«J'ai suivi un traitement à base d'épinards et mes coéquipiers me surnommaient Popeye» La dernière fois que Le Buteur a été voir Anthar Yahia à Bochum, le défenseur algérien venait de se blesser aux adducteurs et à la cuisse, ce qui compromettait ses chances de participation au match Egypte-Algérie du Caire. «Je ferai tout pour me rétablir pour ce match. J'en fais le serment», nous avait-il déclaré à ce moment-là. Hier, nous avons revu Yahia à Bochum, près de trois semaines après. Il revient sur la méthode révolutionnaire qu'il a adoptée afin de se remettre sur pied aussi vite. «Le médecin m'a dit : ‘‘tu as du sang sur le muscle, c'est donc une déchirure''» Ayant cru à une simple gêne aux adducteurs, Yahia est allé passer une IRM. «Pour moi, le diagnostic ne devait pas être inquiétant car j'étais convaincu d'avoir interrompu l'entraînement, après avoir ressenti des douleurs, avant que la blessure ne s'aggrave. Mais voilà que le médecin du club, après avoir passé l'IRM, me dit dans son bureau : «Ce n'est pas très joli. Il y a du sang sur le muscle, ce qui veut dire qu'il y a déchirure.» Je suis devenu livide. C'est comme si le monde m'était tombé sur la tête», raconte-il. Il s'est pourtant ressaisi quelques instants plus tard pour dire au médecin : «Ce match, je ne dois pas et je ne veux pas le rater.» Le médecin, pragmatique, lui a répondu : «Selon les normes médicales, tu ne pourras pas recourir avant deux semaines.» «Dr Schubert m'a proposé une technique ramenée des Pays-Bas» Loin d'être désespéré, Yahia va consulter le Dr Schubert, éminent spécialiste en médecine sportive. «C'est le médecin chez qui j'avais été traité lorsque je m'étais blessé au genou le printemps dernier. Il travaille dans une clinique spécialisée et j'ai confiance en lui.» Dr Schubert, après consultation de deux kinés qui travaillent dans son service, a proposé un traitement dont le pourcentage de succès est de 30 %. «Lui et les deux kinés avaient assisté à un congrès médical aux Pays-Bas où des techniques de traitement de sportifs à base de diététique avaient été exposées. Les deux kinés m'ont assuré qu'ils avaient pu récupérer 4 sportifs blessés avant le terme annoncé de leur rétablissement. Ils m'ont proposé de tenter ma chance et j'ai accepté. Même le pronostic de 30 % de chances de réussite annoncé par Dr Schubert ne m'a pas effrayé. Je me disais que, sans doute, il ne voulait pas me donner trop d'espoir pour ne pas que je sois déçu.» «Raouraoua m'a dit que tout sera mis à ma disposition pour guérir vite» Entre-temps, la nouvelle s'est répandue en Algérie grâce au Buteur et El Heddaf qui avaient annoncé l'information en exclusivité. Mohamed Raouraoua, président de la Fédération algérienne de football, a été le premier à réagir en appelant le joueur. «Il m'a assuré de son soutien et m'a dit que si j'avais besoin de quoi que ce soit, en terme d'assistance médicale, je n'avais qu'à demander et que tout sera mis à ma disposition pour guérir vite. Je l'ai en remercié et lui ai expliqué que j'étais en train de suivre un traitement spécifique qui pouvait me permettre de guérir vite.» Même ses coéquipiers en sélection nationale l'ont très vite soutenu en l'appelant et en demandant constamment de ses nouvelles. A aucun moment, Antar ne s'est senti abandonné. «Le kiné a fait bouillir pour moi des épinards à 2h du matin !» Comme le traitement était basé sur la diététique, il fallait surtout manger des aliments bien précis. On se rappelle de ce que nous avait déclaré le défenseur de Bochum après sa blessure : «On m'a prescrit un traitement à base de médicaments et de saletés à manger.» Les «saletés» en question sont des… épinards. «On est allé acheter sur-le-champ 4 kilos d'épinards. Le kiné les a fait bouillir à 2h du matin pour que je puisse les manger le lendemain.» Le problème n'était pas dans les épinards en eux-mêmes, mais dans le fait que Yahia devait surtout ingurgiter le liquide qui résultait de la bouillie. «Il y avait comme de la chlorophylle qui surplombait le liquide et cela me dégoûtait, mais j'avalais tout en pensant au match.» «J'ai ingurgité 4 kilos d'épinards avec leur liquide pendant 4 jours» Ce traitement à base d'épinards a duré quatre jours, c'est-à-dire jusqu'à ce que Yahia rejoigne le stage de Coverciano, en Italie. «Pendant quatre jours, j'ai ingurgité les épinards et le liquide de la bouillie, si bien que mes coéquipiers à Bochum, pour me chambrer, m'ont surnommé «Popeye»» (du nom du célèbre personnage de dessins animés qui se revigorait à chaque fois qu'il avalait une boîte d'épinards, ndlr). Ce traitement personnalisé l'a obligé à un régime alimentaire strict, mais il avait la chance de se voir entouré par Dr Boughlali, médecin en chef de la sélection nationale, et surtout du Dr Schubert, qui a séjourné à Coverciano pour suivre Yahia sur proposition de Mohamed Raouraoua. «Vendredi, à l'entraînement, c'est comme si je n'avais pas été blessé» Les résultats n'ont pas tardé à arriver : «Le mardi d'après, soit moins d'une semaine après ma blessure, j'ai fait un contrôle à Florence qui a indiqué qu'il n'y avait plus de sang sur les muscles. C'était déjà un très bon signe.» Le second bon signe allait intervenir le lendemain, mercredi, où Yahia a fait du footing et a participé à l'entraînement avec ballon. «Nous avons fait un petit jeu de dix minutes et cela s'est très bien passé pour moi. Je n'ai pas ressenti de douleurs.» Le troisième et meilleur signe est intervenu le vendredi au Cairo Stadium, lors de l'entraînement de la veille du match. «Là, lors de cette séance, c'est comme si je n'avais pas du tout été blessé ! C'est là que je me suis dit : c'est OK !» «Saâdane m'avait dit : ‘‘Soigne-toi comme tu l'entends et tu me diras si tu peux jouer''» Première personne à être avertie : le sélectionneur Rabah Saâdane et lui ai dit : «Coach, laissez-moi suivre le traitement qu'on m'a préconisé et je vous dirai avec honnêteté vendredi soir si je pourrai jouer ou non.» Il m'a répondu : «Soigne-toi comme tu l'entends. Je te laisse libre de le faire car je sais que tu feras de ton mieux. Tu coordonneras avec Dr Boughlali et tu me diras vendredi. C'est donc vers lui que je me suis dirigé après l'entraînement pour lui dire que j'étais guéri et prêt. D'ailleurs, il l'a lui-même constaté en suivant la séance d'entraînement.» C'est ainsi que la décision de titulariser Antar Yahia contre l'Egypte au Caire a été prise et entérinée. De notre envoyé spécial à Bochum : Farid Aït Saâda ---------------- Quelques pépins physiques pour Yahia Si Antar Yahia n'a pas été aligné dimanche à Hambourg par l'entraîneur de Bochum, c'est pour le ménager après son périple en Afrique, surtout qu'il ressent quelques douleurs à la jambe. «Ce n'est pas grave. C'est une vieille blessure qui s'est réveillée», nous a-t-il rassurés. Il est passé faire des examens dans une clinique hier après-midi, mais on lui a dit de repasser ce matin.