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DOSSIER : Les dessous d'un championnat professionnel à l'algérienne
Publié dans Le Buteur le 02 - 10 - 2012

Travail en noir, entraîneurs clandestins et fausses déclarations aux impôts
Le championnat de Ligue 1, dit professionnel, entame sa troisième saison, et le moins que l'on puisse dire, c'est que l'anarchie, le bricolage et la tricherie gangrènent toujours notre football au su et au vu des responsables incapables d'assainir un championnat moribond qui va de mal en pis. L'avènement du professionnalisme n'a finalement rien changé à nos mauvaises habitudes et ne s'est pas dressé non plus devant les trabendistes et les charlatans qui lui ont survécu contre vents et marées, freinant ainsi tout processus permettant à notre football de faire le saut vers le monde professionnel au sens propre du terme. Le niveau est pitoyable et la gestion des clubs est catastrophique. Pendant ce temps-là, le seul souci de la LNF est de faire respecter le calendrier du championnat, alors que la FAF n'a d'yeux que pour les Verts.
Des clubs ne payent pas d'impôts et n'assurent pas leurs joueurs
Il y a quelque temps, nous avions attiré l'attention sur des pratiques dangereuses de certains responsables de club qui ne se soucient même pas de la santé de leurs joueurs refusant de les assurer. Le professionnalisme veut dire entre autres que les joueurs font du football leur métier, et, par conséquent, ils devront bénéficier de tous les avantages du monde du travail, et, en même temps, s'acquitter de leurs devoirs en payant leurs impôts. Seulement, certains présidents de nos clubs, profitant de l'ignorance de certains joueurs et parfois de leur naïveté quand il ne s'agit pas d'un arrangement, font en sorte d'économiser le maximum d'argent en fournissant souvent de fausses déclarations, allant jusqu'à, comme indiqué plus haut, ne pas assurer leurs joueurs. Un travail en noir dans un championnat dit professionnel. Il n'y a pas que ça, c'est encore plus pourri quand on s'y intéresse de près. On a parlé de la naïveté et de l'ignorance de certains joueurs, mais on ne savait pas qu'il y avait des entraîneurs clandestins.
Rabier met à nu le bricolage de la ligue
C'est Jean-Paul Rabier, le désormais ex-entraîneur du MCA, qui vient de jeter un pavé dans la mare en déclarant que depuis qu'il est au Mouloudia, il n'a jamais signé de contrat. Il n'a signé, toujours selon lui, qu'une demande de licence qui lui a été délivrée. Des déclarations qui ont mis à nu toute l'anarchie avec laquelle est géré notre championnat et toute la fraude qui pourrait exister sous différentes formes à tous les niveaux. Comment une ligue qui se dit professionnelle et qui se dit garante de notre championnat puisse délivrer une licence à un entraîneur pour exercer dans un club dit professionnel sans que l'employeur de l'entraîneur en question (la SSPA/MCA dans ce cas) fournisse le contrat de travail de son employé, une pièce nécessaire à son dossier, sans laquelle une licence ne peut lui être délivrée ? Le plus grave, c'est que Rabier compte saisir la Fifa pour obtenir gain de cause après son limogeage, ce qui risque de mettre la ligue de Kerbadj dans de sales draps. Car, la Fifa va vouloir savoir comment on a laissé travailler un entraîneur d'une manière officielle sur le banc d'un club professionnel sans contrat de travail. C'est toute la crédibilité de la LFP qui est en jeu.
Des contrats à l'algérienne
Des contrats à l'algérienne, ça existe. Si Rabier n'a pas paraphé de contrat, d'autres, à l'image du Belge Luc Eymael qui a été démis de ses fonctions avant même l'entame du championnat ou celle de l'autre ex-entraîneur du Mouloudia Patrick Liewig. Malgré cela, les responsables du MCO et du MCA n'ont pas hésité à les mettre à la porte. Et pour cause, les contrats que signent ces entraîneurs ressemblent dans la forme à ceux qu'exige la Fifa, mais dans le fond, cela ressemble à un contrat à l'algérienne qui protège beaucoup plus les clubs que les entraîneurs avec des clauses qui mettent souvent les clubs à l'abri d'une mauvaise surprise, tout le contraire de ce qui se fait en Europe. Pour limoger un entraîneur, il va falloir lui payer deux mois d'indemnités, et c'est tout. Chez nous, la ligue ou la FAF ne bougent pas le petit doigt pour protéger ou défendre les entraîneurs, et c'est ce qui explique le recours de tous les techniciens limogés aux instances et aux tribunaux internationaux. Ce qui est curieux et incompréhensible, c'est que tous ces recours qui discréditent la gestion de notre football en général n'ont pas eu raison des responsables de nos clubs. Rien ne les inquiète.
Des entraîneurs bon prix qui acceptent tout
On peut se poser la question suivante : si les entraîneurs étrangers sont au courant des clauses qui donnent droit aux clubs de mettre fin à leurs fonctions à n'importe quel moment, pour cause de mauvais résultats, sans que les clubs en question soient obligés de leur payer une année de contrat pour rupture unilatérale de ce dernier, pourquoi acceptent-ils de le signer ? La réponse est toute simple. Ces entraîneurs sont souvent au chômage et sans réelle perspective professionnelle. C'est une situation difficile qui les oblige à tout accepter parfois, même d'être humiliés, et les exemples ne manquent pas. Aussi, il y a le mauvais choix des dirigeants qui ne sont même pas sûrs des compétences de l'entraîneur qu'ils viennent d'engager par manque de connaissances footballistiques, techniquement parlant.
