«Je reviendrai bientôt sur les terrains» Comme annoncé dans notre édition d'hier, Rabah Madjer nous accorde cet entretien exclusif afin de nous éclairer sur les raisons qui l'ont poussé à démissionner d'Al Jazeera Sports. Fidèle à ses habitudes, Madjer s'est retiré de manière élégante, sans polémiquer ni brusquer les gens avec lesquels il a travaillé pendant toutes ces années. C'est une belle histoire d'amour qui vient de prendre fin sur une autre talonnade à la Madjer. Avec le nif et la retenue qui séent à la situation. Appréciez. * La rupture est donc définitivement consommée entre Madjer et Al Jazeera Sports ? J'aimerais d'abord vous apporter quelques précisions pour qu'il n'y ait ni malentendu ni spéculations à ce sujet. Lorsque je suis arrivé à Al Jazeera Sports en 2003, on m'avait fait venir au Qatar avec un contrat rempli en bonne et due forme. Je dirai même qu'on m'avait honoré en me préparant un contrat que je qualifierai de «spécial». Et c'est cela justement qui a fini par créer les problèmes qui ont mené à cette rupture entre Al Jazeera Sports et moi. * Pourriez-vous être plus explicite pour nos lecteurs, s'il vous plaît ? Sans problème. Lorsque Al Jazeera Sports a été rattachée administrativement, comme toutes les autres chaînes du groupe, à Al Jazeera Network, les dirigeants de cette dernière ont décidé de revoir plusieurs points des contrats de tous les employés, en apportant une batterie de règlements qui annulaient beaucoup d'articles inscrits dans les contrats précédents. On a constaté que plusieurs articles avaient sauté par rapport à ce qu'on avait signé auparavant. J'ai donc décidé de demander des explications. * Quelle sorte d'articles avait-on changé au juste ? Non, non, ce ne serait pas élégant de ma part de les divulguer. C'est un secret professionnel qui doit rester entre mon ancien employeur et moi. Je me dois de préserver cela. Je suis désolé. * Pourquoi ne pas avoir accepté les nouveaux articles de Network ? J'ai refusé de me soumettre à ces nouveaux articles car j'estime qu'on n'a pas le droit de modifier un contrat qui a été lu et approuvé pendant cinq ans. J'ai donc avisé le directeur général d'Al Jazeera de mon intention de démissionner au cas où ce litige administratif ne serait pas réglé dans les plus brefs délais. J'ai posé mes conditions pour reprendre mon poste et il les a bien acceptées. * Mais qu'est-ce qui a empêché cette sortie de crise ? Apparemment, les conditions que j'avais posées ont été mal acceptées au niveau de l'administration d'Al Jazeera Network qui, d'après ce que j'ai pu comprendre, ne voulait pas créer un précédent en acceptant de faire une exception pour Madjer, alors que les autres employés avaient tous accepté de se soumettre aux nouvelles clauses décidées par Network. * Ce n'est pas cette semaine que vous avez donné votre démission, non ? Non, j'avais déjà remis ma démission au mois de mai dernier, mais elle m'avait été refusée. La direction d'Al Jazeera Sports m'avait demandé de patienter quelque temps encore afin d'essayer de trouver une solution à ce problème à mon retour de vacances. * Chose qui n'a pas été faite, puisqu'on ne vous a plus revu à l'antenne à la rentrée… Malheureusement non. Le problème n'a pas trouvé de solution à mon retour de vacances. J'ai donc décidé de ne pas reprendre mon poste en refusant de passer à l'antenne depuis. J'ai remis ma démission en prenant cette fois une décision irrévocable. J'ai toujours été professionnel dans mon métier, que ce soit comme joueur, entraîneur ou consultant encore. Quand j'ai signé mon contrat, je m'étais engagé à assumer tous mes engagements. * Vous vous attendiez donc à ce qu'on fasse de même avec vous à Network, c'est ça ? Exactement ! C'est la moindre des choses que de respecter les engagements de part et d'autre. Je m'attendais donc à ce qu'on fasse de même de l'autre côté. * Et pourtant, dans un premier temps, le directeur général d'Al Jazeera Sports avait bien donné instruction à Network de vous préparer un contrat avec de nouvelles clauses qu'il avait acceptées au préalable et dont vous détenez une copie, non ? Effectivement, il y a quelques mois de cela, on s'était réunis le DG et moi pour discuter des nouvelles clauses à apporter à mon contrat et il m'avait assuré qu'il allait donner instruction à Network pour me préparer le contrat. Chose que je n'ai pas trouvée à mon retour de vacances. C'est là que j'ai décidé de ne plus repasser à l'antenne. Je crois que c'est légitime, non ? Etant professionnel, je ne pouvais donc pas travailler sans contrat. Et ne pensez pas que cette décision a été prise sur un coup de tête. Cela fait une année et demie que j'ai posé ce problème. Ce n'est pas récent. * C'est peut-être le fait d'avoir osé déposer votre démission du mois de mai qui a poussé les responsables