L'Etat semble déterminé à mettre de l'ordre dans le marché soumis au diktat des spéculateurs. C'est du moins l'objectif visé des deux projets de loi relatifs aux pratiques commerciales et à la concurrence ont été adoptées lundi, par l'Assemblée populaire nationale (APN). Destinés à apporter les correctifs nécessaires aux dérèglements observés sur le marché, notamment les pratiques spéculatives sur les prix au détriment des consommateurs, les amendements proposés renforcent les obligations légales des agents économiques en matière de respect des marges et des prix et aggravent les sanctions applicables aux pratiques commerciales illicites. Pour rappel, le président de la République, lors d'un Conseil des ministres, avait relevé que dans les conditions actuelles, la maîtrise de la régulation du marché a révélé ses limites, face aux effets de la libéralisation incontrôlée des circuits de distribution, aggravée conjoncturellement surtout, par des pratiques spéculatives et parasitaires au détriment des citoyens. «J'entends qu'aucune règle de liberté du commerce ne soit invoquée à l'avenir pour justifier la limitation des capacités de l'Etat à imposer des pratiques commerciales loyales et à réprimer les spéculations qui nuisent aux citoyens», avait-il averti. Rapidement, le gouvernement a traduit les orientations du chef de l'Etat en texte de loi. Un texte qui élargit le champ d'application, «aux activités de production, y compris agricoles et d'élevage, de distribution dont celles réalisées par les importateurs de biens pour la revente en l'état, les mandataires, les maquignons et chevillards, qu'aux activités de services, d'artisanat et de la pêche exercées pat tout agent économique quelle que soit sa nature». Dans l'exposé des motifs, le gouvernement explique que « ces activités se rapportent à des biens et services particulièrement stratégiques par rapport à l'approvisionnement et à la stabilité du marché et au pouvoir d'achat du consommateur ». Le texte oblige les intervenants activant dans le secteur agricole à délivrer des documents tenant lieu de factures. Le texte de loi amendant et complétant la loi N° 04-02 du 23 juin 2004, fixant les règles applicables aux pratiques commerciales vise surtout « la stabilisation du marché à travers l'encadrement des marges de bénéfices, des prix des marchandises et des services de bases et à grande consommation et l'éradication de toute forme de spéculation à l'origine de la flambée injustifiée des prix ». Le texte prévoit une nouvelle procédure de dépôt obligatoire, par les agents économiques concernés, des structures de prix des biens et services devant faire l'objet de mesure de fixation ou de plafonnement des marges et des prix. Objectif : garantir la transparence et la traçabilité des prix et des marges pratiquées et permettre aux pouvoirs publics de détecter et de prévenir les manœuvres spéculatives et les ententes illicites. Le gouvernement semble incapable d'enrayer la hausse des prix qui touche une gamme variée de produits La loi modifiant et complétant certaines dispositions de l'ordonnance n°03-03 du 19 juillet 2003 relative à la concurrence donne le droit à l'Etat d'intervenir, même sur les prix. Le gouvernement précise que les mesures préconisées «ne remettent pas en cause le principe universel de la libre fixation des prix, qui devra être préservée». Cependant il estime que la hausse qui affecte les prix des produits de première nécessité et les tendances spéculatives observées sur le marché intérieur, l'interpellent. Du coup, conformément à cette nouvelle loi « il peut être procédé par voie réglementaire à la fixation, au plafonnement ou à l'homologation des marges et des prix de biens ou services ou de familles homogènes de biens et services». «Les mesures de fixation, de plafonnement ou d'homologation des marges et des prix des biens et services sont prises sur la base des marges et des prix proposés par les secteurs concernés et pour la stabilisation des niveaux des prix des biens et services de première nécessité ou de large consommation, en cas de perturbation sensible du marché ; la lutte contre la spéculation sous toutes ses formes», précise-t-on. Les deux textes prévoient de lourdes sanctions à l'encontre des contrevenants. Il reste à espérer que ces dispositions puissent réellement être suivies d'une application stricte sur le terrain. Car c'est là où le bât le blesse. La désorganisation des circuits de distributions a laissé le champ libre aux rentiers et aux spéculateurs. Le gouvernement semble incapable d'enrayer la hausse des prix qui touche une gamme variée de produits. L'Etat, sensé jouer son rôle de régulateur et protéger le consommateur, est dépassé par ce mouvement spéculatif Le problème principal dans ce domaine est l'absence d'application des lois et règlements existants, ce qui encourage fortement la généralisation des pratiques informelles. En effet l'institution des marges pour le ciment, pour ne citer que cet exemple, n'a empêché les prix de ce produit d'augmenter considérablement. Il faut relever ici les dysfonctionnements dans le secteur commercial, un secteur peu modernisé, qui connaît une «informalisation» croissante. L'autre explication, il faut la chercher ailleurs, au niveau de l'efficacité des services de contrôle et la main mise des spéculateurs sur circuits de distribution. Certains experts évoquent une atomisation du commerce et un déséquilibre dans la répartition spatiale. On observe aussi une défiance croissante vis-à-vis de la fiscalité et une prolifération de la corruption. Plus grave encore, cette «informalisation» génère des masses de capitaux insoupçonnées qui risquent de s'ériger en obstacle sérieux à toute réforme du secteur.