«Au Brésil, l'Afrique pourra enfin arriver en demi-finales, voire mieux» Carlos Valderrama n'a peut-être pas gagné beaucoup de titres, mais il a marqué son époque. Non pas à cause de son épaisse tignasse bouclée, mais grâce au «toque», le jeu à une touche de balle prôné par un certain Pacho Maturana et dont Valderrama était le dépositaire voire le symbole. Pour les observateurs amateurs du beau jeu, le tiki-taka du Barça et de la sélection espagnole n'est qu'une copie améliorée du «toque» colombien. Nous avons profité de la présence de Valderrama à la cérémonie du Golden Foot à Monaco, pour en parler. Vous allez le voir, son amour pour le beau jeu reste intact. Bonjour Carlos, vous êtes venu à Monaco pour recevoir un prix pour l'ensemble de votre œuvre en tant que footballeur. Qu'est-ce que cela vous fait d'être couronné ainsi, des années après avoir raccroché les crampons ? Déjà, je remercie les organisateurs du Golden Foot de m'avoir invité à cette grande fête du football. Je suis fier de représenter mon pays, la Colombie. Je suis heureux de recevoir encore des prix à 52 ans, parce que cela prouve qu'on a laissé une trace dans le football, grâce à une philosophie du jeu qu'on a défendue et qu'on continue à défendre. Depuis votre retraite internationale et celle de tous les joueurs de votre génération, la sélection colombienne a rarement brillé au plus haut niveau... Si elle n'a pas brillé, c'est justement parce qu'on l'a souvent comparée à la nôtre. Il y a toujours eu d'excellents joueurs en Colombie et il y en aura toujours parce que dans mon pays, on aime trop ce sport. Seulement, il faut être patient avec le sélectionneur et les joueurs pour faire des résultats au plus haut niveau. Aujourd'hui, nous avons sans doute une très belle génération de footballeurs qui a réalisé une excellente Copa América, il y a deux ans, en Argentine (ndlr : la Colombie a atteint les quarts de finale en proposant un jeu de très bonne qualité) et qui vient de se qualifier à l'aise en Coupe du monde. Avec notamment un grand attaquant, en l'occurrence Radamal Falcao... Oui, Radamel est le porte-drapeau de la sélection, il va encore marquer des buts dans son club et avec l'équipe de Colombie. Moi en tant que Colombien, je suis fier de ce qu'il est en train de réaliser depuis quelques années déjà et je serai fier de le voir en Coupe du monde au Brésil. Peut-il vous dépasser ? Oui, oui, et il le prouve avec ses nombreux buts. Il a joué dans différents championnats et il s'est, à chaque fois, vite adapté. D'abord à River Plate en Argentine, ensuite à Porto au Portugal puis à l'Atlético en Espagne et maintenant avec Monaco. Avant, j'attendais le week-end pour voir jouer Messi et Cristiano, maintenant, j'attends le week-end pour voir jouer Radamel. Vous aimez le football développé par la sélection colombienne ? Oui, et il y a un homme derrière tout ça. Un homme qui aime le jeu et qui nous permet de récupérer notre identité footballistique. Cet homme s'appelle Pekerman qui nous a qualifiés en Coupe du monde en jouant au football. Y a-t-il un joueur colombien qui vous ressemble ? Physiquement ? Personne ne me ressemble (rire). Sur le terrain, le joueur qui me ressemble le plus n'est pas un Colombien, c'est un Espagnol, il s'appelle Andrès Iniesta. C'est un organisateur qui ne marque pas beaucoup de buts, un peu comme moi qui aimais donner la dernière passe. Pensez-vous que la Colombie est capable de réaliser un coup d'éclat au Brésil, comme vous l'avez fait en 1990 en Italie ? Il est prématuré de parler de Coupe du monde, parce qu'on ne sait pas encore dans quelle forme arriveront les joueurs. On ne connaît pas non plus le tirage au sort. Il faut donc attendre un peu pour se prononcer, même si je pense qu'il est inutile de leur mettre la pression avec ce qu'a réalisé notre génération. Vous allez quand même nous dire qui seront les favoris au Brésil... Encore une fois, c'est prématuré d'avancer quoi que ce soit. C'est vrai que le Brésil aura l'avantage de jouer chez lui et sera naturellement favori, c'est vrai aussi que l'Allemagne est arrivée à maturité avec l'ossature du Bayern qui a tout gagné, c'est vrai aussi que l'Espagne ne peut pas ne pas être favorite, après tout ce qu'elle a gagné ces dernières années. Mais encore une fois, il faut être au top en juin et juillet, pas maintenant. Vous n'avez pas cité l'Argentine... Justement, parce qu'elle dépend elle aussi de l'état de forme de Messi. Si Messi arrive au Brésil en possession de tous ses moyens, l'Argentine sera favorite. Sinon... C'est pour ça que je n'arrête pas de vous dire qu'il est encore trop tôt pour parler de favoris. Il y a même des équipes qui n'ont pas encore assuré leur qualification. En 1990 en Italie, la Colombie dont vous étiez le capitaine avait surpris le monde par son jeu spectaculaire à une touche de balle, avant d'être éliminée par un représentant africain, le Cameroun... Le Cameroun aussi avait surpris tout le monde, en atteignant les quarts de finale. Justement, ces quarts de finale sont devenus comme un obstacle psychologique pour les pays africains. Pensez-vous que l'Afrique fera mieux au Brésil ? Oui, je le pense vraiment. Avant, les Africains manquaient d'expérience, ce n'est plus le cas pour certaines sélections africaines aujourd'hui. Il peut y avoir une sélection africaine en demi-finales, c'est même très possible puisqu'en 2010 en Afrique du Sud, le Ghana y a presque réussi. (ndlr : le Ghana a été éliminé en quarts de finale aux penaltys par l'Uruguay, après avoir raté un penalty à la dernière minute). Excusez-nous d'insister un peu, mais on aimerait encore parler de la Colombie des années 90... Oui, allez-y ! Certains pensent que le jeu actuel du Barça n'est qu'une copie du jeu de la sélection colombienne des années 90... C'est déjà un honneur de comparer la sélection colombienne dont j'ai fait partie au Barça qui a tout gagné ces dernières années. C'est vrai que les deux philosophies de jeu se ressemblent avec une priorité à la conservation du ballon et au jeu court, mais nous les Colombiens n'avons pas la prétention de dire que le Barça nous a copiés. Ce jeu à une touche de balle a toujours existé avec le Brésil, dans un passé lointain, et l'Argentine, un peu plus tard. Moi-même, j'étais admiratif devant le jeu des Argentins dans les années 80. Pour moi, personne n'a copié personne, nous sommes tous des amoureux du beau jeu, celui que le spectateur aime regarder. La différence, c'est que le Barça et la sélection espagnole jouent bien et ont réussi à tout gagner. C'est pour ça que nous sommes tous admiratifs devant ce que les Espagnols ont réalisé ces dernières années. On va vous poser quelques questions gênantes maintenant... Volontiers ! Avez-vous pensé un jour à vous débarrasser de vos longs cheveux ? Votre épouse vous l'a-t-elle demandé ? Je me trouve bien comme ça et mon épouse aussi. En plus, lorsque vous la verrez ce soir au gala, vous allez comprendre pourquoi elle ne me demandera jamais de me couper les cheveux. (ndlr : madame Valderrama a exactement la même coupe de cheveux que lui). Et tous ces bijoux que vous portez autour du cou et aux mains ? Ça n'a rien de particulier, croyez-moi. Je trouve ça joli, c'est tout.