de Network à rester sur leur position, non ? Je ne peux pas vous le confirmer à leur place, mais cela est bien possible, puisque tout avait été confirmé avec Al Jazeera Sports. Il ne restait que l'accord de Network. Mais je voudrais que les gens sachent que je continue à respecter les clauses introduites par Network. Je n'irai pas jusqu'à les discuter. Mais le fait que cela ait touché aux intérêts de mon contrat, je me suis retrouvé obligé de remercier tout le monde et de partir. * Vous quittez sans doute avec regrets cette chaîne que vous avez faite avec quelques autres collègues à son lancement, non ? C'est sûr que c'était difficile pour moi de prendre une telle décision, car j'ai eu le privilège d'avoir été l'un des fondateurs de cette grande chaîne qu'est Al Jazeera Sports. Nous étions quatre au début avec Lakhdar Berriche, Aymen Jaâda, Youcef Seyf et moi-même. Nous nous sommes donnés corps et âme pour qu'Al Jazeera Sports entre dans le gotha des grandes chaînes sportives au monde, en intégrant le championnat d'Espagne dans nos directs. Nous avions tout fait pour la bâtir, pierre à pierre, jusqu'à en faire une vraie pyramide aujourd'hui. Je garderai à vie ces moments d'intense bonheur. Mais lorsque j'ai pris ma décision de partir, je n'ai eu aucun regret car il s'agissait de défendre mes intérêts avant tout. * Ne pensez-vous pas que les responsables d'Al Jazeera Network ont été ingrats avec vous, après tant d'années de fidélité pendant lesquelles vous les avez aidés avec votre nom et votre réputation à gagner en crédibilité et à s'introduire dans les plus grands clubs d'Europe ? Vous savez, moi je ne parle pas ce langage. Il y a des gens qui ont jugé bon d'introduire ces articles dans les contrats des employés d'Al Jazeera Sports et les autres, et personnellement, cela ne me convenait pas. J'avais le choix entre deux décisions : m'y soumettre comme tous les autres ou alors quitter respectueusement ma place sans faire de tapage autour. J'ai donc décidé de partir en saluant tout le monde amicalement. Aujourd'hui, je suis déjà tourné vers l'avenir. * Qu'avez-vous à dire à vos nombreux fans en Algérie et dans les autres pays arabes qui vous regrettent déjà ? Je voudrais leur dire d'abord tous mes regrets, mais je leur donne déjà rendez-vous dans d'autres domaines et sous d'autres cieux qu'Al Jazeera. Comme vous le savez, mon véritable métier est celui d'entraîneur. Je le suis dans l'âme, même si avec le temps, on m'a inoculé le virus de consultant télé. * Vous allez donc reprendre le métier d'entraîneur. Seriez-vous aussi tenté par une offre de consultant sur une autre chaîne télé ? Ce sera sans doute l'une des deux voies que je prendrai très prochainement. Je pourrai même concilier les deux métiers comme le font bon nombre d'entraîneurs. * Comme Arsène Wenger ? Par exemple. On peut facilement concilier les deux. C'est même très probable que je fasse les deux à la fois. * Maintenant que vous êtes disponible, seriez-vous partant pour prendre un poste de responsabilité en Algérie ? Vous savez, pour aider mon cher pays, je ne dirai jamais non. Je serai toujours disponible pour l'Algérie. * Qu'allez-vous faire maintenant, rester au Qatar ou rentrer en Algérie ? J'ai déjà pris mes dispositions dans ce sens. Pour le moment, je suis encore au Qatar et je serai prêt à reprendre un club à Doha où je ne compte que des amis. Le temps de finaliser mon départ d'Al Jazeera Sports et je déciderai quoi faire par la suite. Mais sachez juste que je suis ouvert, à partir de l'instant où je vous parle, à toutes les propositions d'où qu'elles viennent. * Même une proposition d'ART ou de Mbc en tant que consultant ? Je ne ferme aucune porte à qui que ce soit. J'ai la chance de maîtriser deux métiers. Je peux rebondir en tant qu'entraîneur, mais en même temps comme consultant. * N'avez-vous pas encore reçu d'offre pour reprendre un club quelque part ? Je vais vous faire une confidence : il y a à peine une semaine, un agent m'a appelé pour me dire qu'un club de D1 au Maroc cherchait à me recruter comme entraîneur. Malheureusement, je n'ai pas pu leur donner de réponse à cause de ma situation avec Al Jazeera. Et de grâce, ne me demandez pas le nom de ce club (il rigole). * Demande accordée. Si on vous fait encore la même proposition, vous seriez partant cette fois ? Pourquoi pas ? J'aime beaucoup le Maroc et les Marocains. Je reste également ouvert à toutes les autres propositions. Je ne dirai pas non à un club au Qatar non plus, car j'ai énormément de respect pour ce pays et ses dirigeants. J'ai appris à connaître leur culture et je me sens très bien avec ce peuple. Je resterai avec plaisir à Doha, cette belle ville que j'aime tant. Mais en fait, comme toujours, je laisserai à Dieu de guider mes pas. Entretien réalisé par Nacym Djender