«La décision de venir en mars ne dépend pas de moi seulement» «Oui, j'ai parlé à Halilhodzic au téléphone, mais pas encore à Raouraoua» Va-t-il enfin le dire ? Yacine Brahimi mettra-t-il fin au suspense, oui ou non ? Finalement, non ! Il ne dit pas sans ambages avoir choisi l'Algérie, mais il ne nous a pas laissé sur notre faim. Car le milieu de terrain de Granada CF a plus que laissé entendre qu'il a choisi l'Algérie qu'il qualifie «de choix du cœur». L'ex-joueur du Stade Rennais nous a reçus avec le sourire au sortir d'un entraînement du Granada CF, dans une ambiance bon enfant, agrémentée de boutades, de réflexions bienveillantes et d'encouragements de ses coéquipiers, notamment Hassan Yebda, Diakhata, Nyom et Youcef El Arabi. Un moment sympa au cours duquel l'échange a été pertinent et surtout sincère. Tout d'abord, merci de nous accueillir ici... Je vous en prie. C'est avec plaisir... Comment ça se passe pour vous au Granada CF ? Très bien. Comme ça fait plus de quatre mois que je suis ici, le groupe m'a adopté très rapidement en me facilitant la tâche. Sur le terrain aussi, ça se passe super bien. Maintenant, je peux dire que j'e suis en plein dedans. Vous dites-vous que vous avez fait votre trou ou devez-vous encore vous battre pour vous imposer ? Je dois prouver à chaque match au coach que je mérite sa confiance. Je dois prouver à chaque fois. Que ce soit à l'entraînement quotidien ou le week-end en matches officiels. Non, j'ai tout à prouver. Pour le moment, je dis El Hamdoulah, cela se passe plutôt bien. J'espère seulement que ça durera. D'autant plus que vous êtes ici à titre de prêt. En fait, songez-vous y rester ou votre retour à Rennes est déjà programmé ? On verra bien. Pour l'instant, je me concentre sur le championnat. Pour le moment, je suis à 1 000 % avec Granada. Après, on verra ce qu'il en sera à la fin de la saison. L'éventualité de retourner à Rennes pourrait-elle se poser le cas échéant ? C'est possible... Tant que l'option de prêt n'est pas levée, cela peut bien se poser. On dit que Granada CF est un pourvoyeur de talents pour l'Udinese (Serie A, Italie), cela pourrait-il vous tenter ? Non ! Non ! Je n'y pense même pas. En 2008, vous avez reçu beaucoup d'offres, dont les plus prestigieuses émanaient d'Arsenal (Premier League, Angleterre) et du Real Madrid (Liga, Espagne), mais vous aviez choisi alors de rester fidèle au Stade Rennais, n'avez-vous pas le sentiment d'avoir fait le mauvais choix ? Non, pas du tout. Ce qui est passé est passé. Peut-être que j'aurais pu faire de meilleures choses, c'est le mektoub. Je n'ai pas de regrets. Ce qui devait arriver est arrivé et ce qui doit arriver arrivera. C'est le mektoub et on n'y peut rien. Croyez-vous encore qu'une telle opportunité se présentera ? Je n'en sais rien. Franchement, je ne calcule rien. Je donne tout sur le terrain. J'essaie de faire mon boulot correctement. Après, je laisse le destin faire les choses. Je ne veux pas m'encombrer la tête avec ça. Je prends plaisir à faire ce que je fais, et c'est le plus important. Le Granada CF est un peu à la traîne depuis le début de la saison, êtes-vous franchement rassuré de l'avenir du club ? Oui ! Oui ! J'ai confiance en le potentiel de notre groupe. Nous possédons de très bons joueurs. Nous avons ce qu'il faut pour réussir une bonne saison. Nous avons manqué un peu de chance jusqu'ici, mais la chance, c'est à nous de la provoquer. Je sais que la seconde moitié de saison sera meilleure. Nous avons beaucoup progressé ces derniers temps. C'est un gage de confiance pour la suite. Je sais qu'on va se maintenir. Vous êtes deux Algériens ici à Granada. Quelle est la nature de votre relation avec Hassan Yebda ? C'est une relation fraternelle. Avant que je vienne ici, je ne le connaissais que de loin. Maintenant qu'on s'est fréquentés, je peux vous dire qu'il est comme un frère pour moi. On s'entend très très bien. Il vous a sans doute aidé dans votre intégration... Ah, oui. Beaucoup même. Bon, après, je dois avouer que Youcef El Arabi et Ighalo ont été très sympas avec moi. On échange beaucoup de choses. Avec eux, il n'y avait pas la barrière de la langue, ce qui fait que le contact a été spontané. Vous n'avez toujours pas tranché, du moins