«L'Algérie ? Je me déciderai sérieusement quand je gagnerai ma place à Granada» Yacine Brahimi avait tout d'un futur grand, sauf que deux paramètres ont freiné son éclosion : une méchante blessure à la cuisse gauche, qui l'a tenu éloigné des terrains durant plusieurs mois, et une incompatibilité d'humeur avec l'entraîneur de Rennes, le très caractériel Frédéric Antonetti, qui avait tout fait pour le garder dans son effectif en 2011, avant de juger, ces derniers mois, qu'il n'avait pas besoin de lui. C'est de l'Antonetti tout craché. A quelque chose malheur est bon : cela lui permet de débarquer dans le championnat des champions du monde et d'Europe, l'Espagne, où il compte rattraper le temps perdu et démontrer que le talent qu'on lui a toujours prêté et l'avenir radieux qui lui était promis n'étaient pas un feu de paille. Il y a deux ans, on le comparait encore à Ribéry Il y a encore deux ans, Brahimi était l'un des jeunes joueurs les plus suivis en France et même à l'étranger. Brillant avec les sélections de France de jeunes grâce notamment à un alliage efficace de technique et de vitesse, on le présentait comme un futur Ribéry, tant son style de jeu ressemblait à celui du Français : explosivité, sens du débordement et faculté à s'extirper des petits espaces. D'ailleurs, Brahimi a évolué à Rennes, son précédent club, à la Ribéry : droitier, il préfère prendre le couloir gauche afin de rentrer sur son pied droit. A Granada, il retrouvera Yebda, un «double compatriote» Au Granada CF, auquel il a été prêté, il ne sera pas vraiment dépaysé. Non seulement il y a plusieurs francophones au sein de l'effectif, mais il retrouvera même un «double compatriote», Hassan Yebda, ancien international français des jeunes catégories et actuellement international algérien. Les deux hommes ne se sont pas encore vus du moment que Yebda est en train de poursuivre en France la rééducation de son genou blessé, il y a 8 mois, mais il est clair qu'ils se découvriront des amis et connaissances en commun et, pourquoi pas, une envie commune de jouer pour le pays de leurs ancêtres. C'est que tout l'enjeu est là pour de nombreux Algériens : Brahimi va-t-il enfin jouer pour l'Algérie ? Sa priorité immédiate : redevenir compétitif et enchaîner les matches Il est trop tôt pour y répondre et ce pour une raison très objective : cela fait longtemps qu'il n'a pas joué plusieurs matches de suite et la priorité de ses priorités est de gagner sa place et d'enchaîner les matches. Au point où en sont les choses, même s'il accepte de venir chez les Verts, Vahid Halilhodzic ne le prendrait pas puisqu'il y a longtemps qu'il n'a pas joué. Donc, retrouver la compétition et être régulier est l'ambition immédiate du joueur. Laisser passer la CAN-2013 pourrait aussi être une priorité car quand bien même Brahimi voudrait jouer pour l'Algérie, le Granada CF verrait certainement d'un mauvais œil qu'il s'absente un mois en janvier pour jouer la Coupe d'Afrique des nations en même temps que Youssef El Arabi. S'il participe à la CAN, Granada pourrait ne pas lever son option d'achat Youssef El Arabi était international marocain lorsqu'il est arrivé, alors que Brahimi est officiellement français de nationalité sportive. Comme l'Algérien se trouve seulement en prêt à Granada, le fait d'abandonner le club durant un mois pourrait pousser ce dernier à ne pas lever son option d'achat à la fin de la saison. En somme, Brahimi ne dirait pas non aux Verts, mais pas dans l'immédiat. Ses priorités, dans l'ordre, sont : jouer, enchaîner les matches, s'imposer et convaincre. Quand il deviendra incontournable au sein de son équipe, tout sera plus facile. Comme Feghouli et Belfodil, il dira oui quand il sera prêt Il suffit juste de ne pas le bousculer et respecter le timing qu'il s'est fixé pour défendre les couleurs algériennes, sans pour autant compromettre sa carrière en club. C'est ce qu'ont fait Sofiane Feghouli et Ishak Belfodil, qui n'ont dit oui à l'Algérie que lorsqu'ils se sont sentis prêts et qu'ils se sont débarrassés du chantage indirect dont ils étaient les otages dans leurs anciens clubs. Pour ce faire, Brahimi doit reconquérir son statut de joueur talentueux. F. A.-S. «L'Algérie ? Je me déciderai sérieusement quand je gagnerai ma place à Granada» Après un long feuilleton estival, vous avez pu quitter Rennes pour rejoindre le meilleur championnat au monde, la Liga espagnole, en signant à Granada. Comment cela s'est-il fait ? Etait-ce un choix délibéré de jouer en Espagne ? Je pense que le football pratiqué dans le championnat d'Espagne est celui qui correspondait le mieux à mon style de jeu. Je suis donc content et enchanté d'être là, à Grenade, en Espagne. J'espère que nous allons faire une très bonne saison. Pour vous, est-ce une promotion que de passer de la Ligue 1 française à la Liga espagnole ? La Ligue 1 reste un très, très bon championnat. Cela dit, c'est vrai que les championnats d'Espagne et d'Angleterre sont très médiatisés et plus exposés. Est-ce une promotion de jouer en Liga ? Je ne le sais pas vraiment. Quand j'aurai joué et, surtout, quand j'aurai prouvé, je pourrai répondre à cette question. J'étais dans un bon club, Rennes, et je