«Ça m'exaspère qu'on ne parle de l'Italie qu'en termes de scandales.» «Contrairement à Nasri, Balotelli a une forte personnalité et un gros mental.» Deux Polonais surprennent Khalef avec une photo d'époque. Cela fait trois semaines que nous croisons Alessandro Altobelli, que ce soit dans les stades à l'occasion des matches de l'Euro-2012 ou bien dans le hall de l'hôtel où il est hébergé, mais il était à chaque fois impossible de réaliser une interview avec lui. Non pas qu'il oppose un refus — bien au contraire, il nous lance tantôt un «Ciao !» tantôt un «Bonjour !» à chaque fois que nous le croisons, en souvenir du match de charité organisé à Alger par Rabah Madjer sous l'égide de l'Unesco —, mais il se trouve qu'il ne parle que l'italien. Il ne comprend pas le français ou l'anglais, encore moins l'arabe, si ce n'est quelques mots ou expressions usitées. Hier, nous avons pu, enfin, l'interviewer grâce à l'aimable concours de Mohamed Bachir Boukebda, un Libyen qui travaille comme interprète au bureau d'Al Jazeera Sport en Italie. Cela tombe bien puisqu'il y a Allemagne-Italie ce soir, au stade national de Varsovie, en demi-finale de l'Euro-2012. L'occasion pour Altobelli de remettre à leur place tous ceux qui n'ont parlé de l'Italie qu'en termes de scandales et de tricherie. En votre qualité d'ancien international italien, comment voyez-vous la demi-finale Allemagne-Italie de ce jeudi ? Comme toutes les demi-finales, ce sera certainement un match très serré. Si ces deux sélections en sont à ce stade de la compétition, c'est qu'elles l'ont mérité et qu'elles sont, donc, performantes. Chacune a ses points forts et ses points faibles. A mon sens, les points forts de l'Allemagne sont son milieu de terrain et son attaque, mais elle souffre de quelques problèmes au niveau de la défense, un compartiment où elle est moins solide. L'Italie, en revanche, a une défense très solide et un milieu de terrain performant. Il lui manque juste d'être plus efficace en attaque. Vous ne voulez pas avancer un pronostic ? Si on se réfère aux confrontations passées entre l'Allemagne et l'Italie, l'avantage est aux Italiens qui, historiquement, ont souvent pris le dessus sur les Allemands dans les grands tournois (phases finales des Coupes du monde et des championnats d'Europe). Si on se réfère aux résultats de chacun lors de cet Euro-2012, l'Allemagne a gagné tous ses matches, ce qui en fait, sur le papier, le favori du match. Moi, je dis que ce sera équilibré et que ça pourrait se jouer au mental. Ne pensez-vous pas que l'Italie est la vraie bonne surprise de cet Euro, que ce soit au niveau des résultats ou de la qualité de son jeu offensif ? Pour qui connaît bien les Italiens, c'est loin d'être une surprise. Dans les grands rendez-vous, ils savent se surpasser et être là. Exception faite du Mondial-2010, ils se sont chaque fois distingués lors des grands tournois en passant au moins au second tour. Quels que soient les problèmes qu'il puisse y avoir, l'Italien fait montre de fierté dans les occasions exceptionnelles, à plus forte raison lorsqu'on ne l'attend pas. Pour moi, le parcours de l'Italie est loin d'être une surprise, même si je sais que beaucoup de mes compatriotes s'attendaient à ce que leur sélection soit sortie dès le premier tour. Justement, personne n'attendait l'Italie à pareille fête surtout qu'il y a eu le scandale des matches truqués. Vous avez disputé et remporté, en 1982, la Coupe du monde dans un contexte similaire, avec des affaires de paris truqués dont l'un des condamnés a été Paolo Rossi, qui avait fait de la prison juste avant. Pensez-vous que l'Italie, cette fois aussi, ira au bout ? La sélection d'Italie a besoin de motivation pour être performante. Il est clair que les soupçons de tricherie qui ont entaché le football italien ont affecté les joueurs et les ont poussés à se surpasser afin de répondre sur le terrain à ceux qui ont douté de leurs performances. C'est aussi leur manière de répondre à tous ceux qui parlent des scandales du football italien plutôt que du terrain. Moi aussi, ça m'exaspère. Comment ça ? Ça m'exaspère que, depuis le début de l'Euro, les médias internationaux ne parlent que des affaires lorsqu'ils évoquent le football italien. Comme s'il n'y avait que ça ! Il y a des affaires partout et pas spécifiquement en Italie. Ce qui me réjouit, c'est que la sélection est en train de donner la preuve qu'elle peut jouer au football et gagner en pratiquant du beau football. C'est déjà une très grande victoire pour le football italien. Pour le reste, que le meilleur gagne ! Le staff technique italien et les médias appréhendaient beaucoup, avant l'Euro, la réaction de Mario Balotelli, connu pour ses sautes d'humeur, ses manquements disciplinaires et son côté irascible. Finalement, c'est le Français Samir Nasri qui a eu des problèmes avec les médias et avec certains de ses coéquipiers. Ne pensez-vous pas que Balotelli a fait preuve de plus de sagesse en répondant à ses détracteurs sur le terrain ? Non seulement il a fait preuve de plus de sagesse, mais il a géré son «statut» d'homme à problèmes avec beaucoup plus de maturité que l'a fait Nasri. Pour moi, c'est à ce niveau que se situe la