Le ministère des Finances a émis hier un appel d'offres international auprès des banques d'affaires et des sociétés de conseil afin d'être conseillé dans le rachat de Djezzy. Ainsi, l'option du rachat est, semble-t-il, entérinée. Nonobstant l'avenir de Djezzy en Algérie, la déroute de la partie algérienne dans cette affaire est…magistrale. Focus ! Dans la cohorte de Khalifa, de Tonic Emballage, de BCIA Bank…, l'affaire Djezzy enlise les responsables algériens, censés veiller à la souveraineté du pays. Aujourd'hui, Naguib Sawiris nargue l'Algérie sur les mêmes chaînes satellitaires égyptiennes qui avaient manifesté une haine sans précèdent pour l'Algérie, les Algériens et leurs préceptes identitaires. Qui sont les coupables ? Il semble qu'on a pas tiré les leçons de ces affaires scabreuses dans le sens le plus trivial du terme «L'amateurisme» dans la gestion de l'affaire Djezzy est la cause primordiale de la déroute algérienne, suscitant un abattement général de la classe politique et publique. Naguère un haut responsable a déclaré publiquement : «On tient le pigeon.» Que nenni ! Pour édulcorer un tant soit peu l'ironie de cette «mascarade», le département de Karim Djoudi a lancé hier un appel d'offres international auprès des banques d'affaires et des sociétés de conseil, afin d'être conseillé dans le rachat de la filiale algérienne d'Orascom Telecom. L'appel d'offres a été publié au journal officiel «El Moudjahid», avec comme date-butoir le 24 novembre. Désormais, la question qui prête à discussion : est-ce que le Gouvernement algérien peut-il se rattraper et corriger ses bévues perpétrées dans la gestion de cette affaire rocambolesque ? Selon le bon sens le plus sommaire, il fallait entreprendre dès l'avènement de cette affaire une stratégie ferme et infaillible. Les experts financiers affirment unanimement que dans cette affaire de Djezzy, Naguib Sawiris a été plus stratège que les Algériens. Mohamed Bouchakour, enseignant HEC Alger, a déclaré au journal Le Soir d'Algérie qu' «il ne s'agit pas ici comme vous le savez d'un simple rachat de sociétés, mais d'une affaire beaucoup plus complexe où l'Algérie a été… disons naïve au départ. Et aujourd'hui, nous sommes en train d'en récolter les conséquences». Tel un Bill Gates, jeune multimilliardaire retraité, Naguib Sawiris multiplie les apparitions sur les télés satellitaires égyptiennes, narguant le pouvoir algérien. Hier, M.Sawiris était l'invité de la chaîne Nilsat. Imbu de sa personne, il réitéra presque les mêmes propos émis avant-hier à l'autre chaîne égyptienne d'informations «El Mihwar». Sawiris va entreprendre une retraite dorée, couché sur un matelas de plus de 8 milliards de dollars. Il n'évoqua que sournoisement son affaire en Algérie, alors que cette dernière constituait le plus fort de sa fortune. Les Sawiris ont fait fortune en Algérie alors que toutes leurs affaires, dans les autres pays, étaient moribondes. Qui est coupable de la déroute algérienne ? Qui est le coupable de la déroute du Gouvernement Algérien ? Djoudi, Bensalah, Ouyahia…où leurs prédécesseurs ? Qui a sacrifié l'opérateur public, Algérie/Telecom, au profit d'un magnat égyptien sans scrupules ? Quelle était la nature du compromis fait naguère avec Sawiris ? Pourquoi la volte-face du Gouvernement, alors que Sawiris a bénéficié de facilités et de facilitations… absconses voire illégales ? Pourquoi le marivaudage et lune de miel de l'Etat algérien avec la famille Sawiris sont soudainement terminés? Tant de questions légitimes qui restent sans réponses ! Dans tous les cas de figure, c'est l'honneur et la souveraineté de la nation qui sont touchés, relève-t-on des échos de la scène publique. Dans un sondage opéré par le journal El Watan où il fallait répondre à la question, «Dans l'affaire de Djezzy, pensez vous que le Gouvernement Algérien a bien géré le dossier?», plus de 84% des sondeurs ont répondu par la négative. Dans la cohorte des affaires Khalifa, Tonic Emballage, BCIA Banque, l'affaire Djezzy est une affaire typiquement algérienne. Jadis, l'enfant prodigue du pouvoir, Abdelmoumène Rafik Khalifa, avait déclaré sur la chaîne française TF1, dans l'émission les rendez-vous de l'entreprise qu'«en Algérie c'est