Les gros moyens envisagés par l'Etat, dans le but de relancer le secteur industriel public, ne peuvent être suffisants pour dynamiser les entreprises étatiques dont la gestion demeure otage d'une certaine vision peu encline à laisser s'exprimer les compétences managériales. C'est en substance le message qu'a voulu faire passer le directeur général de l'Institut national de productivité et de développement industriel (INPED), M. Abderrahmane Moufek, dans un entretien accordé au journal électronique «Maghreb Emergent» qui n'hésite pas à mettre «à nu» les limites d'une stratégie et d'une politique qui porte en elle plus qu'une contradiction. Le premier reproche fait au projet de relance industrielle a trait aux procédures de prises de décision et à la marge de manœuvre laissée à ce propos au dirigeant de l'entreprise publique. «À partir du moment où l'Etat a décidé de réorienter l'investissement industriel, en mettant beaucoup d'argent dans les entreprises publiques, c'est déjà un grand risque. Le risque doit exister et existe dans la gestion. Vouloir le minimiser ne doit pas se traduire par un arsenal juridique contraignant. Il faut maintenant penser au management dirigeant de ces entreprises publiques et leur donner une plus grande marge de manœuvre pour prendre les bonnes décisions», explique le premier responsable de l'Inped à Mahrebemergent. Celui-ci explique que les entreprises publiques ont besoin d'un encadrement managérial compétent avec des prérogatives assez importantes pour bien diriger. M. Moufek remet en cause à ce sujet le processus de prise de décision en vigueur dans le secteur public qui se caractérise par une dualité qui présente des risques pour la gestion des sociétés étatiques. «Le conseil d'administration ne doit plus être une source de blocage, mais au contraire, il doit savoir soutenir les bonnes initiatives. L'Etat a donné beaucoup d'argent aux entreprises publiques et doit garantir maintenant un bon investissement de tout cet argent. Ce qui ne peut se faire sans management et sans les risques de gestion qui s'imposent. On ne peut pas gérer sans prendre des risques et on ne peut pas prendre des risques avec un cadre juridique qui pénalise l'acte de gestion», estime M. Moufek qui plaide pour une liberté totale garantie aux managers des sociétés publiques dans la prise de décision. «De mon point de vue, la prise de décision doit revenir aux seuls dirigeants de l'entreprise qui, eux, sont formés et préparés à cela. Nous ne pouvons pas cautionner des comportements qui portent atteinte aux intérêts de l'entreprise », recommande-t-il d'ailleurs. Le DG de l'Inped ne manque pas de dénoncer à ce propos les comportements des délégués syndicaux qui s'ingèrent dans la gestion. « Des représentants syndicaux continuent de défendre des travailleurs qui ont causé du tort aux entreprises, ou contester un plan de développement nécessaire à la compétitivité d'un outil industriel. Il est très difficile de pouvoir sauvegarder des emplois avec ce genre de comportement », estime-t-il. M. Moufek passe aussi au crible le système de rémunération en vigueur dans le secteur public qui, de son point de vue, ne favorise pas la présence ou l'émergence des compétences. « Aujourd'hui, le système de rémunération est très contreproductif », lâche-t-il de manière péremptoire. « Lorsque le système de rémunération est plat, lorsque c'est l'égalitarisme et que tout le monde touche les mêmes rémunérations comment voulez-vous que le meilleur se donnent à fonds et se démarque du reste des travailleurs ? » s'interroge-t-il, affirmant qu'il faut mettre fin au « système de nivellement par le bas ». « Il faut que le système de rémunération soit étroitement lié aux résultats de chacun au travail. Il faut qu'on passe de la gestion des effectifs à celle des compétences. Il faut rémunérer la compétence et non pas la présence », indique-t-il.