différence entre les deux : Balotelli a plus de personnalité et un plus gros mental que Nasri. --------------- Deux Polonais surprennent Khalef avec une photo d'époque Quelle ne fut la surprise de Mahieddine Khalef de se voir hier abordé par deux Polonais ! Au départ, il croyait qu'ils cherchaient un renseignement, mais ce n'était pas cela. «Pouvez-vous nous signer un autographe ?», lui a demandé poliment l'un d'eux, en anglais. Nous lui avons traduit en français la requête et l'ancien sélectionneur s'est exécuté de bonne grâce. Daker et Michael avaient ramené une photo de Khalef posant avec la Coupe d'Algérie remportée par la JS Kabylie en 1986, année d'un mémorable doublé. «C'est une belle photo que moi-même je n'ai pas. Comment l'avez-vous eue ?», leur a demandé Khalef. «Nous l'avons trouvée sur Internet et l'avons imprimée sur papier photo», a répondu Michael. «C'est une personnalité qui a révolutionné le football» En fait, Daker et Michael sont des collectionneurs d'autographes et ils ont su, à travers la presse locale, que Khalef était entraîneur de la sélection d'Algérie lors du Mondial-82, avec une victoire mémorable contre la RFA à la clef. «Nous sommes venus exprès jusqu'à l'hôtel pour qu'il nous signe des autographes. Pour l'Histoire, c'est une personnalité qui a révolutionné le football mondial», nous ont-ils expliqué. Ils ont imprimé la photo avec la coupe en croyant qu'il s'agissait d'un trophée gagné par Khalef avec la sélection algérienne. «Nous reviendrons pour des photos du Mondial-82» Ils ne comptent pas en rester là ! «Nous avons des photos de vous durant le Mondial-82, mais nous ne les avons pas ramenées avec nous. Pouvons-nous revenir pour que vous les signez ?», lui ont-ils demandé. «Avec plaisir !», leur a-t-il répondu, leur donnant rendez-vous pour samedi. «Vous voyez bien que, quand on fait du bon travail, il y a une reconnaissance au niveau international. C'est gratifiant. C'est surtout gratifiant pour l'image de l'Algérie», nous a-t-il confié. Même Vieira l'a sollicité pour une photo souvenir ! En fait, Daker et Michael ne sont pas les premiers étrangers qui sollicitent Mahieddine Khalef pour une photo. Juste avant le début de l'Euro-2012, alors que l'Algérien s'était présenté au centre d'accréditation de l'IBC (International Broadcasting Centre, le centre où étaient regroupés les studios des chaînes de télévision détentrices des droits de retransmission des matches de l'Euro), il avait croisé Patrick Vieira. «Nous avons discuté un peu et, lorsqu'il a su que j'étais l'entraîneur de la sélection d'Algérie lors du Mondial-82, il m'a surpris en me demandant de prendre une photo souvenir avec lui. Non seulement ça m'a ému, mais ça m'en rendu fier pour mon pays. Pourtant, Vieira est un ancien champion du monde et ancien champion d'Europe, mais il connaît la valeur des personnes, ce qui n'est malheureusement pas toujours le cas en Algérie», nous a-t-il confié avec amertume. --------------- La talonnade de Madjer A 100% devant ! C'est un combat de poids lourds auquel on assistera ce soir. Deux adversaires qu'on préfère toujours éviter lors des tirages au sort. Mais là, il s'agit d'une demi-finale et il n'y a plus rien à choisir. C'est pour ce genre de matchs qu'on aime le football. Quand ça se joue sur des détails de déconcentration d'un dixième de seconde. Quand la victoire devient une affaire d'Etat. Quand un simple sport déchaîne les passions des peuples aux quatre coins de la Planète. C'est ça la magie du football. J'adore le moment où le défenseur ne comprend pas la feinte de son vis-à-vis qui le déborde et centre pour l'avant-centre qui enflamme le stade. Ce soir donc, les clés de la rencontre seront multiples. Les deux sélections se connaissent et se respectent. Ça va jouer devant et à fond la caisse et je ne veux pas penser que les Italiens vont retourner à leurs «vieux démons» défensifs. Je dis cela, car Cesare Prandelli a quelques soucis derrière, en raison des probables forfaits de Daniele De Rossi et de son latéral droit Ignazio Abate, en plus de Giorgi Chiellini qui n'a pas encore rassuré totalement son médecin. Et, dans un match pareil, on ne peut pas se permettre de jouer à 90% de ses moyens. D'ailleurs, Joachim Löw l'a bien signifié en disant qu'il n'alignera que ceux qui sont à 100% prêts. Prandelli doit trouver, donc, les bons quadrillages pour stopper les mouvements de Mesut Özil en état de grâce cette saison. Mais la force des Allemands réside, surtout, dans leur solidarité. Löw a su comment transmettre à ses joueurs l'importance de la complémentarité au service de l'équipe. Ils seront emportés aussi par la dynamique de leurs victoires dans cet Euro. La loi du haut niveau n'autorise pas l'erreur. Mais les Italiens aussi ont prouvé qu'ils sont capables d'affoler les défenses adverses, grâce à un génie dont on minimise à mes yeux le mérite : Mario Balotelli. Quand je pense qu'il n'a encore que 21 ans ! Ajoutez lui les quatre champions du monde que sont Buffon, Barzagli, De Rossi et surtout Pirlo, auteur de 146 passes contre l'Angleterre. Je suis vraiment indécis dans cette rencontre. Mais il y a tout de même une certitude de taille : le vainqueur fera un beau finaliste !
