Le ministre de l'Energie et des Mines, Youcef Yousfi, a présenté, hier, en réunion du gouvernement, un projet de programme de développement des énergies renouvelables qui porte sur les vingt prochaines années. L'objectif recherché à travers la mise en place de ce projet, très attendu par le monde de l'énergie, est d'arriver au terme de cette période à produire 40% des besoins en électricité du pays à partir de l'énergie solaire et éolienne en 2020. Ce n'est pas tout. Ce programme, qui nécessitera une aide conséquente de l'Etat et la mobilisation du secteur industriel public et privé, permettra également à l'Algérie d'exporter 2000 à 3000 mégawatts d'électricité solaire, en partenariat avec des Européens, d'ici 2020. Lors d'un entretien accordé, lundi matin, à la Radio nationale, M. Yousfi a indiqué que le programme en question sera exécuté en trois phases. La première phase, d'une durée de deux ou trois ans, sera consacrée à l'expérimentation de toutes les techniques, de voir lesquelles s'adaptent aux conditions locales et de préparer le terrain à la fabrication des équipements en Algérie. La seconde phase, a-t-il poursuivi, sera axée sur la construction des infrastructures nécessaires pour les équipements. La troisième phase, enfin, doit être marquée par le lancement à grande échelle de la production. Le ministre de l'Energie a fait état de l'existence, déjà, d'une soixantaine de projets. L'intervention de Youcef Yousfi présente l'avantage, par ailleurs, de clarifier ou plutôt de recadrer les termes du débat sur la question de la participation de l'Algérie à Desertec, un projet de production d'électricité à partir de l'énergie solaire, promu par des entreprises allemandes et dont la réalisation nécessite une enveloppe de 400 milliards d'euros. Desertec est actuellement en concurrence notamment avec PSM (le plan solaire méditerranéen) sponsorisé par les Français et les fameuses tours solaires mises au point par les Japonais. Contrairement à ce qu'aurait pu laisser croire la déclaration du chef de l'Etat sur la question, faite lors de son voyage d'Etat en Allemagne le 8 décembre dernier, il ressort – à la lumière des propos de M. Yousfi – que les autorités algériennes n'ont pas encore pris option pour ce projet, soutenu en Algérie par le groupe privé Cevital. «Le gouvernement n'a pas à donner son feu vert ou son feu rouge à Désertec. Traçons d'abord notre programme et nous discuterons ensuite avec l'ensemble des partenaires qui peuvent participer à sa réalisation, sans exclusion d'aucun partenaire», a expliqué le successeur de Chakib Khelil à la tête du ministère de l'Energie. Youcef Yousfi est même apparu étonné qu'on le questionne sur la question et que l'on évoque un accord passé entre l'Algérie et le gouvernement allemand. «Quel accord du gouvernement?», a-t-il demandé avant d'ajouter : «Desertec est une idée d'industriels. Le gouvernement allemand n'a rien à voir avec ce projet.» Cette position, faut-il le souligner, rejoint en tous points celle exprimée par le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, lors de son passage le 20 décembre dernier, devant les membres du Conseil de la nation.
S'agit-il juste d'agacer les français ? Pourtant, en déclarant avoir abordé devant la presse internationale, lors de son entretien avec la chancelière allemande, «les projets immenses sur lesquels nous travaillons ensemble, notamment celui de Desertec que nous allons approfondir d'un commun accord», le président de la République avait laissé entendre que le gouvernement algérien était bel et bien partant. Abdelaziz Bouteflika a-t-il fait cette déclaration uniquement pour «agacer» le partenaire français avec lequel les relations ne sont actuellement pas à leur meilleur niveau ? Possible ! Encore qu'à ce niveau, les décisions ne se prennent généralement pas à la légère. Cela est d'autant plus valable dans le cas d'une visite d'Etat où tout est censé avoir été réfléchi à l'avance dans le moindre détail. Et puis, on voit mal comment les Allemands auraient accepté de «jouer le jeu» et, partant, de prendre le risque de se mettre à dos leurs alliés français. Alors, par quoi est-il possible d'expliquer le revirement, car il s'agit bien d'un recentrage, de l'Algérie sur la question ? Y a-t-il un désaccord au sommet concernant la politique à suivre en matière d'énergies renouvelables ? Même si aucune possibilité n'est à exclure, l'hypothèse la plus probable qui pourrait expliquer cet embrouillamini politique est que les experts du ministère de l'Energie soient parvenus, in fine, à persuader le chef de l'Etat de temporiser le temps d'étudier les propositions mises sur la table afin d'éviter de faire le mauvais choix, surtout que les projets sont très coûteux et que l'Algérie ne dispose pas encore de vision en matière d'énergies renouvelables. En un mot, le chef de l'Etat a mis la charrue avant les bœufs en Allemagne et ce n'était peut-être pas ce qu'il y avait de mieux à faire. Pour Ahmed Ouyahia autant que pour Youcef Yousfi, il apparaît clair – au regard de leurs insistantes remarques – que l'erreur n'est plus permise dans la gestion du secteur de l'énergie, surtout après les dégâts incommensurables causés durant l'ère Khelil. A ce propos, il n'est pas inutile de rappeler que l'intervention de Youcef Yousfi intervient précisément dans un contexte marqué par le démantèlement du système Khelil, un système qui apparaît de plus en plus avoir été fondé sur la corruption et la gabegie, et une reprise en main sérieuse du secteur de l'énergie par le gouvernement. Et tout laisse à penser qu'à l'avenir, rien ne se fera son aval.