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Libéralisation des échanges, desinvestissements et des flux de capitaux
L'Algérie face aux défis de la mondialisation
Publié dans El Watan le 04 - 09 - 2007

Dans cet article purement journalistique, je voudrais aborder la question de la mondialisation dont les médias nationaux, les politiques et les experts n'ont cessé de se faire largement l'échos depuis la fin des années quatre vingt-dix, mais sans que personne nous ait expliqué de manière satisfaisante ce dont il s'agit au juste. Pour saisir ce que recèle une idée abstraite, une notion ou un concept « nouveau », ne faut-il pas définir au préalable son contenu ?
L'Algérie officielle qui semble s'être engagée, théoriquement du moins, dans un mouvement de libéralisation économique, a-t-elle su ou non expliquer à ses concitoyens les vrais enjeux de cette mondialisation initiée et impulsée par les puissants du ce monde, à savoir les pays développés de l'Occident que sont les Etats-Unis et l'Europe ? A ma connaissance, aucun débat national n'a été organisé autour de cette séduisante notion dont beaucoup, politiques et intellectuels de chez nous, se gargarisent, sans en saisir véritablement le sens. C'est pourquoi, je propose de définir à ma façon, en qualité de chercheur et d'observateur des faits sociaux et politiques, ce concept « fourre-tout » afin de dissiper les malentendus, les contre- sens et les confusions qu'un tel concept provoque dans les imaginaires de nos compatriotes. En l'occurrence, qu'est-ce que c'est que la mondialisation ? Elle désigne tout bonnement, une vague de libéralisation des échanges, des investissements et des flux de capitaux ainsi que l'importance croissante de tous ces flux et de la concurrence internationale dans l'économie mondiale .Elle traduit en outre et surtout une intensification des échanges entre les pôles de croissance que sont l'Amérique du Nord, le Japon, l'Europe occidentale, les nouveaux pays industrialisés d'Asie, parmi lesquels il faut compter la Chine, l'Inde, et l'Indonésie. Ces évolutions ont des retombées et des effets d'entraînement dans plusieurs pays en voie développement. Elles sont inséparables de grandes innovations technologiques, qui ont pour conséquence de rétrécir l'espace international en créant les interactions toujours plus denses entre les sociétés. La globalisation implique aussi un essor des échanges socioculturels entre les différentes régions de la planète, la prolifération d'ONG, de réseaux et d'associations de toutes sortes qui s'organisent sur une base transnationale. La mondialisation est également associée aux effets néfastes de l'industrialisation, dont les risques technologiques et les pollutions transfrontalières portent atteinte au climat de la planète et menacent la sécurité des peuples.
La délocalisation
Cette mondialisation que d'aucuns saluent chez nous avec l' enthousiasme du prosélyte, se trouve paradoxalement dénoncée avec vigueur non seulement par la gauche occidentale (les altermondialistes), mais aussi par des économistes libéraux éminents et par des sociologues de grands renoms, tels le célèbre économiste américain John Kenneth Galbraith ou le feu sociologue Pierre Bourdieu. Dans son dernier essai corrosif, Les Mensonges de l'économie(1) Galbraith relève non sans ironie que la grande entreprise capitaliste moderne proclame à cor et à cri son souci du bien public, alors qu'en réalité « ses dirigeants ont pour seul but de faire du profit, y compris personnel. Mais il y a pis. Sur les questions d'environnement , de réchauffement planétaire, et surtout de défense, les patrons déguisent en conscience citoyenne et en patriotisme des motivations purement intéressées. Le bien public subordonné au profit financier, voilà un véritable oxymore »(2). De son côté Pierre Bourdieu dénonce la vision néo- libérale qui consiste à décrire la mondialisation sous des dehors positifs, et à se présenter comme évidente, comme dépourvue de toute alternative. En effet, dans certains secteurs de l'opinion publique occidentale, cette opinion s'est imposée effectivement grâce à un ensemble de présupposés comme allant de soi : « on admet que la croissance maximum, donc la productivité et la compétitivité, est la fin ultime et unique des actions humaines ; qu'on ne peut