viens dans un bon club espagnol, Granada. J'attends de finir la saison pour savoir si cela donnera des résultats. La saison dernière, Granada a échappé de très peu à la relégation, et la direction du club a veillé à renforcer l'effectif cette saison. Youssef El Arabi et vous-même avez été recrutés pour régler les problèmes offensifs dont avait souffert l'équipe. Etes-vous conscient que c'est une responsabilité et qu'on attend beaucoup de vous ici à Grenade ? Comme tout joueur, j'ai des responsabilités. J'espère que je vais apporter le maximum à cette équipe de Granada afin de faire la meilleure saison possible. Vous êtes arrivé en même temps que Youssef El Arabi qui avait évolué en Ligue 1, à Caen (la saison passée, il avait joué à Al Hilal d'Arabie Saoudite). Certes, il y a déjà des joueurs francophones à Granada, mais c'est mieux d'avoir à ses côtés quelqu'un avec qui on a des choses à partager, n'est-ce pas ? C'est vrai que je connaissais déjà Youssef avant. Cela facilite l'intégration dans un groupe. Il y a d'autres joueurs que j'ai retrouvés, comme Pape Diakhaté. Il y en a d'autres qui m'ont très bien accueilli au sein du groupe. Je tiens à les remercier tous très chaleureusement car ils ont vraiment facilité mon intégration en m'accueillant ainsi. Il y en a un que vous n'avez pas encore rencontré puisqu'il est en train de se soigner en France : Hassan Yebda. L'avez-vous croisé du temps où il jouait en Ligue 1 française ou en France tout simplement ou bien serait-ce la première fois que vous allez le rencontrer ? Attendez-vous cela impatiemment ? A vrai dire, je ne le connais que de nom. Je ne le connais pas plus que ça. Je vais apprendre à le connaître lorsqu'il va revenir. C'est vrai que ce sera intéressant de parler à un joueur comme lui. Vous avez eu tous deux des parcours similaires : internationaux dans les sélections françaises de jeunes, titulaires indiscutables dans ces sélections, ayant débuté en France pour vous retrouver tous deux en Espagne et même dans le même club... Pensez-vous que vos destins se sont croisés ? Je ne pense pas que nous ayons le même parcours. Chacun de nous a sa carrière. Hassan a son parcours, moi j'ai le mien, tout simplement. Maintenant, on se retrouve ici. Ce sont les aléas de la vie, rien de plus. Quelles sont vos ambitions avec Granada cette saison ? Retrouver du temps de jeu et tourner définitivement la page sombre de la blessure qui vous avait tenu éloigné des terrains durant de longs mois la saison dernière ? Ma principale ambition est collective : que le club fasse une très bonne saison. Sur un plan personnel, mon objectif est d'accumuler du temps de jeu, passer un cap et progresser. La question que se posent beaucoup d'Algériens et que les Algériens que vous croisez vous posent sans doute : avez-vous tranché la question de la sélection nationale, d'entre la France et l'Algérie, dont vous défendrez les couleurs ou bien vous donnez-vous encore le temps de réfléchir davantage ? J'attends de commencer le championnat avec Granada et, après, je me poserai vraiment la question. Donc, si on comprend bien, une fois que vous aurez accumulé du temps de jeu, ce sera vraiment d'actualité dans votre tête ? Voilà, c'est ça. Ishak Belfodil a fait le choix de l'Algérie. Le connaissez-vous ? Non, je ne le connais pas, sinon de nom. Nous n'avons jamais été dans la même sélection et nous ne nous sommes jamais croisés auparavant. Vous avez quand même été informé de sa décision de jouer pour l'Algérie... Oui, oui. Je sais qu'il a choisi l'Algérie. C'est un choix à respecter. Pour vous donc, il s'agit d'un choix que chacun doit faire ? Oui, absolument. C'est un choix personnel. Chacun fait son choix et décide pour soi-même. Ce dimanche, il y aura un match entre l'Algérie et la Libye. Allez-vous le suivre ou, à tout le moins, vous tenir informé du résultat ? Oui, bien sûr ! Même si, aujourd'hui, je ne joue pas pour l'Algérie, je suis l'évolution de la sélection algérienne, c'est mon pays d'origine et c'est très important pour moi. Je suivrai le match contre la Libye. Lors d'une conférence de presse, le sélectionneur de l'Algérie, Vahid Halilhodzic, avait révélé qu'un des joueurs binationaux qu'il avait sollicités pour défendre les couleurs algériennes lui avait répondu qu'il viendrait si on lui garantissait une place de titulaire. Il n'avait pas cité le nom de ce joueur, mais des spéculations sont allés bon train pour savoir de qui il s'agissait et votre nom avait été évoqué parmi d'autres... (Il nous coupe.) Non. Ni l'ancien coach ni Vahid Halilhodzic ne m'ont contacté. Je ne les ai jamais eu au téléphone. Donc, ce n'est pas moi. C'est sûr et certain. Et puis, même si on m'avait posé cette question-là, je n'aurais jamais répondu comme ça. C'est-à-dire que vous ne viendrez pas pour être titulaire ? Non, ce n'est pas ça. Je viendrai avec l'ambition d'être titulaire, comme tout joueur qui veut jouer, mais je ne poserai jamais le préalable d'être titulaire pour venir. Je ne suis pas comme ça. Jamais je ne dirai ça. Un mot pour les Algériens qui seront nombreux à vous suivre en Liga avec Granada, en plus de Hassan Yebda ? C'est très gentil de leur part. Merci à vous tous.