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Kerbadj : «Rabier ne doit s'en prendre qu'à lui-même»
Pour avoir quelques réponses aux questions que nous nous sommes posées et que tout le monde se posent à travers ce nouveau scandale qui a suivi le limogeage de Rabier, nous avons pris attache avec Mahfoud Kerbadj en sa qualité de premier responsable du championnat de Ligue 1. Dans un premier temps, le président de la LFP n'a pas voulu aborder ce sujet, estimant que cela concernait uniquement le Mouloudia, mais après notre insistance, il a accepté de répondre à notre question. «Je ne veux pas trop m'étaler sur ce sujet car cela concerne les affaires internes du MCA. Mais puisque Rabier a pu obtenir une licence pour exercer, c'est qu'il a dû signer un document. Et dans le cas où il n'a pas signé un contrat comme il le dit, il mérite ce qui lui arrive car il est inadmissible qu'un entraîneur s'engage avec un club sans qu'il signe de contrat. Pour ma part, je ne peux pas vous dire si Rabier a un contrat au niveau de la LFP ou pas». C'est ambigu, mais le document dont parle Kerbadj, ce n'est qu'un engagement sans valeur juridique. Si ce document a été déposé à la place du contrat, ce serait très grave.
«Gamondi avait refusé de se déplacer au Mali sans avoir signé son contrat»
La réponse de Kerbadj n'est pas assez claire en effet. Nous avons tenté une nouvelle fois de lui faire comprendre que le problème est que Rabier s'est fait délivrer une licence sans posséder un contrat de travail, ce qui voudrait dire en plus qu'il n'était pas assuré alors qu'il risquait, comme tout entraîneur, une agression physique ou autre accident qui peuvent arriver sur un terrain de football. Il a une nouvelle fois refusé de rentrer dans les détails, estimant que «cela n'intéresse pas les supporters», incriminant toujours ces entraîneurs irresponsables en donnant l'exemple d'un technicien professionnel. «Quand j'étais président du CRB, j'avais fait venir Gamondi la veille de notre départ pour le Mali. Gamondi, que je considère comme un véritable professionnel, a refusé de faire le voyage avec nous ou de diriger une rencontre sans avoir au préalable signé son contrat», a-t-il indiqué pour expliquer cette mascarade.
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Michel : «En Europe, les contrats protègent les entraîneurs, en Algérie, ce sont les résultats qui le protègent»
Alain Michel, un des entraîneurs étrangers ayant une longue expérience en Algérie, a accepté de s'exprimer sur le sujet, il explique : «Les contrats qu'on signe en Algérie sont confectionnés de manière à faciliter aux clubs le limogeage de leurs entraîneurs, tout le contraire de ce qui se fait en Europe. Pour régler ce problème et pour permettre la stabilité au niveau des staffs techniques, il faut copier le modèle européen. Car quand on veut limoger un entraîneur signataire d'un contrat de deux ans, on doit lui payer ses deux ans de contrat, ce qui va dissuader les présidents à recourir à cette solution».
«J'ai refusé de signer mon contrat au Mouloudia sans avoir touché mon dû»
Mais Alain Michel, quand il est revenu au Mouloudia pour la seconde fois, a d'abord travaillé sans avoir signé son contrat. Il explique : «J'ai refusé de signer ce contrat car le Mouloudia me devait encore de l'argent de mon premier passage. Ce n'est qu'après avoir touché mes arriérés que j'ai signé le nouveau contrat». Cela prouve aussi que nos dirigeants se plient parfois aux exigences de certains techniciens étrangers, même si c'est contraire à la règlementation.
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Rabier : «Je le dis et je le redis, je n'ai signé aucun contrat avec le Mouloudia, ni un autre document. Je n'ai signé qu'une licence»
Pour éclairer davantage l'opinion publique, nous avons contacté l'ex-entraîneur du Mouloudia pour en savoir plus après les déclarations des dirigeants du Mouloudia et du président de la LFP. Rabier, qui n'est pas encore rentré chez lui, a affirmé encore une fois qu'il n'a pas signé de contrat. «Je n'ai signé ni un contrat ni un quelconque autre document, que ce soit une lettre d'engagement ou autre. Je n'ai signé qu'une licence. En ce qui concerne ma situation, les choses n'ont pas bougé, j'attends toujours qu'on me paye», a-t-il confirmé, contrairement à ce qu'avancent les responsables du MCA et le président de la ligue.
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Gana : «Au CRB, on ne reconnaît que les contrats»
De son côté, le président du CRB, Azzedine Gana, nous a fait savoir qu'«au Chabab, on ne travaille jamais avec les contrats de confiance ou «belkelma» (la parole) comme on dit. Il n'y a que le contrat qui compte. Avec Arena, nous nous sommes engagés pour une saison renouvelable. Il y a des clauses qui lui permettent de rompre son contrat à tout moment, comme il y en a d'autres qui nous permettent de le résilier de notre côté à tout moment, mais sans qu'une des deux parties soit lésée. On lui payera deux mois de salaire, mais à l'amiable...»
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Belhout : «La FAF se doit de protéger les entraîneurs»
L'entraîneur de l'ASO, Rachid Belhout, qui a connu par le passé plusieurs mésaventures avec les clubs qu'il a entraînés, estime que «la fédération se doit de protéger les entraîneurs comme elle le fait avec les joueurs du moment qu'ils sont tous signataires de contrats professionnels sous son égide. Mais quelle que soit la situation, l'entraîneur est protégé par la Fifa. Même si le litige dure, l'entraîneur finira par obtenir gain de cause». Voulant savoir s'il y a vraiment des entraîneurs qui exercent sans contrat, Belhout a reconnu qu'«il existe des cas où le club et l'entraîneur se mettent d'accord et concluent sans signer de contrat. Mais il faut savoir que pour délivrer une licence, la ligue exige un contrat de travail légalisé à la mairie et à la direction du club, en plus des diplômes».


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