résister aux forces économiques. Ou encore, présupposé qui fonde tous les présupposés de l'économie, on fait une coupure radicale entre l'économique et le social, laissé à l'écart, et abandonné aux sociologues, comme une sorte de rebut. Autre présupposé important, c'est le lexique commun qui nous envahit, que nous absorbons dès que nous ouvrons un journal, dès que nous écoutons une radio, et qui est fait, pour l'essentiel, d'euphémismes. […] Par exemple en France, on ne dit plus le patronat, on dit « les forces vives de la nation » ; on ne parle pas de débauchage, mais de « dégraissage », en utilisant une analogie sportive (un corps vigoureux doit être mince). Pour annoncer qu'ne entreprise va débaucher 2 000 personnes, on parlera du « plan social courageux de Alcatel ». Il y a aussi tout un jeu avec les connotations et les associations de mots comme flexibilité, souplesse, dérégulation, qui tend à faire croire que le message néo- libéral est un message universaliste de libération. » (3) Mais ce qu'il convient de comprendre tout d'abord, c'est que la mondialisation n'est pas comprise, vécue et conduite de la même manière en Occident, instigateur de ce projet « grandiose » qu'en Algérie. Les objectifs et les enjeux suivis ici et là ne sont point identiques et ne mobilisent pas les mêmes potentialités politique, économique et culturelle. En Occident, la mondialisation signifie avant tout l'exportation des capitaux et du savoir managérial vers les pays les moins développés aux fins d'exploiter de manière intelligente leurs ressources disponibles ( matières premières, main –d'œuvre à bon marché, etc. ). Dans cet esprit, la mondialisation rime avec délocalisation. Que signifie donc ce dernier terme ? Il signifie que lorsque une firme aux Etats-Unis, par exemple, décide de fermer son usine en métropole pour la transférer dans un pays étranger pour réimporter ensuite aux USA le produit fabriqué, cela s'appelle délocalisation. Vu côté Occidental, la délocalisation ne signifie rien de moins que la recherche de profit auquel précède presque toujours une politique de « dégraissage », autrement dit les licenciements de travailleurs suivis de délocalisations des usines vers les pays émergeants, comme la Chine, l'Indonésie, et l'Inde, mais aussi vers les pays moins lotis, comme l'Afrique. Par le biais des délocalisations, la mondialisation provoque donc le chômage des moins qualifiés dans les pays Occidentaux parce qu'elle favorise les pays à bas salaires. Dit autrement, la délocalisation est déterminée par des raisons de coûts, et donc de recherche de gains que seuls de trop bas salaires peuvent procurer. Exemples concrets : En 1993, une étude de la Direction de la recherche économique (France) parvient aux conclusions suivantes : le salaire horaire moyen français était de 8,38 euros contre 2,29 euros pour la Tunisie, de 1,67 euro pour la Hongrie, de 1,37 euros pour la Chine, de 0,76 euro pour la Pologne, de 0,61 euro pour les Philippines, pour descendre à 0,23 euro au Viêtnam, et à 0,18 euro à Madagascar ! Ce sont ces mêmes raisons ou motifs économiques qui ont décidé l'usine de Rennes de la société franco-italienne d'électronique ST Microelectronics ( 450 emplois) à délocaliser sa production à Singapour, celle de Majorette à Lyon vers la Thaïlande, de Whirlpool (Amines) vers la Slovaquie, de Camping Gaz (Lyon) vers la Chine.(4) En effet, la logique du capitalisme suppose que le prix de revient du produit dépende grandement des coûts de production liés à la main d'œuvre. C'est pourquoi, il est donc plus largement avantageux pour les entreprises des pays développés de produire leur gamme dans de pays ou régions où la main d'œuvre est à bon marché. Dans le textile, par exemple, le coût de main d'œuvre en France, représente 60% du prix de revient. Ce qui veut dire que le salaire d'un ouvrier français permet d'employer 35 Vietnamiens ou 70 Russes ! C'est ce qui explique que les entreprises ont intérêt à déplacer leur site de production en des lieux où les coûts de production sont les plus bas. En Europe Occidentale, et plus particulièrement en France, en Angleterre et en Allemagne, les secteurs affectés par la délocalisation sont les chaussures, les vêtements, les jouets et certaines industries dites « hautes technologies », telle l'informatique.
