«Mon mariage n'a rien à voir avec le recul de mon niveau.» «Un usurpateur agit en mon nom sur Facebook.» Présent à Doha, capitale du Qatar, avec son club, Eintracht Frankfurt, pour un stage hivernal en prévision de la deuxième moitié de la saison, Karim Matmour a eu l'occasion de découvrir un nouvel environnement et de retrouver des coéquipiers en sélection. A cœur ouvert, il se livre sur son actualité, celle de la sélection et les perspectives d'avenir. Tout d'abord, un mot sur le stage que vous avez effectué avec Eintracht Frankfurt à Doha... Je pense qu'il s'est déroulé dans de très bonnes conditions. Le climat ici est formidable, surtout lorsque l'on sait qu'en Europe, et plus précisément en Allemagne, il règne en ce moment un froid glacial avec d'importantes chutes de neige. C'est ce qui avait poussé la direction du club à chercher un endroit plus approprié afin d'effectuer un stage dans les meilleures conditions possibles en réparation de la deuxième partie de la saison. Ici, les terrains et les moyens sont excellents, peut-être même bien meilleurs qu'en Europe. Avez-vous atteint les objectifs assignés à ce stage ? Certainement. Avec tous les moyens mis à notre disposition, j'imagine que le résultat ne peut être que positif. Sur un plan personnel, ce stage m'a été très bénéfique car cela fait deux ans que je n'avais pas effectué une préparation d'une telle qualité. J'étais à chaque fois lié par des obligations envers la sélection nationale ce qui faisait que je ne rejoignais mon club qu'au milieu ou à la fin de la préparation. Donc, ce stage m'a beaucoup servi et je sens aujourd'hui que je suis mieux préparé que je ne l'étais. Pourquoi avez-vous choisi de jouer dans un club de la deuxième division allemande alors que vous avez le potentiel pour évoluer en Bundesliga ? C'est un choix que j'ai fait par conviction. Je voulais repartir de zéro. J'avais eu un passage à vide avec mon ancien club. J'ai eu des propositions de clubs de la Bundesliga l'été passé, mais je les ai repoussées car je ne voulais pas me précipiter à aller dans un grand club dans lequel je n'aurais peut-être pas l'opportunité de jouer comme titulaire. Eintracht Frankfurt est un grand club. Ce n'est pas parce qu'il est en deuxième division que son équipe est faible. Tout le monde connaît la valeur de ce club qui a un passé en Allemagne et même en Europe. C'est pour cela que je dis que je suis très bien dans ce club. De plus, si nous accédons en Bundesliga au bout de cette saison, il est certain que la cote augmentera. Doit-on comprendre que vous voulez évoluer étape par étape ? Oui. Si j'ai choisi ce club, ce n'est pas pour me faire un nom. Je veux rebondir avec Eintracht. Après quoi, toutes les portes me seront ouvertes. Quelle est votre situation au sein de votre équipe ? Cela se passe bien pour moi. J'ai été bien accueilli par tout le monde, que ce soit la direction, l'entraîneur ou les autres joueurs. Je n'ai aucun problème. Il me reste juste à m'imposer au sein de l'équipe. Vous avez signé un contrat de un an renouvelable. Continuer avec votre club dépendra-t-il de l'accession en Bundesliga ou bien êtes-vous prêt à rempiler même pour jouer une nouvelle saison en deuxième division ? En toute franchise, je ne veux pas anticiper les choses. Certes, tout dépendra de l'accession, mais si cela n'arrive pas, on en reparlera en temps voulu avec la direction du club. S'il y a accord avec elle, je ne vois pas d'inconvénient à poursuivre l'aventure. Attendons la fin de la saison pour y voir plus clair ! Croyez-vous que Eintracht Frankfurt a des chances d'accéder au vu de la concurrence féroce des autres clubs ? Certes, la concurrence est forte et notre club est le favori pour l'accession, mais notre ambition n'est pas seulement d'accéder. Nous voulons être champions de la deuxième division. Nous avons perdu le dernier match avant la trêve, mais nous sommes proches de la première place. Nous occupons la troisième place avec trois points de retard sur le leader (Fortuna Düsseldorf, ndlr). L'équipe est en train de bien travailler et chacun est déterminé à réaliser des résultats positifs. Il reste encore 15 matches. Tout peut arriver. J'espère que les choses se dérouleront comme prévu et que nous pourrons remporter le titre. Pourquoi avoir choisi de jouer en Allemagne plutôt qu'en France ou dans un autre pays ? Le championnat allemand est l'un des plus performants en Europe. Il y a des infrastructures de très haut niveau. Je ne vous cache pas que j'avais pensé, à une certaine période, retourner en France ou jouer en Angleterre, mais des circonstances m'en avaient empêché, en plus du fait que mon ancien club, le Borussia Mönchengladbach, n'avait pas voulu me lâcher. Qui sait ? Peut-être retournerais-je en France un jour. Tout est une question de destin et de mektoub. Avez-vous des regrets ? Non, jamais dans ma vie