de manière officielle, votre avenir international. Algérie ? France ? Le sujet fait jaser encore. Qu'en est-il aujourd'hui ? Franchement, je préfère encore laisser valser. J'en ai parlé aux personnes concernées. Après, quand je prendrai une décision définitive, je la communiquerai et au public et à la presse. Pour l'heure, je préfère ne pas trop en parler. Quand vous parlez des personnes concernées, faites-vous allusion à la Fédération algérienne de football, au sélectionneur Vahid Halilhodzic ou éventuellement à l'un de ses assistants ? Bah, tout simplement les plus concernées par le sujet. Je ne dirai pas qui ils sont, mais soyez-en certain, j'en ai parlé à qui de droit. Beaucoup ne comprennent pas votre hésitation à trancher en faveur de l'Algérie ou de la France, qu'est-ce qui vous fait cogiter autant ? Subissez-vous des pressions dans les coulisses ? Non, il n'y a aucune pression. Déjà, il y a eu énormément de mensonges autour de ce sujet. On en a inventé pas mal d'histoires dans les journaux algériens. A un certain moment, ça m'a vraiment énervé. Mais bon... tout ce que je peux dire aujourd'hui, c'est qu'il y a eu des discussions avec des personnes concernées. Je suis un homme de parole. Ma position, ces personnes et ma famille la connaissent. Il n'y a pas lieu de faire machine arrière. Je communiquerai ma décision aux médias le moment voulu. Son équipier Nyom nous interrompt et tente de lui tirer les vers du nez : «Tu veux bien être plus explicite dans ta réponse. Je n'y comprends plus rien. Vas-y, dis-lui ce que tout le monde attend de connaître avec insistance... Vas-y, tout le monde veut entendre ça après l'entraînement.» (Yacine Brahimi écoute, sourit, puis se reprend). Pour le moment, je suis concentré sur Granada. Je veux réaliser une bonne saison ici, d'autant que, comme je l'ai dit tout à l'heure, je suis ici sous forme de prêt. Je dois m'imposer ici. Car jouer en sélection est quelque chose de très très important pour moi. Mais je dois d'abord m'imposer en club. Après quoi, je serai dans une position confortable pour rejoindre la sélection.
Mais quelle sélection ? (Rires). Quelle sélection ? Bah, ça je ne vous le dirai pas. Je pense que je dois encore une fois le redire, car je l'ai déjà dit, j'en parle d'abord aux personnes concernées directement. Sportivement parlant. Car, je ne fais pas allusion en aucun cas aux médias. Quand viendra le jour où je serai sélectionné, inch'Allah, tout le monde le saura. J'ai personnellement interviewé votre ami et coéquipier Youcef El Arabi, récemment, au Maroc, et il m'avait dit textuellement : «Yacine Brahimi jouera pour l'Algérie», c'est une affirmation ou une confirmation ? Ça, c'est Youcef El Arabi qui vous l'a dit. Là vous parlez à Yacine Brahimi. Je pense avoir été clair à ce sujet. Mais il va bien y avoir une part de vérité dans ce qu'a dit Youcef El Arabi ? Je n'en sais rien. Dois-je encore une fois me répéter. J'ai parlé aux personnes concernées, après... on verra après la CAN. Vous dites : «On verra bien après la CAN.» Est-ce un début d'aveu d'un quelconque penchant pour l'Algérie ? Que l'on soit bien d'accord : je suis très attaché à l'Algérie. Après, il y a eu des discussions. Quand tout sera clair d'un côté comme de l'autre, là, je communiquerai ma décision. Vous voulez peut-être venir de force en sélection d'Algérie ? Oui...Oui... Il y a quarante millions d'Algériens qui attendent avec impatience de connaître votre décision, allez-vous encore les laisser sur leur faim ? C'est vous qui risquez de rester sur votre faim (rires). Non sérieusement, je suis très reconnaissant envers tous les Algériens qui me soutiennent de loin. J'aime mes origines, j'aime l'Algérie. Cela, on ne peut pas me l'enlever. Là, l'EN joue la CAN. Moi, je vais continuer à jouer et m'imposer en club. Après, on sera fixé très bientôt. Serez-vous sélectionnable le mois de mars prochain à l'occasion de la reprise des matches de qualification au Mondial 2014 ? Cela ne dépend pas seulement de moi. Je suis un simple joueur. Le pouvoir de décision ne m'appartient pas seul. C'est tout un processus. Et puis, il y a un sélectionneur en poste, seul habilité à décider qui doit être sélectionné et qui ne doit pas l'être. Medhi