Quelle place l'Algérie doit-elle occuper dans la nouvelle configuration mondiale ?
Quelle place doit tenir l'Algérie dans le nouvel ordre mondial dessiné ailleurs ? Notre pays peut-il relever les défis que lui lance à la face cette mondialisation envahissante ? Sommes –nous préparés politiquement, économiquement et psychologiquement pour aborder cette phase dite de « transition » vers une économie libérale ? Avons-nous les moyens matériels, la culture, les réflexes et les compétences requises pour nous imposer sur l'échiquier économique mondial ? A toutes ces questions, la réponse paraît malaisée. Elle ne peut être que nuancée, sans quoi, on risquerait fort bien de tomber dans l'idéologie partisane…. Si la mondialisation comporte des aspects positifs pour notre pays, comme l'acquisition de certaines connaissances, et d'un certain savoir-faire, elle n'en reste pas moins grevée d'hypothèques et d'incertitudes quant à l'avenir. Ces incertitudes résident moins dans la mondialisation proprement dite que dans nos propres capacités et imaginations réactives à la gérer de manière intelligente ou rationnelle. Or, la lecture des facteurs économiques, sociaux et culturels de notre pays incline à penser que nous sommes loin d'être préparés à gérer et à profiter, du moins à court terme, des retombées de cette mondialisation. Et ceci pour plusieurs raisons : c'est que nos pratiques économiques restent dans beaucoup de cas artisanales, pour ne pas dire archaïques : je songe notamment aux pratiques informelles de larges secteurs de notre économie, aux pratiques bancaires qui demeurent marquées au coin de l'incompétence et de l'archaïsme « privatif » et qui se reflètent à travers l'accueil revêche et rébarbatif des guichetiers. Et surtout à travers la multiplicité des poids et des mesures : chaque banque à ses propres pratiques et interprétations des lois de l'Etat. Si votre compte bancaire, par exemple, est domicilié dans la ville X et que vous vous présentez à la banque de la ville Y, il vous sera bien difficile, si vous n'êtes pas muni de votre chéquier, d'obtenir un « chèque secours », lequel dépend du bon vouloir du seul receveur. En l'absence duquel ou sans sa bonne volonté, il vous sera impossible de retirer le moindre sou. De telles pratiques sont incompatibles avec une économie qui se veut ouverte, efficace ou libérale. Outre ces pratiques d'un autre âge, s'ajoute la corruption qui affecte ce secteur vital de l'économie nationale, corruption qui n'est pas, comme le notre si justement Hadj Nasser, spécifiquement « lié au système bancaire mais se rapporte à l'Etat dans son ensemble : c'est le type d'Etat qui conditionne l'économie » Or, le fonctionnement du système bancaire s'avère être « un excellent reflet du fonctionnement d'un pays[….] Le passage d'un système de gestion centralisé à un système de gestion décentralisée suppose la mise en place d'instruments de régulation très puissants. Cela signifie donc le renforcement des capacités d'intervention étatique et non pas le dépérissement de l'Etat. D'où la nécessité d'avoir une banque centrale très puissante. Le problème, aujourd'hui, est le suivant : nous sommes tous arrivés à la nécessité de renforcer l'Etat mais on n'a pas su se donner les moyens de réaliser cet objectif. On a sorti des lois sans réapprendre aux agents de l'Etat ( c'est-à-dire aux fonctionnaires, aux décideurs de premier et de second rangs) quelle allait être leur place dans le nouvel Etat. Le comble est que la place de ces derniers