je n'ai regretté une décision que j'ai prise . Comment est votre relation avec votre entraîneur ? Excellente. Il n'y aucun problème entre nous. Certains font remarquer que votre niveau a baissé depuis que vous vous êtes marié. Qu'en pensez-vous ? Je ne le crois pas. Le public peut dire n'importe quoi, mais je ne suis pas d'accord sur le fait que mon mariage ait un rapport avec mon niveau de jeu. Lorsque Nadir Belhadj avait signé au Qatar, il avait subi des critiques une semaine après. Aujourd'hui, c'est l'un des meilleurs joueurs du championnat du Qatar. Je comprends la réaction des gens, mais croyez bien qu'après les éliminations pour la CAN-2010 et le Mondial-2010, tout le monde avait ressenti une grande fatigue. C'était un parcours dur et éreintant et cela s'est répercuté sur la forme physique de tous les joueurs et non pas de Matmour uniquement. C'est vrai que l'année 2011 n'a pas été à la hauteur de mes ambitions personnelles, mais j'espère que l'année 2012 sera bien meilleure pour moi. Je donnerai le meilleur de moi-même, avec l'aide de Dieu. 2011 a été très mauvais pour moi, mais je ne regrette rien. J'ai la conscience tranquille. Je continue de travailler sans perdre espoir et je répondrai tôt ou tard à mes détracteurs. Un commentaire sur le travail qu'est en train d'effectuer Vahid Halilhodzic ? Halilhodzic a tout changé, surtout la mentalité des joueurs. Il a créé une concurrence pour les places au sein de la sélection de manière à ce qu'aucun joueur ne puisse se targuer d'être un titulaire indispensable. A mon sens, cela poussera chacun à redoubler d'efforts. Cela ne pourra être que bénéfique pour la sélection. Qu'avez-vous découvert à travers sa méthode de travail ? Avec sa méthode, il est en train de provoquer une vraie révolution dans le fonctionnement de la sélection. Cela est de bon augure et confirme que la sélection reviendra fort avec le nouveau coach. Peut-on comprendre que la manière de jouer de l'équipe a changé ? Oui, c'est ce que je voulais dire. La manière de jouer de la sélection a changé en mieux. Nous devons profiter de cette amélioration afin de travailler davantage. Il ne faut pas s'arrêter au dernier match face à la République centrafricaine. Il faut ambitionner de réaliser de meilleurs résultats lors des éliminatoires pour la CAN-2013 et le Mondial-2014. Comment expliquez-vous le recul du niveau et des résultats de la sélection après la Coupe du monde en Afrique du Sud ? Je pense que nous avions fait un pas de géant en nous qualifiant en un court laps de temps et à la CAN-2010 et au Mondial-2010. En vérité, personne ne s'était préparé à gérer ce cap. Par la suite, il nous a fallu du temps pour que chacun de nous se corrige. Un joueur est avant tout un être humain qui est soumis à des émotions et à des influences. Tout est rentré dans l'ordre à présent et chacun de nous est conscient de ses responsabilités. Désormais, nous n'aurons aucune excuse. Etes-vous optimiste quant à l'avenir des Verts ? Oui, je suis optimiste. Jamais je n'ai été inquiet quant à la situation vécue par l'équipe ces derniers temps. Je savais que c'était juste un passage à vide. J'ai pleinement confiance en la capacité de l'équipe à dépasser ses difficultés. Pour preuve, beaucoup de joueurs ont retrouvé leur niveau en sélection. Vous avez travaillé avec Saâdane, Benchikha et Halilhodzic. Avez-vous ressenti des différences dans leur style ? Il est clair que chaque entraîneur a sa manière propre de travailler. Je ne veux pas dire qu'untel est meilleur qu'untel, mais je peux dire que chacun d'eux était le mieux indiqué pour la période dans laquelle il avait travaillé. Actuellement, nous travaillons avec Halilhodzic qui nous a bien expliqué sa méthode travail et ce qu'il faut faire pour réussir. De ce fait, chacun de nous est conscient de ses responsabilités. Nous n'avons qu'à redoubler d'efforts pour donner de la joie à nos supporters qui attendent beaucoup de nous. Maintenant que plusieurs mois sont passés après la lourde défaite de l'Algérie au Maroc, pourriez-nous nous expliquer les causes de cette débâcle inattendue ? Je ne peux pas dire que j'ai complètement oublié ce match, mais je dirai que j'ai tourné la page. Cela relève désormais du passé et nous devons nous tourner vers l'avenir car des échéances importantes nous attendent. Le jour où nous aurons à affronter le Maroc, là il faudra nous souvenir du match de Marrakech afin de nous motiver à laver l'affront. Vous attendiez-vous à une telle défaite ? Franchement, je ne m'attendais pas à une défaite par quatre buts. Cela dit, une défaite reste une défaite, que ce soit par un but ou quatre buts d'écart. Le public algérien doit savoir que nous avons été très affectés par ce résultat car nous sommes algériens avant tout. Qui doit assumer la responsabilité de cette défaite, selon vous ? Je ne veux imputer la responsabilité à