«J'ai refusé de quitter la JSK en 1990 car je voulais la Coupe d'Afrique» Stefan Zywotko a gagné deux Coupes d'Afrique des clubs champions. C'est loin d'être banal. Sur le plan de la quantité, seul Mahieddine Khalef a fait pareil (une Coupe d'Afrique des clubs champions et une Coupe de la CAF). Ces sacres constituent deux des plus beaux souvenirs du Polonais avec la JSK, mais il y a comme un goût d'inachevé. «J'ai un regret, un seul : ne pas avoir remporté une troisième Coupe d'Afrique. Cela m'est resté en travers de la gorge car, avec l'effectif qu'avait la JSK à l'époque, il y avait largement de quoi réussir cette performance, n'étaient les jeux de coulisses dont nous avons été victimes», martèle-t-il. Il est vrai qu'à l'époque, voyager en Afrique était loin d'être simple. La gestion des compétitions était moins professionnelle et moins rigoureuse que maintenant et gagner à l'extérieur relevait de la gageure dans beaucoup de cas. «Le gardien de but a plaqué Aouis, mais c'est Aouis qui a été expulsé !» Si les éliminations à des stades plus ou moins avancés des compétitions africaines étaient plus ou moins acceptables, deux d'entre elles l'ont été, en revanche, de manière scandaleuse, selon notre interlocuteur. La première a été lors de l'édition de 1984, en demi-finale de la Coupe d'Afrique des clubs champions face au Zamalek d'Egypte. «Nous avions gagné au match aller à Tizi Ouzou 3-1, après avoir encaissé bêtement un but évitable (un corner avait été tiré sans résultat par les Egyptiens, mais une boîte à chique, lancée par un supporter vers le point de corner, a amené l'arbitre à ordonner de le refaire tirer et c'est là que le défenseur central du Zamalek a marqué de la tête, ndlr). Au match retour, j'ai assisté à un arbitrage comme je n'en ai jamais vu du Mauricien Edwin Picon : un but accordé aux Egyptiens, alors qu'il y avait un hors-jeu de 10 mètres, des fautes non sifflées en notre faveur, jeu dur de l'adversaire sous l'œil bienveillant de l'arbitre… Le comble de tout cela est qu'à un moment du match, Kamel Aouis était lancé vers le but du Zamalek et le gardien de but adverse est sorti carrément de sa surface de réparation et a plaqué notre attaquant. Vous savez quelle a été la décision de l'arbitre ? Carton rouge… pour Aouis !» Résultat de la mascarade : une victoire 3-0 du Zamalek, une élimination amère pour la JSK et… une participation de Picon à la Coupe du monde de 1986. «Comme le siège de la CAF se trouve en Egypte, Picon avait été «récompensé» pour services rendus à l'Egypte en étant sélectionné pour le Mondial. Cela se passait comme ça.» «L'arbitre assistant avait dit à Larbès : «Courez comme des chiens, mais vous ne vous qualifierez jamais !»» Le deuxième scandale a lieu à l'été 1986. La JSK sortait d'une saison glorieuse avec un doublé championnat-Coupe d'Algérie et des statistiques affolantes. C'était difficile de battre cette équipe-là. «Notre adversaire en quart de finale, l'Espérance de Tunis, a joué à 14 contre 11. Pourquoi ? Parce que Larbès, à un moment où il allait faire une touche, s'est vu dire par l'un des arbitres assistants : «Vous aurez beau courir comme des chiens, vous ne vous qualifierez jamais !» Il le lui a dit et je l'ai entendu du banc des remplaçants. Vous devinez donc le topo du match : tout pour les Tunisiens et si peu pour les Algériens, juste pour sauver les formes. On nous a même privés d'un penalty valable durant ce match. C'était cauchemardesque ! Cette élimination-là, je ne l'ai pas avalée, car nous étions franchement supérieurs à l'Espérance.» «Kenneth Kaunda jonglait avec le ballon avec arrogance» Cette hostilité récurrente affichée dans certains pays africains à l'égard de tout ce qui est algérien n'a fait que le conforter dans son désir de