allait être beaucoup plus puissante dans le nouvel Etat comparativement à celle qu'ils occupaient dans l'ancien dispositif étatique. En l'absence d'une telle mise à niveau des agents de l'Etat, ces derniers, perturbés, ont fini, non par approfondir leur capacité de gestion du système, mais par reprendre le contrôle. Je m'explique. En matière de banques, vous avez deux façons de réagir à un dérapage du système : soit vous renforcez la Banque centrale, la Cour des comptes, l'Inspection générale des finances dans leur capacité de surveillance, de supervision et d'ingénierie , soit vous réagissez de façon brutale et vous dites que je contrôle tout, et en contrôlant tout, l'Etat se met en avant-plan et se fragilise. »(5) Si « nous sommes dans une impasse », celle-ci ne saurait-être imputable aux seules autorités actuelles de l'Etat, ni moins encore à leur refus supposé d' « instaurer la démocratie »(6), mais à des facteurs bien plus complexes et qui s'originent dans une culture et des réflexes conditionnés par une longue pratique rebelle à la rationalité économique, à la discipline, à l'ordre, au civisme entendu au sens de la responsabilité individuelle et collective. Les autorités actuelles de l'Etat tout comme leurs devanciers sont, comme les citoyens ordinaires, tributaires et dépositaires d'une culture qui perçoit l'Etat non pas comme « un bien commun », mais comme un instrument privatif ou un corps hostile, c'est selon, à la nation, à la manière de l'Etat colonial ou Beylik que naguère les Algériens regardaient comme un corps à la fois étranger et hostile. Il y a l'inné et l'acquis, selon Charles Darwin. Or la corruption qui gangrène un pan entier de nos institutions économiques ne ressort pas de l'inné. On ne naît pas corrompu en Algérie, on le devient par la pratique, l' imitation et les effets d'entraînement. Quand les règles ou les lois ne sont pas observées de manière uniforme, quand les agents de l'Etat piétinent les règles qu'ils sont censés mettre en pratique, et quand les compétences et les imaginations créatrices des fonctionnaires et des citoyens dévoués à la chose publique s'effacent devant les pistonnés et les caudataires de tout acabit, il s'ensuit un affaiblissement de l'Etat, et cet affaiblissement ouvre la voie à toutes les pratiques dévoyées, dont la corruption et la gestion imbécile ou incompétente de la chose publique en sont les manifestations les plus éclatantes. Si l'Algérie n'est pas encore « en mesure d'entamer sa marche vers une économie de marché », cela tient non seulement aux nombreux « intérêts inavoués [qui] se sont ligués contre toute réforme »(7) salutaire, mais aussi au fait que les fonctionnaires du premier et du second ordre s'attachent plus à leurs charges et à leurs grands et petits privilèges qu'à réfléchir et à travailler en vue de renforcer l'Etat de droit. Beaucoup d'entre eux sont en effet plus enclins à obéir de manière aveugle aux injonctions de leurs chefs hiérarchiques qu'à les éclairer de leur savoir particulier de manière à leur faire éviter les faux-pas et les décisions hâtives, irréfléchies ou arbitraires. Les réformes économiques et l'entrée de plain-pied dans la mondialisation ne saurait se faire sans la libération des initiatives, la réhabilitation des compétences, du mérite et de l'effort productif. Ces valeurs sont comme inhibées par le triomphe sans cesse croissant de la médiocrité que favorise le système de copinage, du compagnonnage, des réseaux et des clans aux intérêts conjoncturels.
