Des experts ont indirectement recommandé hier la prudence dans le lancement des projets portant sur les énergies renouvelables annoncés tout récemment par le ministre de l'Energie Youcef Yousfi. Réagissant en effet à ce programme comptant une soixantaine de projet, ils ont plaidé pour une meilleure préparation du terrain avant toute exécution des chantiers. Il est vrai que pour le moment aucun détail n'a été révélé sur la teneur de ces projets, leur nature, les délais de lancement ou leur mode de financements. « Ce nouveau programme est très intéressant, mais il faudra d'abord se focaliser sur ses coûts, les conditions de réalisation et d'exploitation, ainsi que ses retombées industrielles sur le pays », estime d'ailleurs Mustapha Mékidèche, vice-président du Conseil national économique et social (CNES). L'expérience de l'Algérie dans le domaine du dessalement de l'eau de mer qu'il qualifie de « réussie » à la faveur d'un long processus de préparation technique, humaine et économique constitue d'ailleurs pour le vice-président du CNES le meilleur exemple. « Les premiers séminaires technico-économiques avaient été initiés vingt ans avant le démarrage des premiers investissements (dans le domaine du dessalement). Cela fait de l'Algérie d'aujourd'hui l'un des premiers pays en la matière dans la région Afrique du Nord et Moyen Orient », a-t-il rappelé. « Le tout est de bien préparer ces projets », a-t-il, dans ce sens, insisté, en mettant l'accent sur la nécessité de bien maturer les projets inscrits dans ce programme et dont les détails n'ont pas encore été divulgués. Estimant, dans la même logique, que la transition énergétique « est bien engagée dans le monde et notamment en Europe », qui cherche à diversifier son bouquet énergétique et ses fournisseurs, M. Mékidèche a fait remarquer par ailleurs que l'Algérie est appelée à « définir ses choix stratégiques en la matière pour les prochaines années, afin de bien anticiper cette transition ». « L'Algérie est un pays continent disposant de sources potentielles importantes » en matière d'énergie alternatives, même si la contribution de ces dernières ne représente pour le moment pas plus de 2% de l'ensemble de la production électrique nationale, estime le vice président du Conseil national économique et social (CNES), M. Mustapha Mékidèche. Il a, en outre, estimé difficile d'établir une évaluation, même approximative, du coût d'un tel investissement en raison notamment des conditions de développement des différentes technologies liées à l'exploitation des sources d'énergie alternatives. La prudence recommandée par M. Mékidèche trouve aussi sa motivation dans le fait que les grands projets de développement des énergies renouvelables annoncés pour la région, comme Desertec et le PSM (plan solaire méditerranéen), évoluent « encore dans plusieurs champs d'incertitude ». Il s'agit, selon lui, « d'incertitude en matière de visibilité à moyen et long terme des marchés d'électricité en Europe en matière de tarification, d'incertitude en matière de technologies de production et de transport et d'incertitude (...) en termes de niveaux d'investissements pour obtenir des financements de long terme ». Un avis que partage M. Chemseddine Chitour, professeur à l'Ecole nationale polytechnique d'Alger, qui estime qu'un « état des lieux » des perspectives et des moyens disponibles en matière de production électrique à partir de sources alternatives, qu'elles soient solaires ou éoliennes, demeure la condition primordiale pour la réussite d'un tel programme. Il a, en effet, estimé plus utile pour l'Algérie d'opter, dans ce sens, pour « une stratégie énergétique bien définie mais aussi réaliste en matière d'objectifs fixés ». M. Chitour juge d'ailleurs, très difficile, voire « impossible » d'atteindre l'objectif de produire 40% des besoins d'électricité du pays à partir des énergies renouvelables à l'horizon 2030. L'Algérie, « qui a beaucoup perdu en matière de savoir-faire durant les dix dernières années en raison notamment de la fuite des compétences nationales vers l'étranger, se trouve ainsi dans l'incapacité de reconstituer dans quelques années son tissu d'industrie et de sous-traitance ».