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Fabregas : «Tu vois jouer Zidane et tu as vite envie d'acheter tous ses DVD pour bien apprécier»
Publié dans Le Buteur le 23 - 02 - 2012

«Au Soudan, j'ai aimé l'agressivité des joueurs algériens et leur incroyable public. Ce fut brutal !»
«Après des débuts difficiles, Feghouli est en train de faire parler de lui en Espagne»
Depuis quelques années, le Barça plane sur le football espagnol et mondial en raflant presque tous les titres mis en jeu. De l'avis de tous, dans cette machine à gagner des titres, il y a un extraterrestre appelé Messi et deux cerveaux Xavi et Iniesta sans qui, rien ne marche comme le veut Guardiola. Ou plutôt rien ne marchait, car depuis l'été dernier, l'entraîneur barcelonais peut désormais se permettre le luxe de se passer des services de l'un de ses deux cerveaux : Xavi ou Iniesta parce qu'il possède un troisième cerveau dans son équipe : Cesc Fabregas. A chaque match, ce Catalan pure souche s'affirme comme un élément de base dans le jeu du Barça marquant et offrant des buts, défendant et attaquant à la fois. Aujourd'hui, on a compris à Barcelone pourquoi Guardiola a insisté tant pour arracher Cesc à Arsenal car en plus de ses grandes qualités de footballeur, Cesc présente un avantage que peu de joueurs avaient au mercato d'été : c'est un enfant de la Masia imprégné viscéralement de la culture du Barça qui donne autant d'importance à la victoire qu'à la qualité du jeu offert. C'est ce joueur-là qui nous a accordé quelques minutes de son précieux temps le jour du match Catalogne–Tunisie. Malgré une timidité apparente, Cesc n'était pas très mal à l'aise face à la caméra et à nos questions, même les plus embarrassantes. Appréciez l'échange !
On vous remercie d'avoir accepté de vous adresser au peuple algérien et maghrébin à travers cette interview…
C'est moi qui vous remercie de m'avoir permis de le faire. C'est avec un grand plaisir que je m'adresse au peuple arabe.
Vous avez travaillé sous les ordres de deux grands formateurs qui aiment les jeunes. C'est quoi la différence entre la méthode Wenger et la méthode Guardiola ?
En fait, il n'y a pas une grande différence entre eux. Ce sont deux entraîneurs qui aiment avant tout le football et le beau jeu. Tous les deux parlent beaucoup avec les joueurs et ont continuellement un œil sur le centre de formation pour pouvoir donner leur chance aux jeunes. C'est pour cette raison que je vous disais que Arsène et Pep se ressemblent beaucoup et vivent à fond leur passion pour le football.
Lorsque vous êtes arrivé au Barça, le club était à son apogée. Ne craignez-vous pas que votre retour à Barcelone soit associé à la fin d'une époque dorée et au début du déclin ?
Lorsque je suis retourné à Barcelone, je n'avais pas le temps de faire ce genre de calcul. Et puis, j'ai déjà gagné trois titres après quelques mois seulement passés au club (Ndlr : La super coupe d'Espagne, la super coupe d'Europe et la Coupe du monde des clubs). L'apogée ou le déclin d'un club ne peut pas être associé à la venue ou au départ d'un seul joueur. Au cours de mes premiers entraînements avec le Barça, je n'ai pas eu l'impression que ce club avait tout gagné. L'entraîneur maintient la pression au quotidien pour qu'on ne baisse pas les bras. Je crois aussi que si le club a recruté Alexis et moi-même et qu'il a promu les jeunes Thiago, Fontas, Cuenca et les autres, c'est pour continuer à gagner. Tous ces joueurs ont eu un temps de jeu assez important déjà. Enfin, je crois que gagner trois titres sur les trois mis en jeu veut dire beaucoup de choses sur la mentalité qui prévaut au Barça. Donc, je n'ai rien à craindre de ce côté.
Parmi les trois titres déjà gagnés cette saison, la Coupe du monde des clubs. Vous avez battu Al Sadd et Santos sur le même score (4 à 0), cela veut-il dire que les Qataris avaient le même niveau que Santos et qu'ils pouvaient se hisser jusqu'en finale ?
Vous savez, dans le haut niveau, si tu n'es pas prêt physiquement et mentalement, tu peux avoir de mauvaises surprises. Si on a pu écarter Al Sadd c'est parce qu'on a respecté cette équipe en préparant ce match de la meilleure manière et en restant concentrés à 100% durant tout le match. On savait que les Qataris possédaient de très bons joueurs à l'image de Niang, Keïta et l'arrière gauche algérien. Comment il s'appelle ?