Plaidoyer en faveur de l'Etat de droit et pour le travail, l'effort et le mérite
Quand l'incompétence se conjugue à l'indifférence envers le bien public, à l'absence du sens de la responsabilité de ceux qui sont censés être les commis de l'Etat, et à l'enrichissement facile ou illicite, il en résulte comme conséquence le dépérissement de l'Etat, perspective qu'aucun vrai patriote ou citoyen sincère ne saurait souhaiter ou admettre. Si le patriotisme est une bonne chose en ce qu'il renvoie à l'identité nationale et à la cohésion de la nation, il n'est pas suffisant à lui seul pour renforcer l'Etat de manière à ce qu'il transcende les intérêts particuliers. Il faut, pour se faire, créer les conditions de l'émergence et de l'enracinement d'une conscience civique, responsable et citoyenne où chacun doit se sentir concerné par tout ce qui attente aux intérêts de l'Etat. Or, la corruption est une de ces formes terroristes et attentatoires aux intérêts de l'Etat et de la nation. De ce fait, elle doit être combattue par la raison autant que par la répression. Mais « Ce qui est en jeu à travers la question de la corruption, c'est la légitimité du travail, la nécessité de l'accumulation productive par l'effort, par opposition à l'enrichissement illicite, brutal, rapide , sans contrepartie. La corruption est apparue en Algérie parallèlement à l'affaiblissement de l'Etat ; elle découle de la difficulté à mettre une responsabilité dans une adresse déterminée : désormais, on ne sait plus qui fait quoi. Aujourd'hui, l'enrichissement rapide n'est plus sujet à caution : plus personne ne vous demande d'où vous vient votre fortune. Il y a eu ces dernières années comme une légitimation de l'enrichissement qui n'était pas nécessairement issu d'une accumulation légale. Cela est vrai y compris pour ces gens qui sont descendus du maquis avec de l'argent. Il y a cette mentalité extraordinaire qui consiste à dire « ceux qui ont raté 1962 ne doivent pas rater la conjoncture actuelle »(8).
Cette mentalité est devenue malheureusement banale. Elle fonctionne comme une pratique culturelle et s'exprime « sans honte », sans retenue. J'ai entendu bien des fois certains de mes compatriotes dire : « pourquoi tout le monde vol, et pas moi ? » Travailler, fournir des efforts n'enrichit pas son bonhomme, dit- on. Il faut trouver donc des « raccourcis » qui mènent tout droit à la fortune, sans perte de temps Cette mentalité qui s'installe dans beaucoup d'esprits ne laisse pas de place à l'effort et au travail honnête que d'aucuns n'y croient d'ailleurs ou presque pas. N'est-il pas dans l'intérêt de tous les Algériens, sans distinction sociale, de fonction et de statut, de renouer avec la raison, le sens de la justice et de l'équité qui sont au fondement de leur fonds culturel commun : berbère, arabe et musulman, de manière à contribuer à la refonte de l'Etat, seul garant de leur sécurité et de leur cohésion sociale ? N'est-il pas par ailleurs de leurs intérêts de puiser de l'expérience positive des autres nations avec lesquelles ils sont en contact des vertus éthiques, des principes juridiques et des pratiques politiques (ou institutionnelles) de manière à enrichir leur propre patrimoine institutionnel et culturel en vue de renouveler leur vision du monde ?
Nous devons en effet tirer les enseignements des expériences des autres, comme l'a fait le Japon en imitant de manière intelligente l'Europe. Le secret du développement d'une nation gît essentiellement dans le travail et l'effort qu'elle consent. Le travail, l'effort et le mérite sont les valeurs cardinales, les vertus éthiques et les principes d'action qui ont guidé les nations occidentales et le Japon sur la voie de la prospérité et le développement. Ce sont ces mêmes valeurs que le candidat aux présidentielles, Nicolas Sarkozy, avait mis en avant pour convaincre les électeurs à voter pour lui. Au lendemain de son élection à la tête de la République, le 6 mai 2007, il avait répété qu'il faudrait réhabiliter plus que jamais le travail suivant le principe « travailler plus pour gagner plus. » Pour lui, la « crise morale de la société » française réside dans la « crise du travail ». Et d'ajouter « Je veux résoudre la crise morale française, elle porte un nom, c'est la crise du travail. Je ne crois pas à l'assistanat, je ne crois pas au nivellement, je ne crois pas à l'égalitarisme, je crois au mérite, à l'effort, à la récompense, à la promotion sociale et plus que tout au travail. »(9)
