Depuis quelques mois, son nom revient souvent dans les médias africains. Pourtant, il y a un an, il était encore quasi-anonyme. Hervé Renard, le sélectionneur français de la Zambie, a su remettre l'équipe zambienne sur rails. Très populaire au pays de Kalusha Bwalya, il ne manquerait plus qu'il soit nommé citoyen d'honneur du pays. Si la sélection de la Zambie continue sur sa lancée, il n'en serait pas loin. «C'est Claude Le Roy qui m'a ramené en Afrique» Pourtant, rien ne prédestinait cet ancien joueur à faire carrière en Afrique. Joueur «moyen» à l'AS Cannes, comme il le reconnaît lui-même, il n'a joué que deux matches en Ligue 1, car il était difficile de s'imposer à l'époque face aux Stopyra et Luis Fernandes. «Je n'ai pas trop réussi en tant que footballeur, mais dès que j'ai choisi de me reconvertir en entraîneur, j'étais convaincu de réussir», confie-t-il. Le début de l'aventure sera avec Claude Le Roy qui le prit comme adjoint lorsqu'il avait exercé en Chine, de 2002 à 2004. «Cela s'était très bien passé. Nous avons gardé un souvenir fantastique de cette relation de travail et aussi de nos rapports en dehors des terrains de football, si bien que lorsqu'il avait été nommé sélectionneur du Ghana juste avant la CAN-2008 et qu'il m'avait sollicité pour être son assistant, je n'ai pas hésité un seul instant à accepter. J'avais déjà vu l'équipe du Ghana lors de la Coupe du monde de 2006, avec ses joueurs formidables comme Essien, Muntari ou Mensah. C'était une équipe formidable et cette proposition me donnait l'occasion de découvrir ce qu'est le très haut niveau.» «Bwalya cherchait un entraîneur et Le Roy lui a dit : ‘Prends Renard, tu me remercieras dans un an'» L'aventure aura été merveilleuse, surtout au plan populaire puisque le Ghana était le pays organisateur. La sélection ghanéenne n'a fini «que» troisième «et c'était un peu une déception car nous visions le titre carrément», mais l'expérience a été enrichissante. Renard a ainsi pris goût au travail en Afrique. Sa quête de découvrir des cultures différentes, de se rapprocher des gens et de s'imprégner des coutumes des autres lui fait aimer le continent. Sa décision de continuer l'aventure, si on lui proposait quelque chose de sérieux, est prise. Le «quelque chose de sérieux», c'était carrément le poste d'entraîneur en chef d'une sélection, celle de la Zambie. «Après avoir été élu président de la Fédération zambienne de football, Kalusha Bwalya se cherchait un successeur à la tête de la sélection. Il avait proposé le poste à Claude Le Roy, mais ce dernier s'est excusé tout en me proposant comme alternative. Il lui a dit : «Il a des qualités. Prends-le et, dans un an, tu me remercieras.» Allez donc demander à Kalusha Bwalya s'il a remercié Claude Le Roy (rire).» «Pour tout l'argent du monde, je n'arrêterai pas l'aventure avec la Zambie» Ce qui est certain, c'est qu'Hervé Renard n'est plus devenu un inconnu. Son nom est même cité dans la presse française et il a le profil pour entraîner un club français ou une sélection africaine plus huppée. Cependant, il ne s'enflamme pas. «Pour l'instant, ma priorité est d'aller au bout de mon contrat avec la Zambie. J'ai un groupe fantastique et je travaille dans un pays où les gens sont en ce moment extraordinaires avec moi. Bien sûr, c'est parce que nous gagnons et les choses seraient peut-être différentes si nous ne gagnions pas. Mais pour tout l'argent du monde, je n'arrêterai pas l'aventure avec la Zambie aujourd'hui. On verra ce qui se présentera à la fin du contrat. Pour l'instant, mon objectif est d'aller à la CAN-2010.» «Lorsque j'avais donné le onze rentrant face à l'Egypte, les gens étaient catastrophés» La CAN-2010 seulement ? Alors donc ! De l'avis de nombreux observateurs, l'équipe de Zambie a le potentiel pour aller plus loin, pourquoi pas en Coupe du monde. On n'impose pas le nul à l'Egypte au Caire par hasard ! Alors, Hervé Renard rusé comme Guy Roux ? L'intéressé s'en défend : «Lorsque j'ai joué contre l'Egypte, j'ai mis 5 nouveaux joueurs qui avaient participé à la CHAN-2009, donc 5 nouveaux joueurs locaux. J'ai su par la suite que, même en Zambie, les gens étaient catastrophés lorsque j'avais donné le onze rentrant. Or, mon rôle est d'aligner la meilleure équipe possible pour faire un bon collectif. Comment voulez-vous que je parle de Coupe du monde alors que la Zambie ne s'est jamais qualifiée auparavant à cette compétition ? Si, avant le dernier match contre le Rwanda, nous serions en position d'aller en Coupe du monde, bien sûr que je ne parlerai pas de Coupe d'Afrique, mais imaginez que nous soyons troisièmes avant d'aller