Belhadj…
Voilà ! Belhadj que je connaissais déjà lorsqu'il jouait à Portsmouth. Un très très bon joueur. Avec tous ces éléments, on aurait pu avoir de mauvaises surprises.
Belhadj est à sa deuxième saison au Qatar. Pensez-vous qu'il a encore le niveau pour rejouer en Europe ?
Oui sans aucun doute. Je me souviens très bien de lui en Angleterre. Les gens parlaient de sa technique, mais pour moi Belhadj est physiquement très fort, c'est une bête. Avec ces qualités, il peut rejouer sans problème en Europe.
A Arsenal, vous avez joué avec deux Maghrébins, Samir Nasri et Marouane Chamakh. Quels étaient vos rapports avec eux ?
Je suis très ami avec eux. Mes rapports avec eux étaient excellents, pas seulement sur le terrain mais aussi dans la vie de tous les jours. Même lorsque j'ai quitté Arsenal, je suis resté en contact avec eux puisqu'on parle souvent au téléphone.
Jusqu'à maintenant ?
Oui, oui ! On parle au moins une fois par mois. Ça ne fait pas longtemps, lorsque je me suis déplacé à Londres, j'ai pu voir Chamakh et discuter longuement avec lui. Sur le plan humain, Marouane et Samir sont deux personnes merveilleuses. Je suis vraiment fier d'être leur ami.
Avant chaque match, les deux joueurs font des prières. N'avez-vous jamais été curieux de savoir ce qu'ils disent ?
Même si ce sont mes amis, je n'ai jamais osé leur demander des choses qui ont un rapport avec la religion parce que je considère que c'est un truc personnel. J'imagine toutefois que cela les aide beaucoup dans leur concentration. Je sais qu'ils sont très croyants et le fait de prier leur donne beaucoup de force durant le match pour se donner à fond.
Vous avez un tatouage en arabe sur votre bras. Qu'est ce qui y est écrit ?
Hayati et Ila el abad (Ndlr : Il le prononce assez bien en arabe), c'est-à-dire, ma vie pour toujours. Je ne sais pas si je l'ai bien prononcé (il rit franchement).
Vous étiez très apprécié en Algérie et au Maghreb jusqu'à votre altercation avec Kanouté qui nous a beaucoup déçus, mais une fois que vous avez expliqué que vous êtes incapable d'insulter les Arabes et les musulmans parce que la femme que vous aimez est elle-même arabe, on vous a tout pardonné… Comment
en êtes-vous arrivés là ?
Je vous confirme que ma fiancée est arabe, mais je crois que cette altercation avec Kanouté a pris des proportions énormes qu'elle n'aurait jamais dû prendre. Au lendemain de notre altercation, j'ai parlé directement avec Kanouté et il m'a assuré qu'il n'avait jamais dit que j'avais insulté sa race ou sa religion. Un petit journaliste malin a glissé une phrase selon laquelle j'aurais insulté Kanouté et les musulmans. C'est archi faux et j'ai tenu à mettre tout au clair le lendemain car je ne voulais pas que les musulmans pensent que je leur ai manqué de respect. Kanouté a été le premier à le démentir sur son Twitter et j'en ai fait de même moi aussi et la vie continue. Le monde du football est comme ça, une toute petite chose peut prendre des proportions dangereuses, mais pour moi, la page a été vite tournée. Kanouté est une personne tellement humble et un joueur tellement grand que je n'oserai jamais l'insulter.
Vous nous avez demandé de ne pas vous parler de votre fiancée. Vous allez nous dire au moins quelques mots en arabe qu'elle vous a appris…
(Il rit) Je n'en connais pas beaucoup. Voyons, je connais hayati, habibi, salam alikoum. Y a aussi le truc que vous m'aviez dit avant l'interview, mais que j'ai déjà oublié.
Choukran…
C'est ça oui. Je suis très mauvais dans la langue arabe, mais j'avoue que j'aime bien les Arabes.
En parlant des Arabes et des Algériens, il y en a un qui a laissé sa trace dans le football espagnol : Zinédine Zidane. Que pensez-vous de lui ?
Oufffff ! C'est un joueur différent, spécial. Tu vois jouer Zidane et tu as vite envie d'acheter tous ses DVD pour bien l'apprécier car on ne se fatigue jamais de voir et revoir Zidane sur un terrain de football. En plus, il a un respect admirable pour tout le monde.
Auriez-vous aimé jouer à ses côtés ?