Et à la question de savoir s'il était le président d'un « clan » ou du peuple français, sa réponse était la suivante : « le président n'est pas l'homme d'un clan, n'est pas l'homme d'une secte, n'est même pas l'homme d'une équipe. Il est l'homme de la nation. Son devoir, c'est de prendre les meilleurs. » Et les fidèles devraient-ils être mieux traités ou promus à des postes clés que les non fidèles ? « Le travail d'un président de la République, avait-il répondu, n'est pas de récompenser des fidélités. S'il a cette notion en tête, il n'est pas à la hauteur de ses responsabilités. Il doit constituer la meilleure équipe, non pas en fonction de ce que les gens ont fait dans le passé, mais de ce qu'ils seront capables de faire dans l'avenir. Dans cette équipe, il y aura des gens d'autres formations politiques. Parce que le rôle du président, c'est de rassembler. »(10)
Au contraire, notre système politique qui fait, depuis 1962, de la cooptation un principe de gouvernement et de l'allégeance au « chef » un culte quasi sacré, ne saurait produire autre chose que des béni oui-oui. Ce système favorise par son essence même l'incompétence et son cortège d'ignorance rugueuse. Cette culture de l'obéissance ôte naturellement aux acteurs protégés toute possibilité de prise d'initiatives et d'esprit critique. Ces traits de comportements, il faut bien le dire, ne sont pas l'invention d'un homme, du chef de l'Etat, qui les aurait imposés ou inculqués à son entourage, mais résultent d'une culture patriarcale dont le contenu remonte à la nuit du temps. Ce que nous appelons par « système politique » algérien n'est rien d'autre qu'une addition d'éléments hétérogènes où coexistent non sans heurts des valeurs « traditionnelle et moderne ». De là s'explique en effet l'ambivalence qui caractérise notre représentation du monde et qui brouille souvent nos projections et nos perspectives d'avenir…
Compte tenu de ces facteurs culturels et politiques qui tournent le dos au travail, à l'effort et au mérite, il paraît difficile à l'heure actuelle d'arrimer de manière profitable l'économie nationale à l'économie mondiale et de renoncer aux pratiques informelles et rentières qui sont au fondement de notre système de gestion et de production. L'entrée dans l'économie de marché et la participation active, voulue, et non subie, de notre pays à la mondialisation suppose l'abandon de ce système de gestion suranné, la réhabilitation du travail et des compétences, la libération des énergies inhibées à présent autant par la médiocrité ambiante que par l'ingérence des pouvoirs publics dans la conduite des entreprises tant publiques que privées. Ce constat quelque peu pessimiste ne devrait pas nous faire oublier que le pays dispose d'immenses atouts, économiques et humaines, pour relever les défis que lui lancent le présent et l'avenir. Pourvu toutefois qu'il veuille et apprenne à les exploiter de manière rationnelle.
NOTES
1* Publié aux Editions Grasset, Paris, 2004. Né en 1908, Galbraith, keynésien, partisan d'une économie généreuse, a publié de nombreux ouvrages dont le Capitalisme américain, 1958 ; l'Etre de l'opulence, 1961 ; Le Nouvel Etat industriel, 1967 et 1989 ; Brève histoire de l'euphorie financière, 1992. Galbraith est le plus célèbre économiste américain. Référence historique des démocrates, il publie donc à 97 ans, un pamphlet subversif contre les dérives de l'économie de marché.
2*Définition de Larousse :Oxymore ou oxymoron (gr. oxumôron ; de oxus , piquant et môros , émoussé)
3* Pierre Bourdieu, " Le mythe de ''la mondialisation'' et l'Etat social européen , intervention à la Confédération générale des travailleurs grecs, (GSEE) à Athènes, octobre 1996. In " Contre-Feux ", 1998, p. 13
4 * D'après le quotidien Libération du 25 mars 2004.
5 *Abderrahmane Hadj Nasser, El Watan 27/28 octobre 2006
6* Lire l'ex-chef de l'Exécutif, Benbitour, El Watan, 25 juin 2007.
7* Mouloud Hamrouche, In El Moudjahid 10 mai 2005
8 * Hadj Nasser, El Watan, op.cit.
9 * Cité par El Watan du 7 mai 2007
10 *Nicolas Sarkozy, propos recueillis par Sylvie Pierre-Brossolette et Michel Schifres, In Le Figaro-Magazine, 14 avril 2007, p.28.


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