Au Bangladesh, le textile est ce que représentent les hydrocarbures pour l'Algérie. L'industrie textile au Bangladesh emploie 3,5 millions de personnes. Dacca tirent 80% de ses revenus en devises en habillant le monde avec une main d'œuvre la moins payée du globe. D'où la déflagration sociale de ces derniers jours. De violentes manifestations d'ouvriers du textile ont éclaté en fin de semaine dans la capitale du Bangladesh après l'annonce de hausses salariales jugées décevantes. Au moins 5000 manifestants ont saccagé un quartier commerçant situé dans le centre de Dacca, où de nombreuses ambassades et des organisations humanitaires étrangères ont aussi leurs bureaux. La ville est à feu et à sang. Non loin de là, environ 3000 ouvriers ont attaqué la police, jeté des pierres sur les usines et bloqué l'accès à un pont autoroutier. Les manifestations ont éclaté très vite, plusieurs usines avaient été sévèrement endommagées. Des milliers d'ouvriers ont aussi bloqué l'artère principale de Dacca, arraché des rideaux de fer protégeant des usines et vandalisé des voitures. Il y a quelques jours, le Bangladesh a annoncé une augmentation de 80% du salaire minimum de ses millions d'employés du secteur textile après des mois de violentes manifestations portant sur les conditions de travail et les salaires. Un comité d'urgence sur les salaires constitué de fonctionnaires du gouvernement, d'industriels et de syndicalistes a déclaré que le minimum salarial mensuel allait passer de 1662 taka (23 dollars) à 3000 taka (43 dollars) à partir du 1er novembre. Mais si certains syndicats d'ouvriers ont accepté cette hausse, d'autres l'ont rejetée, la jugeant loin des 5000 taka initialement demandés. Misère des uns, richesse des autres En juin dernier déjà, on commençait à sentir le brûlé. Des centaines de milliers d'employés avaient fermé une usine clé de l'exportation textile qui fabrique notamment des vêtements pour des chaînes occidentales comme Wal-Mart, H et M ou encore Marks et Spencer. Selon la représentante du Forum des ouvriers du textile, qui a rejeté la hausse salariale, les ouvriers pourraient appeler à une grève nationale jusqu'à ce que le gouvernement accède à leur demande. Au second trimestre 2010, les exportations ont battu un record en atteignant 1,72 milliard de dollars, soit la meilleure performance réalisée en quarante ans. Les ouvriers de la corporation, les moins payés du monde dans leur secteur, travaillent en partie pour des grandes marques occidentales. Wal-Mart, Zara, Marks § Spencer, Gap, HetM, Carrefour, Levi Strauss, Tommy Hilfiger, Tesco, Metro, JCPenny, Khol's, la liste est longue des grandes marques internationales qui font fabriquer leurs vêtements dans certaines des 4.000 fabriques textiles du Bangladesh, qui emploient pas loin de deux millions d'ouvriers et - surtout - d'ouvrières. Une habitude qui s'explique par les conditions sociales déplorables dans ce pays qui compte parmi les plus pauvres du monde, qui permettent d'obtenir un coût du travail très bas, qui va de pair avec une rentabilité très haute. Mais ces derniers mois, la machine bien huilée de la mondialisation s'est quelque-peu grippée. Et ce sont les plus petits rouages qui ont cessé de tourner : les ouvriers se sont révoltés. Il faut dire que si le modèle économique en place permet à certains de s'offrir du bon temps à Saint-Jean-Cap-Ferrat, sur la French Riviera ou ailleurs, d'autres en revanche, ne parviennent même pas loger et nourrir correctement leurs familles. Jusqu'à il y a deux jours, un ouvrier du textile au Bangladesh touchait un salaire minimum de 1.662 takas par mois (19,1 euros). Triste record, il s'agissait là du plus petit salaire minimum de la planète. Mais depuis plusieurs mois, les damnés du textile en ont assez. Des grèves et des manifestations se sont multipliées dans le pays, particulièrement aux abords de la capitale, Dacca. C'est dans ce contexte que se sont produits les affrontements de ce samedi, entre la police et des manifestants à Ashulia, ville proche de Dacca, qui abrite 300 fabriques. L'enjeu est de taille car les exportations de textiles du Bangladesh s'élèvent à 12 milliards de dollars (9,1 milliards d'euros) soit 80% des exportations du pays. Et le gouvernement craint que l'économie du textile n'en souffre. Les commanditaires cherchant toujours moins cher pour préserver et améliorer leur rentabilité. Et tant pis pour la misère de ceux qui font la richesse des multinationales.