remporter un autre titre continental, après celui de 1981. En 1990, l'équipe est arrivée jusqu'en finale, mais une victoire étriquée (1-0) au match aller au stade du 5-Juillet face aux Nkana Red Devils de Zambie rendait le retour problématique. Le spectre du mauvais arbitrage pesait sur les têtes. «Savez-vous ce qui a motivé les joueurs le plus ? C'est de voir le président de Zambie de l'époque, Kenneth Kaunda, entrer sur le terrain en arborant le maillot du club local et se mettre à jongler avec le ballon et tirer dans le but vide. J'ai dit aux joueurs : «Etes-vous prêts à accepter cette arrogance ? Si vous vous sentez battus avant même d'entrer sur le terrain, inutile même de jouer ! Ils ont compris le message et se sont vraiment donnés à fond, tous, comme des lions. Nous l'avons emporté aux tirs au but. C'était l'un de nos matches les plus glorieux.» Un match d'autant plus glorieux qu'à la fin, il y a eu une réception et le président Kaunda a reconnu la supériorité de la JSK. «Avec fair-play, il nous a félicités. Il ne savait pas que c'est lui qui, indirectement, nous a motivés», conclut-il avec le sourire. F. A-S. «J'ai refusé de quitter la JSK en 1990 car je voulais la Coupe d'Afrique» Alors que le duo Khalef-Zywotko cartonnait fort et semblait indéboulonnable, l'impensable est arrivé à l'été 1990 : Mahieddine Khalef a quitté la JSK, club qu'il a servi comme joueur, comme entraîneur-joueur et comme entraîneur. «Des émissaires d'un club émirati voulaient recruter le staff de la JSK, quel que soit le prix à mettre. Moi, je ne voulais pas partir parce que nous étions bien partis dans la Coupe d'Afrique des clubs champions et il me tenait à cœur de remporter un deuxième, voire même un troisième titre africain. Khalef, lui, a accepté», se souvient Stefan Zywotko. Pourtant, la JSK avait remporté le titre de champion et tout baignait dans l'huile d'olive au sein du club, sauf qu'une nouvelle loi régissant le sport avait été promulguée. En vertu de cette loi, les entreprises se désengageaient des clubs et ces derniers étaient appelés à trouver leur propres sources de financement. Ne voulant pas vivre une expérience où il fallait plus penser à chercher de l'argent qu'à se concentrer sur le football, Khalef avait préféré partir. * «Fergani était préparé pour me succéder, mais il a succédé à Khalef» Pour le remplacer, un homme qu'on avait «préparé» pour la fonction depuis quelques années : Ali Fergani. «Depuis sa retraite de footballeur, Ali avait été désigné pour chapeauter les jeunes catégories pour s'aguerrir. Dans ma tête, c'est lui qui allait me remplacer à mon départ, car il était clair dans ma tête que, vu mon âge, c'est moi qui devais partir en premier», raconte l'entraîneur polonais. Mais voilà que c'est Khalef qui est parti en premier. Qu'à cela ne tienne : le plan de «succession» est respecté et c'est Fergani, ancien joueur et capitaine du club et aussi capitaine de la sélection nationale au Mondial-82, qui intègre le staff technique pour constituer un duo avec Zywotko. «Je m'entendais bien avec lui. Il y avait un respect et une entente mutuels. Le bilan de notre collaboration est forcément positif puisque nous avons remporté ensemble une Coupe d'Afrique des clubs champions.» Reste qu'il y a eu une crise quelques mois plus tard, avec comme conséquence le départ de Fergani. «Il y a eu quelques problèmes et il a décidé de partir. Dommage car je voulais continuer avec lui. Peut-être voulait-il prendre un club où il travaillerait seul… En tout cas, je garde un bon souvenir de cette période.» Zywotko a continué durant deux mois seul entraîneur de la JSK. Il a qualifié l'équipe pour la finale de la Coupe d'Algérie qu'il a perdue face à l'USM Bel-Abbès. Puis, il est reparti en Pologne. F. A-S.