionneur est celui qu'aiment entendre les amoureux du football. Sera-t-il en mesure de l'appliquer ? Je ne connais pas les joueurs sur lesquels il va se baser pour espérer la construction de son équipe. On ne doit pas aller vite en besogne. Donnons du temps à Halilhodzic avant d'émettre un quelconque avis. Il a utilisé des mots dans son discours que j'ai beaucoup apprécié. Dire maintenant si Halilhodzic va réussir dans le contexte actuel est quelque peu prématuré. Celui qui a renvoyé Saâdane et limogé Benchikha engage son entière responsabilité. En tant qu'Algérien, je serai très heureux de revoir l'Equipe nationale triompher de nouveau. Que faudrait-il donner à Halilhodzic pour qu'il réussisse son passage en Algérie ? Ce sélectionneur connaît son métier. Il était un bon attaquant au FC Nantes, il est un peu plus âgé que moi. C'est un homme de terrain. Je me demande si Halilhodzic est en mesure d'appliquer ses idées même si cela va déplaire à ces messieurs bien installés dans leur fauteuil. Voulez-vous être plus clair ? Certaines personnes gravitent autour de l'EN. Ils y ont installé leur nid et ils font la pluie et le beau temps. Ces personnes n'ont pas voulu que Boudebouz joue et ils ne veulent plus entendre parler de Abdoun. Ceux sont eux qui les ont écartés. On veut des noms ? Vous vous contenterez de ce que je viens de déclarer.