Lacen, le capitaine de la sélection d'Algérie, nous a déclaré : «Yacine Brahimi sera avec nous après la CAN», vous confirmez ? (Il sourit) On verra bien, inch'Allah. Est-ce une confidence que vous lui aviez faite ? Non ! Je ne lui ai jamais parlé personnellement. D'où la tient-il alors ? Je n'en sais rien. Par des amis en commun peut-être. Franchement, je ne lui ai jamais parlé personnellement. C'est quelqu'un que je connais de loin. Je ne vais pas vous mentir. Vous avez des origines mixtes. On sait que votre père est du Sud algérien et votre mère de Kabylie. Vous y allez ? Oui, assez souvent. Mon père est effectivement originaire de Ghardaïa. Ma mère près de Tizi Ouzou. J'y allais souvent. Surtout quand j'étais plus jeune. J'ai été il y a trois ans. Pour moi, la famille, c'est quelque chose de sacré. J'ai de la famille là-bas. Mes grands-parents. Je reste attaché à eux. L'ancien sélectionneur national, Rabah Saâdane, était venu vous superviser lors d'un certain Istres-Stades Rennais (1-2, ndlr), quel a été votre sentiment, alors ? Naturellement, cela m'a fait plaisir. Après, je sais que des gens ne comprennent pas pourquoi je n'ai pas fait mon choix plus tôt. Or, j'étais souvent blessé. Tout était remis en question à chaque fois. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas pris de décision au moment où je le voulais. C'est peut-être cette instabilité qui a fait que vous avez décidé de reporter votre décision à chaque fois... Oui, voilà ! Aujourd'hui, les choses commencent à s'éclaircir petit à petit. On a l'impression que vous suivez le même cheminement que Sofiane Feghouli qui a attendu de s'imposer à Valence avant de faire son choix pour l'Algérie... Tout à fait. Est-ce à dire que vous allez rejoindre la sélection d'Algérie dès que vous serez stable... (Sourire). (Hassan Yebda, taquin, arrive très insistant et nous lance : «Vas-y, arrache lui la fameuse déclaration. Il faut qu'il le dise de sa bouche et en toute sincérité.» Hassan est resté papoter pendant quelques dix bonnes minutes, puis s'en est allé, non sans avoir fait ses aux revoir. L'entretien reprend de plus belle.) Vous habitiez le même quartier qu'Abdoun, quels rapports entreteniez-vous ? En effet, Abdoun et moi habitions le même quartier. Nous étions même voisins. Nous avons grandi ensemble. Après, cela fait un moment que je ne l'ai pas vu. Mais je suis content de ce qu'il fait actuellement à l'Olympiakos. Suivez-vous les matches de la sélection algérienne ? Oui, oui. Je sais qu'ils ont fait match nul face à l'Afrique du Sud en amical. Oui, je suis beaucoup, parce que ça m'intéresse beaucoup. (Son coéquipier, Diakhata, sort du vestiaire et balance : c'est bon, tu lui as dit ce qu'il veut savoir ou pas ? Allez, dis-lui que t'as fait ton choix». Brahimi, sourit timidement...) Comment avez-vous trouvé la prestation de l'Algérie lors de ce match-là ? C'est une bonne prestation. Je les encourage à aller le plus loin possible. Et pourquoi pas remporter la CAN, car je sais qu'ils en sont capables. Ce serait bien pour les joueurs, le football algérien et tout le peuple. Connaissez-vous personnellement des joueurs de la sélection ? Je connais très bien Sofiane Feghouli. Comme on habite pratiquement dans le même quartier, on se fait de temps en temps un resto. On se retrouve avec plaisir. Il y a aussi Hassan Yebda que je considère comme un frère. Après, je connais les autres de nom seulement. Vous arrive-t-il de parler avec Yebda ou Feghouli de la sélection d'Algérie ? Oui, on en parle souvent... Hassan Yebda vous encourage-t-il à jouer pour l'Algérie ? Oui, il me briffe souvent... Qu'est-ce qui vous motive dans le discours de Hassan, par exemple ? Moi, mon choix pour l'Algérie est le choix du cœur. Il n'est pas dicté par des considérations matérialistes, genre : est-ce que le terrain est bien, est-ce qu'on nous paie bien... tout ça n'a aucune importance à mes yeux. Je l'ai dit, c'est le choix du cœur. L'ambiance qui règne dans le groupe des Verts doit vous motiver à choisir l'Algérie... Oui, on m'a dit que l'ambiance était formidable. Qu'il y a un bon esprit de groupe. C'est des choses qui rassurent, naturellement. Vous avez eu plusieurs conversations avec le sélectionneur national, Vahid