au Rwanda et que nous perdions là-bas 2-0. Nous serions alors éliminés de toutes les compétitions. Donc, je reste humble et je garde les pieds sur terre.» «L'Algérie et la Zambie, c'est incomparable» Ambitieux, Hervé Renard l'est forcément, surtout depuis qu'il est en Afrique. «Dès que j'avais mis le premier pied sur le continent, j'avais décidé d'entraîner un jour une grande sélection africaine. Je ne m'en cache pas et je n'ai pas peur de le dire. Mais si on me le proposait maintenant, je refuserais car c'est trop tôt pour moi, d'une part, et j'ai une mission à terminer, d'autre part.» L'Algérie, cela l'intéresserait ? «Oui, fortement. C'est un pays de football. En toute honnêteté, peut-on comparaître l'Algérie et la Zambie au plan des moyens et du potentiel ? Combien de joueurs algériens jouent dans des clubs de première division en Europe ? Combien de joueurs zambiens ont évolué en Europe ? Il y a seulement Christopher Katongo à Arminia Bielefeld, Jacob Mulenga qui avait fait un passage l'année dernière à Strasbourg et aussi un joueur qui est blessé et qui évolue à Helsinborg, en Suède. Point barre. Donc, je ne tiens pas un discours à la Guy Roux. Je suis simplement réaliste : la Zambie n'a pas de grands joueurs. Elle a seulement une bonne équipe.» «Pour moi, la chaleur humaine est plus importante que le chèque» Renard a une équipe et pas des individualités et il semble s'en contenter. «Il faut qu'un coach extérieur vienne passer une journée avec nous. Il verra à quel point le groupe est extraordinaire, avec un excellent état d'esprit», insiste-t-il. Il prend comme exemple Mbesuma, l'attaquant qu'il avait incorporé quelques minutes avant la fin de la première mi-temps face au Rwanda et qu'il avait sorti au milieu de la deuxième mi-temps. «C'est un joueur qui était à Portsmouth il y a quelques années mais qui, pour différentes raisons, n'avait pas su exploiter son potentiel, ne jouant qu'un seul match avec le club anglais. Cette saison, il a terminé meilleur buteur du championnat d'Afrique du Sud avec plus de 30 buts. Certes, le championnat sud-africain n'est pas le meilleur au monde, mais il faut les mettre, ces buts. Vous savez ce qu'il m'a dit lorsque je l'ai sorti ? «Pas de problème, coach.» Des joueurs comme ça n'existent plus. Maintenant, les joueurs ont la grosse tête très tôt parce qu'ils gagnent beaucoup d'argent.» La complicité qu'il entretient avec ses joueurs contribue à renforcer cette relation de confiance. Renard est de ces entraîneurs qui parlent longuement à chacun, qui plaisantent parfois avec les joueurs, leur tapotent sur le dos pour les rassurer. «Je fais cela de manière naturelle. Si, un jour, je prends une équipe où les joueurs sont différents et où il n'y a pas de chaleur humaine, je partirais car être là juste pour toucher un chèque à la fin du mois ne m'intéresse pas.» «Claude Le Roy aurait aimé entraîner l'Algérie» Au contact de Claude Le Roy, Renard a pu mesurer son désir d'entraîner l'Algérie. «Claude est arrivé en Afrique en 1986, à l'époque où l'Algérie était une grande équipe. Il y avait Assad qui était au PSG, Madjer, Belloumi, Kourichi, sans oublier le meilleur d'entre tous, Dahleb. Un entraîneur, par définition, aimerait entraîner de grands clubs ou de grandes sélections. C'est donc naturellement qu'il a aspiré entraîner une grande nation telle l'Algérie. Cela ne s'est pas fait car les circonstances ne s'y étaient jamais prêtées. Lorsque le poste de sélectionneur était libre, Le Roy était sous contrat et lorsque ce dernier était libre, il y a avait un sélectionneur en poste.» Lui, en revanche, compte postuler un jour pour le poste. «Ce qui m'intéresse en l'Algérie, c'est le potentiel du pays en matière de joueurs et, surtout, l'existence de joueurs formés en France et, par conséquent, dotés d'une culture tactique. C'est important pour faire un collectif performant. Et puis, cela m'intéresserait de découvrir la culture algérienne de l'intérieur. Je connais celle des émigrés algériens en France, mais je sais qu'elle n'est pas tout à fait la même que celle des Algériens qui vivent en Algérie. Cela dit, ce n'est pas encore à l'ordre du jour.» La proximité de la France, son pays, est également un facteur favorable, mais pas décisif. «Je peux me contenter d'aller trois semaines par an en France. Donc si je venais en Algérie, c'est pour le challenge sportif, pas pour me rapprocher de mon pays.» A 41 ans, Hervé Renard a de l'ambition. Les Algériens espèrent cependant que ce ne sera pas à leurs dépens, du moins cette fois-ci. F. A-S. De nos envoyés spéciaux en Afrique du Sud : Redouane Bouhanika et Farid Aït Saâda