difficile de faire des affaires à cause de la nature du pouvoir, étant totalitaire et bureaucratique», se contredisant car, au début de l'émission, il dira que «le marché algérien étant vierge, les affaires ne peuvent être que bénéfiques». Des propos similaires à ceux de Naguib Sawiris, rapportés par le Financial Times ! Trop de similitudes ! Les Russes plus stratèges… que les Egyptiens Avant d'entrer dans une affaire aussi enchevêtrée, le protagoniste russe a sûrement pesé les tenants et les aboutissants de cette affaire. Les Russes ont fait la bonne affaire en prenant le contrôle de Djezzy sur la base d'un prix vraisemblablement proche du prix-plancher. Dans cette partie d'échecs, les Russes prétendent être les meilleurs ! Et ce n'est pas une baliverne. Selon le professeur de la HCE, «le deal avec les Egyptiens ne pouvait être accepté par les Russes que dans la mesure où OTH accepte de baisser ses prétentions jusqu'aux alentours du prix plancher, ce que l'opérateur égyptien n'a pas eu trop de mal à accepter, compte tenu de la valeur initiale dérisoire de ses actions». En achetant une affaire pour ensuite proposer de la revendre à l'Algérie, à un prix exorbitant, tout en sachant que celle-ci était intéressée et jouissait d'un droit de préemption, les Russes mésestiment la partie algérienne. Le professeur Bouchakor dira à ce sujet que «plus même, la délégation officielle qui a accompagné le groupe russe, président russe en tête, a commis une indélicatesse diplomatique monumentale en s'associant à la démarche. On se demande d'ailleurs comment l'Algérie a pu accepter que cette affaire soit inscrite à l'ordre du jour des discussions et médiatisée». L'appel d'offres international émis hier par le département de Karim Djoudi, soutient en quelque sorte, l'option du rachat de Djezzy par l'Etat. Cette option du rachat est critiquée par les experts algériens. Interrogé par le journaliste du Soir d'Algérie sur l'option du rachat de Djezzy par l'Etat, il répondra que «franchement, sans avoir toutes les informations en main, je pense que non. Si la puissance publique veut récupérer cette société, pour des raisons politiques impérieuses, il lui reste la possibilité de la nationaliser et d'en payer le prix en termes d'indemnisation, quel qu'il soit». Et d'ajouter : «je ne pense pas que les choses aillent jusque-là, sauf s'il y a des aspects qui, pour le moment, échappent au grand public. Mais si c'est l'Etat actionnaire qui cherche à racheter cette société, par holdings interposés, on est sur le terrain d'une transaction économique qui, elle, doit se justifier commercialement et financièrement. Les deux terrains sont totalement différents. Cette seconde option ne me semble pas se justifier quel que soit le niveau de prix sur lequel les parties pourraient s'entendre». Les Egyptiens n'existent plus, l'oiseau s'est envolé Selon le professeur Bouchakor, les Egyptiens n'existent plus. L'oiseau s'est envolé. C'est un non sens de voir les responsables algériens dire qu'ils ne parleront qu'avec les Egyptiens. Et le pire des scénarios est selon lui : «si plus personne ne veut racheter Djezzy, on peut déduire que le groupe Vimpelcom risque fort de se retrouver avec une entreprise «maudite» qu'il n'aurait certainement pas acquise s'il se doutait qu'il allait la garder sur les bras. C'est pourquoi dans ce jeu, la pire des réponses que puisse faire la partie algérienne, c'est de renoncer à acquérir Djezzy, quel que soit le prix et quel que soit l'interlocuteur. Si ce scénario se confirme, Alexander Izosimov, le patron du groupe russe propriétaire de l'ex-filiale égyptienne, aura fait la plus mauvaise affaire de sa carrière ». Et d'expliquer : «c'est pourquoi, les choses en fait n'en resteront pas là. Il faut anticiper le coup suivant. Par exemple, si la partie algérienne s'obstine à traiter avec OTH, je ne serai pas étonné que les Russes fassent la concession d'envoyer une délégation de négociateurs OTH, mais composée d'une équipe russe mandatée par le groupe Vimpelcom… La partie d'échecs va incontestablement continuer, mais sans les Egyptiens car ceux-ci n'existent plus». Pour sauver la face, il reste aux responsables algériens de se montrer plus stratèges que les Russes.