Halilhodzic, quel discours vous a-t-il tenu ? J'ai eu, en effet, des entretiens avec lui. Mais ce n'est pas à moi d'en révéler le contenu. Ça reste entre lui et moi, quoi... Vous avez eu aussi le président de la fédération, Mohamed Raouraoua, non ? Non, pas encore ! Le coach était mon seul interlocuteur. Vahid Halilhodzic a déclaré récemment en conférence de presse qu'«il ne suppliera pas les gens pour venir jouer en sélection d'Algérie», ne vous sentez-vous pas visé par ses déclarations ? (Silence) Non. (Silence) Non ! Je ne me sens en aucun cas visé. Après, les gens peuvent l'interpréter comme ils veulent. Moi, je sais pourquoi les choses se passent comme ça. Si certaines personnes ne veulent pas comprendre, je ne peux rien y faire. Je pense que j'ai toujours été honnête. J'ai dit les choses honnêtement. Du coup, j'ai la conscience tranquille. Quelle impression vous a laissé le sélectionneur national ? C'est un entraîneur qui a beaucoup de caractère. Il a prouvé ce qu'il vaut partout où il est passé. Voilà... Sofiane Feghouli a remporté le Ballon d'Or algérien, comment avez-vous accueilli sa distinction ? Ça ne m'a pas surpris. Pour moi, c'est mérité. Il fait de super belles choses à Valence. J'espère que ça continuera pour lui. Ça vous tenterait, vous ? Le Ballon d'Or ? Oui, pourquoi pas ? Youcef El Arabi m'a dit tout à l'heure que vous vous chambriez beaucoup à l'approche de la CAN, c'est vrai ? (Sourire). Oui, on se chambre beaucoup avec ça. Que Youcef se rassure, ils ont une très bonne équipe. Je les vois aller loin dans le tournoi. Après, j'espère que ce ne sera pas au détriment de l'Algérie (rires). Diriez-vous aux Algériens que vous allez prendre votre décision avant juin ? Oui, oui, Inch'Allah, ce sera fait d'ici-là. L'Algérie a fêté son cinquantième anniversaire de l'indépendance. Un mot au peuple algérien ? Je souhaite beaucoup de bonheur au peuple algérien. J'en profite aussi pour lui adresser mes respects. Avez-vous un message à transmettre aux joueurs de la sélection d'Algérie qui s'apprêtent à disputer leur premier match de la CAN face à la Tunisie dans quelques jours ? Je vous souhaite beaucoup de réussite. J'espère que vous irez le plus loin possible dans le tournoi, incha Allah. Allez, bon courage ! --------------------- Déjà adopté à Granada ! Bien qu'il ne soit à Grenada que depuis quatre mois, Yacine Brahimi a déjà réussi à conquérir le cœur des supporters. Dans une aussi petite ville, les gens savent juger et le joueur et l'homme qu'ils croisent et saluent cordialement dans la rue au quotidien. Tous ceux que nous avons interrogés dans la rue nous ont parlé du milieu de terrain algérien avec un plaisir certain. Tous n'ont pas tari d'éloges sur Brahimi, un joueur de qualité et de valeur, nous ont-ils dit. Brahimi-Yebda, un duo sang pour sang DZ ! Grâce à Hassan Yebda, Yacine Brahimi ne s'est pas senti dépaysé à son arrivée au Granada CF, cet été. Le milieu de terrain a vite été adopté par Yebda, Youcef Al Arabi et Nyom, qui l'ont intégré dans leur cercle et l'ont imprégné de l'ambiance du groupe. C'est donc avec respect et gratitude que Brahimi parle de Yebbda, «un frère pour moi» a-t-il dit. Nyom : «Il peut apporter beaucoup à l'Algérie» Allan Romeo Nyom , le défenseur camerounais, constitue avec Yacine Brahimi, Hassan Yebda et Youcef El Arabi, une bande de copains «franchis» très soudée. La preuve, le Franco-camerounais n'a pas arrêté de chambrer Brahimi tout au long de l'interview, lançant à chaque fois des piques qui faisaient pouffer le milieu de terrain. Invité à nous donner son avis sur son équipier, le Camerounais n'a, naturellement, pas tari d'éloges sur Brahimi, sans complaisance aucune, cela s'entend. «C'est un joueur fantastique. Il a beaucoup de qualités. Il apporte un réel plus, notamment en attaque. Ce qui fait qu'il est un joueur important dans le groupe», a fait savoir Nyom, qui refuse, cela étant dit, de déclarer à la place de Brahimi qu'il a choisi de jouer pour l'Algérie. «Franchement, je préfère qu'il le dise en personne. Posez-lui la question ! S'il refuse d'en parler maintenant, c'est qu'il a ses raisons. Je suis sûr, néanmoins, d'une chose, il peut beaucoup apporter à la sélection de votre pays». Voilà qui est dit.