Bien sûr, mais j'ai déjà eu la chance de jouer contre lui lorsque j'étais à Arsenal. On les a éliminés en 8e de finale de la Champions league avec toutes leurs stars, Zidane, Ronaldo, Raul, Robinho… Cette année-là, nous avons atteint la finale que nous avons perdue contre le Barça.
Comment le gamin que vous étiez regardait Zidane sur le terrain ?
Avec beaucoup de respect et beaucoup d'admiration. C'est quand même l'un des meilleurs joueurs de l'histoire de ce sport qui était en face de moi. Vous savez, on ne joue pas contre Zidane tous les jours. C'était un rêve.
Connaissez-vous les Algériens qui jouent en Liga : Feghouli, Yebda, Lacen et Cadamuro ?
Je connais Lacen et Feghouli, mieux que les autres. Feghouli est en train de réaliser une très bonne saison à Valence. Au début, on ne comptait pas trop sur lui, mais il est en train de s'imposer petit à petit en jouant beaucoup de matchs et en marquant des buts. Il joue dans l'une des meilleures équipes d'Espagne et les gens parlent très bien de lui. Lacen est très difficile à jouer, c'est un joueur combatif qui ne lâche rien et qui est toujours derrière toi. Lacen ne te laisse même pas respirer, il n'est pas aisé de jouer contre lui.
Ce soir vous aurez l'occasion de connaître des joueurs maghrébins puisqu'avec la sélection catalane vous allez affronter la Tunisie. Savez-vous quelque chose du football tunisien ?
On sait beaucoup de choses sur la Tunisie. Peut-être qu'on ne connaît pas les joueurs de nom, mais on sait qu'on aura en face une équipe coriace ce soir. Vous savez, on n'est pas champions d'Afrique par hasard (Ndlr : Cesc parle des locaux tunisiens vainqueurs du CHAN-2011). Le match sera très compliqué ce soir, c'est certain.
Après la Tunisie, souhaiteriez-vous jouer un jour contre l'Algérie ?
Sincèrement oui et je vais vous dire pourquoi. Il n'y a pas si longtemps, j'ai vu cette équipe éliminer une équipe africaine importante de la Coupe du monde. Je ne rappelle plus le nom de l'adversaire des Algériens…
L'Egypte ?
Exactement. Ce match-là pouuuf ! Une intensité incroyable. Jamais vu un match aussi intense. J'ai beaucoup aimé ce match.
Qu'avez-vous aimé dans cette équipe algérienne ?
L'agressivité des joueurs. Ils ne reculaient devant rien pour se qualifier au Mondial. Et le public, je ne vous dis pas, il était extraordinaire, brutal.
L'été prochain, il y aura l'Euro. Si l'Espagne le remporte, ce sera historique avec trois titres majeurs remportés consécutivement par une même sélection. Y pensez-vous ?
Nous y pensons et nous sommes confiants. Mais nous allons surtout travailler pour que cet objectif soit possible. Cette fois-ci, ce sera encore plus difficile pour nous car les équipes adverses et leurs sélectionneurs nous connaissent bien et ils vont essayer de jouer d'une manière qui ne nous arrange pas. Mais l'envie est là car on sait que si on gagne encore l'Euro, ce sera un truc grandiose.
Comment peut-on avoir encore envie quand on a tout gagné ?
C'est vrai que les gens peuvent dire parfois. «Ah, ils ont tout gagné, ils sont rassasiés, il n'ont plus envie.» Mais c'est justement le fait de gagner qui te donne cette envie de vouloir gagner encore et encore. Quand on gagne, on est en confiance, on est relax mais très motivés. On a même l'impression parfois que ça marche tout seul.
Qui va gagner le Ballon d'Or ?
Leo sans aucun doute. C'est lui le meilleur de tous. Si je dois miser sur quelqu'un, je miserai sur lui.
Et Xavi, il ne le mérite pas ?
Vous m'avez dit qui va gagner le Ballon d'Or et je vous ai dit Messi. Vous ne m'avez pas demandé qui le mérite. Si on prend la trajectoire de Xavi ces quatre dernières années avec tous les titres qu'il a gagnés et tous les matchs qu'il a joués à un très haut niveau, c'est vrai qu'il mérite lui aussi de gagner le Ballon d'Or. Mais il est très difficile de prendre le Ballon d'Or à Messi. Si Xavi le gagne un jour, ce serait une reconnaissance pour lui, mais aussi pour tout le football espagnol car Xavi représente le mieux le football espagnol triomphant de ces dernières années.
(A ce moment, l'attaché de presse de la fédération catalane nous fait signe d'arrêter pour laisser Cesc rejoindre sa chambre et préparer le match de la soirée) Merci beaucoup Cesc pour cette interview.
Merci à vous.


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