personne. Je suis un joueur comme les autres. J'ai joué la deuxième mi-temps. Je pense que tout le monde a une part de responsabilité. Pensez-vous que la sélection a le potentiel de refaire le scénario d'il y a trois ans et se qualifier pour le Mondial-2014 ? Avant cela, nous avons des qualifications pour la CAN-2013. Il nous est demandé de jouer nos chances à fond en nous inspirant de l'esprit d'Oum Dourman afin de prouver que notre qualification au Mondial-2010 n'était pas le fruit du hasard. Tout le monde veut jouer une autre Coupe du monde, mais avec l'espoir cette fois-ci de réaliser de meilleurs résultats et de passer le premier tour. Un mot sur la non-participation de l'Algérie à la CAN-2012 qui est en train de se dérouler en ce moment ? Nous n'étions pas préparés pour les qualifications qui avaient débuté quelques semaines après la fin de la Coupe du monde. L'Algérie n'est pas la seule grande nation africaine à être absente de cette CAN. Il y a aussi le Cameroun, l'Afrique du Sud, le Nigeria et l'Egypte. Un commentaire sur la signature de Djamel Mesbah à l'AC Milan ? Je suis très content pour lui. Je crois sincèrement que Mesbah est un exemple à suivre car il est calme et travaille sans faire de bruit en faisant preuve de beaucoup de patience. Plutôt que de se presser, il a patienté et, aujourd'hui, il récolte les fruits de sa patience. Pensez-vous qu'il y a d'autres joueurs algériens qui ont le potentiel pour jouer dans de grands clubs européens ? Oui, nous en avons certainement. Ils ont juste besoin d'être orientés et bien conseillés sur la meilleure manière de gérer leur carrière. Par exemple, je reconnais avoir commis une erreur en étant au Borussia Mönchengladbach car je voulais jouer rapidement pour un grand club. Cela m'a poussé à me corriger en repartant de zéro en deuxième division afin de rebondir, puis d'aspirer signer dans un grand club. Le football requiert de la patience. Il ne faut jamais oublier que nous sommes des Africains et, qu'à ce titre, nous devons faire nos preuves plus que les autres. La stabilité est un paramètre très important et Mesbah en est le parfait exemple. Lui qui a su patienter, le voilà aujourd'hui récompensé. L'avez-vous appelé pour le féliciter ? Franchement, pas encore pour la simple raison que je savais qu'il croule sous les messages de félicitations. Je l'appellerai plus tard, mais cela ne m'empêche pas de le féliciter déjà à travers les colonnes de votre journal. Avez-vous profité de votre présence au Qatar pour rendre visite à vos coéquipiers Madjid Bougherra, Karim Ziani, Nadir Belhadj et Mourad Meghni ? Evidemment ! Je leur ai rendu visite. De plus, j'ai eu l'occasion d'assister à des matches de Ziani et Bougherra. Franchement, j'ai été agréablement surpris par le niveau technique. Nous avons longuement discuté de tout et avons évoqué les souvenirs des bons moments passés en sélection. Etes-vous intéressé par le championnat du Qatar ? J'ai eu l'occasion de suivre quelques matches de visu et je ne vous cache pas que le niveau m'a plu, ainsi que le travail effectué par les joueurs. Je ne sais pas ce que me réserve le destin, mais je pense jouer encore en Europe pour quelques années. Après, on verra bien. Un mot pour conclure ? Je veux juste dire que je ne fais pas souvent la une des journaux et que je comprends, par conséquent, la réaction du public algérien après ma signature dans un club de la deuxième division. C'est difficile de tout expliquer en quelques lignes, mais les gens doivent savoir que Matmour sait ce qu'il fait. Avec le temps, ils comprendront mon choix, comme cela a été le cas avec Belhadj qui a prouvé qu'il a eu raison de jouer au Qatar où il a gagné la Coupe d'Asie, une première pour un joueur algérien, et remporté la troisième place au Mondial des clubs, ce qui est une grande performance. ----------------------------------------- «Un usurpateur agit en mon nom sur Facebook» En marge de l'interview que Karim Matmour nous a accordée, il a tenu à évoquer un sujet hors football : l'exploitation malveillante qu'un usurpateur fait de son nom et de son image sur Facebook. «Quelqu'un a usurpé mon identité et est en train de se faire passer pour moi sur une page Facebook en utilisant des photos personnelles de moi. Cela m'a beaucoup nui et m'a créé beaucoup de problèmes. C'est très grave et je ne vais pas me taire. Je vais trouver cette personne et porter plainte. Usurper l'identité d'autrui est puni par la loi. J'ai saisi mon avocat qui a entamé les démarches légales à ce sujet», a-t-il dénoncé, afin de mettre en garde les Algériens sur le contenu de cette page : «Je me démarque de tout ce qui est publié en dehors de mon site officiel. Je n'ai jamais donné de rendez-vous à quiconque par internet, que ce soit une fille ou un garçon. C'est insensé qu'un joueur connu puisse donner rendez-vous sur une page Facebook !»